Le voyage du héros : une métaphore pour apprendre à être soi-même

Par Guillaume LEROUTIER, coach professionnel certifié en PNL, Directeur du Centre Québecois de PNL, et consultant formateur pour GERESO.

Dans les années 1940, Joseph Campbell, un anthropologue américain, réalise un travail remarquable concernant le sens des mythologies appartenant à des sociétés différentes à travers le monde. Campbell était fasciné par ce qu’il voyait comme des sentiments et des vérités universels, s’exprimer sous différentes formes à travers les cultures.

Dans son essai de 1949, Le Héros aux mille et un visages (The Hero with a Thousand Faces), Campbell expose sa théorie du monomythe, affirmant que tous les mythes suivent les mêmes schémas archétypaux.

Grâce à ce travail, il révèle l’universalité de certains thèmes tel le voyage du héros. Ce voyage du héros est une métaphore évoquant un parcours initiatique que tout être humain peut vivre dans sa vie. Ce qui est précieux dans les recherches de Campbell, c’est qu’il a clairement identifié les étapes qui constituent ce parcours et en forment la structure.

En voici le résumé agrémenté de mes commentaires liés à mon expérience personnelle.

1. Le héros vit dans le monde ordinaire

C’est l’étape qui précède le voyage initiatique en tant que tel. L’individu n’est pas conscient de ce qu’il va vivre et vit sa vie en recherchant autant que possible paix et bonheur. C’est en fait une période d’inconscience dans le sens où la personne n’est pas consciente qu’elle est déterminée par son éducation et la culture dans laquelle elle a grandi. Elle fait au mieux pour être fonctionnelle dans la société. Lorsqu’elle aspire à mieux se connaître, à être plus autonome et créatrice de sa vie, le début du voyage n’est pas loin.

2. L’appel à l’aventure

Progressivement ou soudainement, un « appel » surgit dans la vie de la personne. Cela peut prendre la forme d’une expérience intérieure plus ou moins intense liée à une découverte (découverte d’une passion pour l’art par exemple) ou d’une opportunité de changer de vie qui se présente (un travail plus passionnant, un projet hors du commun comme un voyage au long cours, immigrer dans un nouveau pays…).

3. Le héros est d’abord réticent, il a peur de l’inconnu

La personne peut entendre et répondre à cet appel en agissant. Cela passe alors nécessairement par une rupture du cours normal de sa vie telle qu’elle était auparavant. Plus la conscience de l’appel est forte, plus la personne le suit irrésistiblement malgré les réactions d’incompréhension ou d’opposition de personnes proches et malgré la peur de l’inconnu. L’individu peut aussi résister à cet appel si ses peurs sont trop présentes. La qualité des personnes qui l’entourent est souvent déterminante mais sa détermination personnelle l’est encore plus à ce moment-là.

4. Le héros rencontre des mentors et traverse une crise majeure

Après avoir accepté cet appel intérieur et au fil de l’aventure qui s’ensuit, la personne, qui devient progressivement le « héros de sa propre vie », fait la rencontre de personnes qui lui ouvrent l’esprit. Ces personnes deviennent des modèles ou mentors qui inspirent l’aventurier naissant et l’aident à s’orienter et à faire des choix (thérapeute, formateur, personnes plus âgées qui ont l’expérience de la vie?).

Il gagne en expérience et commence à vivre une vie plus riche et intéressante mais néanmoins parsemée d’épreuves (telles que de vivre un stress élevé lié à de nouvelles responsabilités professionnelles pourtant souhaitées, s’adapter à un nouveau lieu de vie, ou vivre des conflits au sein du couple?). La personne fait de son mieux pour assumer les responsabilités qui sont les siennes. Elle est déterminée à aller de l’avant et se construire une belle vie. Mais tout le monde autour d’elle n’avance pas aussi vite ou n’embarque pas dans ses rêves.

