Panorama de droit social de début mai 2006

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 Droit du travail – Inaptitude du salarié – Visites de reprise

 

Saufdans le cas où le maintien du salarié à son poste entraîne un dangerimmédiat pour la santé ou la sécurité de l’intéressé ou celle destiers, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude du salariéà son poste de travail qu’après étude de ce poste et des conditions detravail dans l’entreprise et deux examens médicaux de l’intéresséespacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examenscomplémentaires mentionnés à l’article R. 241-52 du Code du travail(Cass soc. 3 mai 2006.pourvoi n° 04-47613)

Les faits :

Unsalarié qui avait été engagé le  en qualité de charpentier avait étévictime d’un accident du travail. Il avait, le 23 novembre 1999, étédéclaré par le médecin du travail apte alors que sa reprise du travaildevait intervenir le 30 novembre suivant. A cette date, ce médecinavait établi une fiche de « reprise du travail » remplaçant la précédenteen indiquant que l’aptitude du salarié pourrait être précisée aprèsavis d’un spécialiste en aptitude professionnelle. Le médecin dutravail avait, le 4 janvier 2000, après cet avis spécialisé, déclaré cesalarié « apte à son poste de travail habituel. Ne peut effectuer quedes travaux au sol, sans responsabilité ni efforts violents. Revoirimpérativement dans 15 jours si pas de possibilité de réemploi dansl’entreprise ». Il avait, le 14 janvier suivant, émis le même avis. Lesalarié avait, le 28 janvier 2000, été licencié pour inaptitude. Pourdéclarer le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, lacour d’appel de Grenoble avait retenu que le salarié que ayant étéexaminé par le médecin du travail quatre fois entre le 23 novembre 1999et le 14 janvier 2000 au titre de la reprise du travail et aussi par unmédecin spécialiste en aptitude professionnelle, la validité de ladéclaration d’inaptitude et d’impossibilité de reclassement ne pouvait,alors que la responsabilité de l’employeur n’est à aucun moment engagéedans le déroulement de cette procédure de constatation d’inaptitude,être remise en cause au seul motif que les deux derniers examensmédicaux n’ont pas été espacés de deux semaines. La cour de cassationcasse cette décision.

La solution :

Cettedécision est à verser au dossier de l’inaptitude à l’emploi qui ne peutêtre déclarée qu’après deux visites médicales espacées de 15 jours.

Droit du travail – Résiliation judiciaire du contrat de travail – Procédure

 

Lorsqu’unsalarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail,puis a pris acte de la rupture de celui-ci et, enfin, a été licenciépour faute, le juge doit d’abord se prononcer sur la demande derésiliation, et, en cas de rejet, sur la prise d’acte en recherchant siles faits invoqués par le salarié à l’appui de celle-ci étaient ou nonfondés et produisaient soit les effets d’un licenciement sans causeréelle et sérieuse, soit les effets d’une démission(Cass soc. 3 mai 2006.pourvoi n° 03-46971)

Les faits :

Unsalarié avait été engagé en qualité d’attaché avec le statut de cadre.Il avait saisi la juridiction prud’homale pour obtenir notamment larésiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts del’employeur puis n’avait pas repris son emploi  à l’issue d’un arrêtmaladie. Il avait alors pris acte de la rupture de son contrat detravail par l’employeur. L’employeur  avait alors demandé au salarié dereprendre le travail et s’il persistait dans sa prise d’acte. Il avaitété licencié pour faute grave  après le rejet de sa demande derésiliation de son contrat de travail par le conseil de prud’hommes. Lesalarié reprochait aux juges du fond d’avoir rejeté la demande derésiliation judiciaire du contrat de travail formée par le salarié et,sans statuer sur sa prise d’acte, dit que le licenciement prononcé parl’employeur était « illégitime ». La cour de cassation valide ceraisonnement.

La solution :

Cettesolution est la suite logique de la position de la chambre sociale enmatière de résiliation judiciaire et de prise d’acte de rupture ducontrat de travail.

Droit du travail – Lieu de travail – Mobilité

 

Dès lors quele contrat de travail de l’une salariée ne comportait aucune clauserelative au lieu de travail et  que l’affectation qui lui avait étéproposée se trouvait dans la « couronne urbaine » du chef-lieu dedépartement où elle était affectée, c’est-à-dire dans le même secteurgéographique,  les juges du fond ont pu estimer que la mutation neconstituait qu’une modification des conditions de travail qui nepouvait être refusée(Cass soc. 3 mai 2006. pourvoi n° 04-41880).

Les faits :

Unesalariée avait été  engagée en qualité d’employée par la société decontrôle d’exploitation des transports auxiliaires. Son lieu de travailétait à Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire) et elle avait été mutéeà Angers (Maine-et-Loire) le 12 mars 1999. Ayant refusé sa mutation àAvrillé (Maine-et-Loire), qui lui avait été proposée les 22 décembre2000 et 13 février 2001 en raison de la fermeture de l’établissementd’Angers, elle avait été licenciée le 20 mars 2001. Elle avait alorssaisi la juridiction prud’homale. Pour la cour de cassation, les jugesd’appel, après avoir retenu que le contrat de travail de l’intéresséene comportait aucune clause relative au lieu de travail et constaté quel’affectation qui lui avait été proposée se trouvait dans la « couronneurbaine » du chef-lieu de département où elle était affectée,c’est-à-dire dans le même secteur géographique, ont pu estimer que lamutation ne constituait qu’une modification des conditions de travailqui ne pouvait être refusée.

