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Extension de la responsabilité pénale dans les relations de travail
Lessanctions pénales au non-respect de la législation du travail se sontmultipliées depuis ces 10 dernières années, dans des domaines trèsdivers :
Spécificités des infractions pénales à la législation du travail
Distinction entre responsabilité civile (délictuelle) et responsabilité pénale
Une action en responsabilité civile vise la réparation d’un préjudice,notamment par l’octroi de dommages-intérêts, le remboursement d’unedette, une remise en l’état, … Une action en responsabilité pénale,quant à elle, conduit soit à la condamnation du responsable à une peined’emprisonnement ou à une peine d’amende, soit à sa relaxe.
Les deux actions ne sont pas engagées devant les mêmes juridictions, enprincipe : l’action en responsabilité civile est portée devant lesjuridictions civiles (Tribunal d’Instance ou Tribunal de GrandeInstance, Tribunal de Sécurité Sociale, Conseil de Prud’hommes, etc.)La responsabilité pénale ne peut être reconnue que par les juridictionsrépressives (tribunal correctionnel, Cour d’assises ou chambrecriminelle de la Cour de cassation). Il se peut toutefois que les deuxactions soient concomitantes, lorsque le demandeur se porte partiecivile devant les juridictions répressives.
Compatibilité entre condamnations au pénal et au civil
Lorsque l’employeur a été condamné au pénal pour les mêmes faits, lejuge civil ne peut écarter sa responsabilité civile, en raison duprincipe d’autorité de la chose jugée au pénal. Par contre, le jugecivil n’est pas lié par la décision de relaxe prononcée par lesjuridictions répressives.
Par exemple, en matière d’accidents du travail, « l’absencede faute pénale non intentionnelle au sens de l’article L. 121-3 duCode pénal ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant lesjuridictions civiles afin d’obtenir la réparation d’un dommage sur lefondement de l’article 1383 du Code civil si l’existence de la fautecivile prévue par cet article est établie, ou en application del’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale si l’existence de lafaute inexcusable prévue par cet article est établie ». – Article 4-1 du Code de procédure pénale, inséré par la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 – JO du 11 juillet
Qualification d’une infraction pénale à la législation du travail
Lorsqu’une disposition particulière du Code du travail est emfreinte,dont la violation est assortie d’une sanction pénale prévue par le mêmeCode, la responsabilité pénale du chef d’entreprise est « automatique » :il n’est pas nécessaire que l’infraction au Code du travail aitprovoqué un dommage aux salariés ou à leurs représentants. Les élémentsintentionnels et matériels traditionnellement requis pour qualifier uneinfraction pénale ne sont pas exigés aussi nettement, en casd’infraction aux dispositions du Code du travail sanctionnées par leditCode. Tel est le cas par exemple en matière de sécurité dansl’entreprise : il n’est pas nécessaire qu’un accident ou une maladieprofessionnelle se soit produit, le seul fait d’exposer les salariés aurisque créé par le non-respect de la législation du travail estsuffisant pour condamner l’employeur.
Parallèlement, certaines obligations de l’employeur dépassent le champdu Code du travail et sont inscrites dans la Constitution, le Codecivil ou le Code pénal. Ainsi en est-il notamment pour la libertéd’expression, la liberté syndicale, et l’obligation de prudence et desécurité générale à toute entreprise vis à vis de ses salariés. Lestribunaux peuvent alors s’appuyer sur les dispositions du Nouveau Codepénal pour sanctionner le chef d’établissement ou ses préposés. Il esttoutefois nécessaire que les manquements de l’employeur aient alorsprovoqué un dommage.
Compatibilité entre les sanctions prévues par le Code du travail et celles prévues par le Code pénal
Selon la jurisprudence, les sanctions prévues par le Code pénal sontapplicables seulement en l’absence de texte particulier issu du Code dutravail, relatifs aux mêmes faits incriminés. En ce sens, il estd’abord recherché si le chef d’entreprise a enfreint une dispositionparticulière du Code du travail. Puis, à défaut, le juge recherche s’ily a manquement à une obligation plus générale, en se basant sur le Codepénal.
Toutefois, les 2 infractions, ainsi que les 2 peines encourues, ne sontpas exclusives. En d’autres termes, il peut y avoir cumul d’infractionset cumul de peine, dans les conditions prévues à l’article L. 132-3 duCode pénal. Le cumul des peines concerne les peines de même nature etne peut dépasser le maximum légal de la peine de même nature la plusélevée qui est encourue.
Personnes susceptibles d’être pénalement responsables
Le chef d’entreprise
Même s’il n’a pas directement causé le dommage, le chef d’entreprise peut être personnellement tenu pour responsable pénal. Cette responsabilité est la conséquence immédiate de ses fonctions de direction.