Un temps de crise survient alors inévitablement. C’est naturellement une phase difficile car elle ne peut se dérouler sans pertes, renoncements et douleurs. Elle nous invite en fait à faire des choix pour pouvoir sortir de l’état souffrant dans lequel nous nous trouvons. D’ailleurs, saviez-vous que « crise » vient du grec « krisis » qui signifie décision !

Les décisions prises deviennent salutaires lorsqu’elles sont orientées vers de véritables changements. La crise est la période qui porte en elle le germe des changements nécessaires pour évoluer et grandir. Ainsi, les croyances et les valeurs de la personne sont affectées par ce processus. C’est pour cela qu’elle vit une véritable remise en question à ce moment-là. Et si certains pans de sa vie s’écroulent autour d’elle, c’est qu’ils s’écroulent à l’intérieur d’elle-même. Certaines convictions ou certitudes que la personne avait, et sur lesquelles elle avait bâti sa vie, sont ébranlées. Cela s’accompagne bien sûr de sentiments de solitude, d’isolement, d’incompréhension, d’injustice, de colère et de frustration. Que se passe-t-il en fait ? Et bien tout simplement, plusieurs de ses illusions commencent à s’effondrer à ce moment-là. · Cette période exige beaucoup de nous-mêmes. Elle ne fait par ailleurs que révéler que le voyage intérieur est bel et bien entamé depuis un certain temps déjà. C’est pourquoi, il est souvent profondément utile et nourrissant de s’entendre dire dans ces moments-là (par un ami, un mentor) que cette crise veut notre croissance et qu’un plus grand bien-être et équilibre en est l’issue.

5. Le héros passe un « seuil »

La personne engagée dans cette aventure arrive à une étape essentielle. Elle a la possibilité de poursuivre l’aventure, malgré les épreuves douloureuses récentes, en s’investissant dans un projet d’envergure à la hauteur de qui elle est vraiment (comme la création d’une entreprise, ou la réalisation d’une oeuvre d’art). Cette possibilité est inscrite dans la personne elle-même car elle correspond en fait à sa véritable nature (entrepreneur, artiste?). Une fois la décision prise, c’est un point de non retour que la personne vient de franchir. La réalisation du projet est en marche et le héros doit l’assumer.

6. Le héros subit des épreuves, rencontre des alliés et des ennemis et vit une transition

La personne engagée dans la réalisation d’un projet majeur de sa vie est confrontée à présent à l’adversité. Elle peut par exemple avoir à faire face à des problèmes d’argent ou passer à travers un processus de divorce. Le défi de cette période est de tenir le cap en puisant dans ses ressources intérieures (courage, confiance en soi, lâcher prise pour mettre son énergie à la bonne place…). Elle découvre clairement sur qui elle peut compter, qui est là pour l’aider et qui elle doit confronter en ayant le courage de se positionner en restant autant que possible en maîtrise d’elle-même. C’est une phase de transition qui commence alors. Progressivement, la nouvelle vie prend forme. Je dis bien progressivement car cela ne se fait pas du jour au lendemain. C’est une période profondément marquée du sceau de l’instabilité. Là encore, cela sera révélé à travers des relations qui évolueront sous ce signe. Celles-ci confrontent le héros à ses limites et ses faiblesses. Son immaturité à certains niveaux est révélée à travers certaines rencontres qui vont rapidement le confronter sur les aspects qu’il est temps de transformer en lui. Par ailleurs, c’est une
phase qui révèle aussi ses grandes qualités et ses talents et la force intérieure
acquise au fil du long chemin déjà parcouru.

Et si le sentiment de vivre dans des « montagnes russes » est souvent intense dans cette période-là, ce feeling est positif en soi car il engendre finalement un fort désir de stabilité. Il amène la personne à trouver la voie vers un nouvel équilibre où la paix et l’unité intérieures seront bien plus présentes.

