« Leadership Fractionné : vers la fin du manager unique ? »

Et si la figure du manager telle que nous la connaissons était amenée à disparaître ? Alors que l’IA bouscule les méthodes de travail, et que les attentes des collaborateurs font la part belle à l’autonomie, à la flexibilité et au développement personnel, le rôle du manager prend une dimension d’autant plus stratégique. Coach, chef d’orchestre, catalyseur de la performance d’équipe… le manager se fait caméléon.

« Leadership Fractionné : vers la fin du manager unique ? »
Vers la fin du manager unique : place au leadership partagé !

Un rôle trop large pour un seul manager ?

Analytique, intelligence émotionnelle, créativité, vision, encadrement opérationnel, maîtrise de l’IA… Les managers doivent maîtriser un large éventail de compétences techniques mais surtout comportementales. Pourtant, ces mêmes managers sont parfois promus à ce titre grâce à leur expertise technique et non grâce leurs compétences relationnelles et comportementales.

Repenser les modèles de management

Pour faire face à ce défi, certaines organisations ont repensé leur manière d’accompagner les talents, le plus souvent en divisant la responsabilité managériale en deux : d’un côté, l’encadrant « opérationnel », de l’autre, le « responsable carrière ». Mais dans certains secteurs aux enjeux ou à la culture spécifique, la division des responsabilités se fait plus finement, allant jusqu’à la mise en place de « réseaux de management ». 

Zoom sur trois secteurs pionniers du Leadership fractionné

✔︎ Le conseil en stratégie : mission versus carrière

De nombreux cabinets de conseil, comme EY, Accenture ou encore McKinsey, ont opté pour une séparation de deux responsabilités clefs du manager : d’un côté, le Manager de mission, en charge du bon déroulé de la mission client, et concentré sur l’atteinte des résultats (= orientation performance). De l’autre, le Conseiller Carrière, qui lui est en charge du développement professionnel et par extension de la fidélisation des collaborateurs.  Là où le manager de mission encadre et accompagne le développement des compétences professionnelles, le Conseiller Carrière aide le collaborateur à se projeter dans l’entreprise et à établir un plan de carrière clair.

Cela semble simple, mais la réalité est plus complexe. En effet, le Conseiller Carrière est également en charge de la préparation et de la complétion des entretiens annuels, et doit donc avoir une vision 360 sur les compétences et sur les axes de développement des collaborateurs… vision que les Managers de mission détiennent en grande partie, puisqu’ils observent le collaborateur au quotidien. La réussite du modèle dépend donc :

  • De l’investissement des Conseillers carrière dans leur rôle (une responsabilité qui s’ajoute à leur core job, sans être toujours valorisée par l’organisation)
  • De la bonne communication entre les Conseillers Carrière et les Managers de mission (mécanismes de remontée d’information, échanges d’alignement réguliers…)

✔︎ La tech : une culture de l’agilité et du réseau

Dans de nombreuses start-up tech appliquant la méthode agile, le Leadership est fractionné de manière tripartite, entre les scrum master (orientation process), les tech leads (orientation technique), et les engineering managers (orientation carrière). Cette approche est très efficace pour assurer le delivery et la performance, mais peut complexifier les démarches des collaborateurs, qui ne sauront pas forcément vers qui se tourner lorsqu’ils cherchent un feedback, par exemple.

Mais bien que toutes les entreprises de la tech n’appliquent pas la méthode agile, on retrouve souvent une séparation des rôles managériaux. Ainsi, au sein du célèbre e-retailer Amazon, les collaborateurs juniors, appelés Brand Specialists, sont encadrés par des Team Leads, dont le rôle est d’assurer la supervision et le développement des talents. Au quotidien néanmoins, les Brand Specialists travaillent principalement avec les équipes Achats, ou encore avec les équipes Supply Chain, Product Managers et Finance.  Derrière cette séparation des rôles, deux objectifs : une structuration plus formelle de l’encadrement, et la volonté de créer des figures d’accompagnement 100% dédiées aux équipes. Ironie de l’histoire, ces « middle managers » ont été particulièrement ciblés par les vagues de licenciement successives du géant américain ces deux dernières années…

Enfin, le secteur de la tech est connu pour son horizontalité. Cela influence directement la répartition des figures managériales, puisque de nombreuses figures de management ont émergé ces dernières années. Les programmes de mentorat prennent ainsi de plus en plus d’ampleur, et on voit se développer de nouveaux rôles, comme les référents carrière ou les coachs internes, donnant lieu à un management en réseau. Buffer, entreprise tech spécialisée dans le social media management, permet aux collaborateurs de choisir des coachs de carrière internes, et d’en changer selon l’évolution de leurs priorités professionnelles. Même chose chez Proginov, entreprise française spécialisée dans les logiciels de gestion, où les collaborateurs choisissent chaque année leurs référents (source : Innovation Managériale). Le leader Spotify a quant à lui mis en place des Chapter leads, avec une expertise technique, et des … Tribe leads, pour répondre au besoin de transversalité des pratiques et des projets.                                                       

✔︎ L’approche tripartite dans le secteur du jeu vidéo

Dans le secteur du Jeu Vidéo, on retrouve également une segmentation des dimensions managériales selon les différentes priorités du secteur : une facette créativité / produit portée par le Producer, une facette technique portée par les Tech leads, et une facette carrière portée par les People Managers.