Par chef d’entreprise, il faut entendre de façon générale la personne physique désignée par les statuts de la société comme son plus haut représentant, sauf si la gestion et/ou la direction est confiée dans les faits à une autre personne. Il s’agit principalement de :
L’entreprise, personne morale
Depuis 1994, la responsabilité de la personne morale employeur peut être engagéeen application de l’article L. 212-2 du Code pénal si une dispositionlégale ou réglementaire le prévoit expressément et seulement pour desinfractions commises pour son compte, par ses organes ou représentants.
En matière de sécurité au travail, seules sont concernées les infractions d’atteintes involontaires à la vie et à l’intégrité physique et le délit de mise en danger d’autrui.
Le représentant de la société (personne physique) ne doit donc pas avoir agi pour son compte personnel, sa responsabilité doit avoir été constatée et l’infraction doit pouvoir être rattachée à l’activité de l’entreprise.
La responsabilité pénale de la personne morale n’est pas exclusive dela responsabilité personnelle des personnes physiques qui la dirigent
ou la représentent.
Toutefois, en cas de délit non intentionnel, la jurisprudence pourraitdésormais être amenée à retenir la seule responsabilité pénale de lapersonne morale, par effet indirect de la loi du 10 juillet 2000.
Ainsi, l’objet de cette législation est d’éviter que puissent êtreprononcées, pour des infractions involontaires, des condamnationsparaissant injustifiées de certains décideurs publics, des élus locauxet des hauts fonctionnaires, sans toutefois affaiblir la répression etla prévention des dommages. Les domaines concernés sont le droit dutravail, la circulation routière, la santé publique et la protection del’environnement. – Circulaire ministérielle du 11 octobre 2000
En cas de délégation de pouvoir
La délégation de pouvoir investit le préposé ou délégataire d’unemission, qui incombe en principe au chef d’entreprise. Dans de nombreuxdomaines du droit du travail, c’est le DRH qui détient une telledélégation de pouvoir.
Le fait pour un chef d’entreprise de déléguer ses pouvoirs permet detransférer sa responsabilité pénale sur le délégataire ou préposé. Enprincipe, la délégation de pouvoir est donc un moyen d’exonération dela responsabilité pénale du chef d’entreprise. A l’inverse, l’absencede délégation de pouvoir implique la responsabilité personnelle du chefd’entreprise.
Toutefois, en matière d’hygiène et sécurité, lorsque le préposé reconnupénalement responsable a commis une infraction à la réglementation surla sécurité prévue dans le Code du travail, qui a provoqué un homicideinvolontaire (mort ou blessure) ou un accident ou une maladieprofessionnelle assorti d’un arrêt de travail de moins de 3 mois, letribunal, peut, compte tenu des circonstances de fait et des conditionsde travail de l’intéressé, décider que le paiement des amendesprononcées est à la charge de l’employeur, en totalité ou en partie. -Article L. 263-2-1 du Code du Travail
En outre, il peut y avoir cumul d’infraction impliquant d’une part laresponsabilité du préposé qui a enfreint les dispositions du Code dutravail et, d’autre part, la responsabilité personnelle du chefd’entreprise qui a manqué à une obligation qui excède le champ decompétence du droit du travail, sur le fondement du droit pénal général.
Les conditions de validité d’une délégation de pouvoir sont fixées principalement par la jurisprudence.
La délégation de pouvoir doit être limitée à des tâches précises, elledoit être précise et exempte d’ambiguïté. Elle doit en outre avoir uncaractère durable et stable, voire permanent.
Le délégataire ou préposé est en principe salarié de l’entrepriseintéressée, dans la mesure où¹ la délégation de pouvoir constitue unesimple modalité d’exécution de son contrat de travail. Il doit êtrepourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessairesàl’accomplissement de sa mission. En matière de sécurité, par exemple,le délégataire doit disposer :
Il n’est pas exigé que la délégation de pouvoir soit écrite. Et,lorsqu’elle existe, une attestation écrite ne lie pas le juge. Lapreuve peut donc être rapportée par le chef d’entreprise par tout autremoyen : témoignage, organigramme de la société, …
La subdélégation est également permise, selon la jurisprudence : lesubdélégataire doit alors, comme le délégataire, avoir les compétencesjuridiques et techniques correspondantes, l’autorité et les moyensnécessaires pour assurer sa mission.
Actions de prévention possibles contre le risque pénal
Entout état de cause, la délégation de pouvoir doit être centrée ourecadrée sur les véritables compétences du préposé : l à où¹ il estvraiment opérationnel, l à où¹ il peut prendre les décisions enconnaissance de cause. Les délégations dans des domaines en marge deses réelles compétences sont dangereuses.
Pour seprémunir davantage contre le risque pénal inhérent désormais auxrelations de travail, les entreprises développent également certainsoutils RH :