7. La traversée des illusions

J’appelle personnellement cette phase le passage du récif. En effet, dans un lagon, il n’existe que quelques endroits dans le récif l’entourant pour y pénétrer et aller jusqu’à la plage. Ces endroits s’appellent des passes et sont parfois étroites. S’y engager au bon moment et avec adresse est nécessaire pour parvenir dans le lagon. C’est une analogie que je trouve éclairante sur la réalité de cette période. S’y engager trop tçt ou maladroitement risque d’amener à s’écorcher ou se blesser sur les récifs de corail, cela est d’autant plus dangereux que les requins attirés par le sang sont à l’affût !

C’est une phase délicate car elle marque définitivement le passage de la personne vers sa nouvelle vie. De nouvelles pertes, et donc de nouveaux deuils, sont nécessaires. Il est naturellement douloureux de revivre ce que la personne a déjà réussi à dépasser au cours des mois ou des années précédentes. En fait, cette phase est le test qui révèle au héros s’il est réellement prêt à vivre sa nouvelle vie. Ce passage permet à la personne de dissoudre à l’intérieur d’elle-même plusieurs de ses « chimères » qui accompagnaient son idéal de vie forgé en elle depuis son enfance. La vie l’invite alors non pas à abandonner son idéal mais à mieux le connaître et à le faire mûrir.

C’est une opportunité unique de briser des « schémas émotionnels et comportementaux » issus du passé. Cela demande à nouveau courage et force intérieure alors que le héros est encore marqué par la crise et la transition qu’il vient de vivre. Prendre soin de soi, de son corps, choisir des relations nourrissantes à ce moment-là est essentiel pour éviter un repli sur soi qui serait aussi inutile que souffrant. C’est aussi une période où il est bon de prendre le temps de ressentir de la gratitude envers les personnes rencontrées sur le chemin jusque-là et qui l’ont aidé à grandir à différents niveaux. Pouvoir l’exprimer à certaines d’entre elles est idéal car cela met un baume sur certaines blessures les aidant ainsi à pleinement cicatriser.

8. Le héros s’empare de l’objet de sa quête

Le rêve dans lequel s’est investi le héros se réalise enfin grâce à la qualité de son travail, de son engagement fait de patience et de persévérance, libérant ainsi l’esprit du sentiment de vivre en état de crise. La personne a réussi son pari en allant au bout d’un de ses grands rêves intimes. La fierté est grande mais elle s’accompagne aussi d’un sentiment de solitude dans les premiers temps. Ce sentiment est normal et la personne gagne à ne pas s’y accrocher. Il lui permet simplement de réaliser ce à quoi elle a dû renoncer pour obtenir l’objet de sa quête.

9. Le début d’une nouvelle vie

Cela est suivi d’une phase de lâcher prise qui permet à la personne d’actualiser véritablement ses perceptions et ses comportements. C’est également une période de test pour le héros qui doit confirmer qu’il a intégré de nouvelles perceptions et de nouvelles attitudes en créant des relations plus saines et plus justes. Et ce test est quotidien ! Puis il commence, enfin, à vivre une vie plus stimulante et abondante. Les possibilités de réalisation s’élargissent grandement et le héros est maintenant éclairé sur plusieurs réalités de la vie.

10. Le retour dans le monde ordinaire et l’utilisation de l’objet de la quête pour améliorer le monde  

Le héros a mûri et grandi tout simplement et il peut vivre maintenant son idéal en conscience. Il est prêt à transmettre son expérience à d’autres personnes, autrement dit à devenir un mentor lui-même. Ce qu’il a appris tout au long de son itinéraire est précieux pour de nombreuses personnes qu’il sera amené à côtoyer au fil du temps. C’est finalement un chemin vers soi que ce voyage du héros constitue. Un itinéraire pour apprendre à se connaître et devenir ainsi intègre et fidèle à soi-même.

Alors, j’ai une seule question pour vous : à quelle étape de cet itinéraire initiatique pensez-vous être ?

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