Une division des tâches qui semble efficace … mais face à l’essor fulgurant du business lors de la pandémie de 2020, le modèle a montré ses limites. Dégradations des conditions de travail, burn-outs à répétition… l’aspect carrière n’est pas toujours mis au centre des préoccupations des leaders du jeu vidéo français (source JDN).

Trois enseignements clés sur le Leadership fractionné : 

  • Pour répondre à un besoin d’agilité et d’approche matricielle, certaines organisations ont adopté une nouvelle approche du management, en fractionnant les rôles selon les priorités de l’entreprise, avec le plus souvent une séparation entre une dimension « business / expertise technique » et une dimension « people / carrière ».
  • Le succès de ces initiatives dépend de l’investissement des différentes figures managériales, de l’efficacité de la communication interne, et de la clarification des rôles alloués.
  • Un écueil fréquent est de voir la dimension « business » prendre le pas sur la dimension carrière et développement professionnel, avec un impact potentiellement négatif sur la rétention des talents. Un comble, sachant que le Leadership fractionné est né notamment du besoin de davantage fidéliser les talents.

Fractionner le Leadership pour gagner en efficacité managériale ?

Appliquer un Leadership fractionné, c’est permettre à chaque leader de briller grâce à sa zone d’excellence. Dans une start-up par exemple, le CEO apportera une vision, le COO la coordination, le CHPO le « care »… Cela tend à renforcer la motivation des leaders, et la performance globale du collectif, à travers une meilleure allocation des ressources.

Adopter un Leadership fractionné permet de faire plus facilement face aux incertitudes et à la complexité croissante des organisations d’aujourd’hui. Quand les compétences techniques et comportementales sont transmises par un réseau plutôt que par une personne seule, le collaborateur a plus de chances de monter en compétence rapidement, et de pouvoir mobiliser le bon talent au bon moment.

Le Leadership fractionné permet donc un gain d’efficacité managériale… à condition d’incorporer 3 éléments phares, qu’on pourrait appeler « la règle des 3C ».

La règle des 3C : les clés du succès

  • C, pour confiance : partager le Leadership nécessite d’avoir confiance dans l’organisation mise en place (définition des périmètres de chacun), et dans les personnes définies pour mener à bien les responsabilités managériales
  • C, pour communication : une circulation fluide de l’information entre les référents est nécessaire pour garantir la cohérence des discours et des décisions, essentielle pour générer du sens au travail
  • C, pour collaboration : pour que le Leadership fractionné marche, il faut que tous les référents travaillent ensemble, et se mettent au service du développement de l’humain.

Le Leadership fractionné repose donc sur un équilibre entre confiance, communication et collaboration. Mais un nouvel élément viendrait bouleverser cet ordre plutôt bien établi…

L’IA, nouveau co-manager ?

L’IA est déjà bien ancrée dans les pratiques managériales : elle aide à la prise de décision, à l’automatisation des processus, à la rédaction de feedbacks… Mais certaines entreprises ont déjà porté plus loin le rôle de l’IA : IBM permet à ses collaborateurs de bénéficier de coaching carrière digital grâce à IBM Watson, Fujitsu propose des modèles d’évaluation de la performance basés sur l’IA…

L’IA présente des avantages en tant que co-manager : gain d’objectivité, réduction des biais cognitifs (même si des biais algorithmiques existent), renforcement du Knowledge Management, proposition de recommandations instantanées… Il y a donc fort à parier que l’IA va être utilisée en soutien des différentes personnes impliquées dans le management et le développement des collaborateurs (modèles template, envoi de nudges, structuration des données…), et en soutien des collaborateurs eux-mêmes (pistes d’évolution professionnelles, compétences à développer…).

Mais même si l’IA s’impose comme composante du Leadership fractionné, elle n’en deviendra probablement jamais le cœur : communication déshumanisée, perte de lien voire de sens au travail… Les travers de l’IA existent, et posent un réel danger pour la rétention des collaborateurs. Là encore, tout sera question d’équilibre : incorporer l’IA pour gagner en efficacité, oui. Laisser l’IA se substituer aux managers, non (ou alors au détriment du turnover).

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Le Leadership fractionné, un modèle efficace pour fidéliser les Z ?

Fractionner le Leadership ne l’affaiblit pas, mais tend au contraire à le renforcer si l’organisation investit dans la confiance, la communication et la collaboration des différents co-managers. Cette approche du management est d’ailleurs adaptée aux besoins de la génération Z, qui représentera 30% de la main d’œuvre mondiale d’ici 2030. En effet, la génération Z se reconnait davantage dans les organisations horizontales, et pourra combler son besoin de feedbacks réguliers, et de sens au travail, en choisissant des référents adaptés à leurs besoins et en ayant des échanges de proximité personnalisés.

Le défi auquel doivent à présent faire face les entreprises est d’accompagner ces jeunes dans le réseau de soutien et de feedbacks qui leur est proposé, afin de cadrer leur autonomie et de prévenir les ruptures de parcours.

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