La solution :

Enl’espèce, cette modification mineure devait être qualifiée demodification des conditions de travail et non de modification ducontrat de travail.

Droit du travail – Inaptitude à l’emploi – Paiement des salaires

Lareprise par l’employeur du paiement des salaires à laquelle il est tenuen application de l’article L. 122-24-4, alinéa 2, du Code du travail,ne le dispense pas de l’obligation qui lui est faite par l’alinéa 1erdu même article de proposer un poste de reclassement(Cass soc. 3 mai 2006. pourvoi n° 04-40721).

Les faits :

Unesalariée avait été engagée par une Mutualité  en qualité degestionnaire de sinistres. Après avoir été classée en invaliditédeuxième catégorie à compter du 19 décembre 1997, le médecin du Travaill’avait déclarée le 2 mars 1998 inapte à la reprise du travail au posteactuel ou à tout autre poste dans l’entreprise au terme d’une seulevisite compte tenu du risque d’aggravation de son état de santé.L’employeur l’avait avisée le 17 mars qu’il procéderait au maintien deson salaire jusqu’à son 60e anniversaire. La salariée avait saisi lajuridiction prud’homale pour que soit constatée la rupture du contratde travail imputable à l’employeur. Pour rejeter sa demande, la courd’appel de Lyon avait retenu que, selon les dispositions de l’articleL. 122-24-4 du Code du travail, l’employeur dispose en cas d’inaptitudetotale ou partielle de son salarié de la faculté et non de l’obligationde procéder à son reclassement ou de procéder à son licenciement etqu’au cas où il ne retiendrait aucun des termes de cette alternative ildoit reprendre le règlement du salaire au plus tard un mois aprèsl’examen médical de reprise. La chambre sociale casse cette décision enretenant que  la reprise par l’employeur du paiement des salaires àlaquelle il est tenu en application de l’article L. 122-24-4, alinéa 2,du Code du travail, ne le dispense pas de l’obligation qui lui estfaite par l’alinéa 1er du même article de proposer un poste dereclassement.

La solution :

La reprise par l’employeur du paiement des salaires ne le dispense pa
s de l’obligation de proposer un poste de reclassement.

Droit du travail – Salaire – Modification du contrat de travail

Dèslors que la proposition de mutation qui a été faite au salarié a poureffet de conférer à une partie de la rémunération qu’il perôoit uncaractère provisoire dont le maintien est laissé à la discrétion del’employeur, les juges du fond ont pu en déduire, nonobstant la clausede mobilité figurant dans son contrat de travail, que le refus opposépar l’intéressé à sa mutation n’était pas fautif, en sorte que sonlicenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass soc. 3mai 2006. pourvoi n° 04-46141).

Les faits :

Un salarié engagé en qualité de chargé d’agence Mutuelle du Mansassurance, affecté à Altkirch, puis à Strasbourg-Neudorf et Verdun,avait été licencié pour faute grave, l’employeur lui faisant grief durefus de sa mutation à l’agence de Reims en méconnaissance de la clausede mobilité insérée à son contrat de travail. La cour d’appel de Colmaravait jugé le licenciement sans cause réelle ni sérieuse. La cour decassation confirme cette position après avoir constaté que laproposition de mutation qui avait été faite au salarié avait pour effetde conférer à une partie de la rémunération qu’il percevait uncaractère provisoire dont le maintien était laissé à la discrétion del’employeur.

La solution :

Cet arrêt est à verser au dossier de la modification du contrat de travail.

Droit du travail – Droit international – Conflit de juridictions

L’ordrepublic international s’oppose à ce qu’un employeur puisse se prévaloirdes règles de conflit de juridictions et de lois pour décliner lacompétence des juridictions nationales et évincer l’application de laloi française dans un différend qui présente un rattachement avec laFrance et qui a été élevé par un salarié placé à son service sansmanifestation personnelle de sa volonté et employé dans des conditionsayant méconnu sa liberté individuelle (Cass soc. 10 mai 2006. pourvoi n° 03-46.593).

Les faits :

Unesalariée de nationalité nigériane, alors âgée de vingt-deux ans, avaitété engagée en qualité d’employée de maison par une personne denationalité britannique, en vertu d’une convention rédigée en langueanglaise et passée le 13 octobre 1994 à Lagos (Nigéria). Elle avaitabandonné son emploi alors qu’elle se trouvait à Nice (Alpes-Maritimes)et elle avait fait convoquer son employeur devant le conseil deprud’hommes pour avoir paiement d’un rappel de salaires et del’indemnité forfaitaire de travail dissimulé. Pour la cour decassation, le droit français était applicable dès lors  qu’il résultaitdes constatations des juges du fond que la salariée qui avait pus’enfuir de son travail alors qu’elle se trouvait en France oùl’employeur résidait, avait été placée par des membres de sa famille auservice de celui-ci, avec l’obligation de le suivre à l’étranger, unerémunération dérisoire et l’interdiction de revenir dans son pays avantun certain temps, son passeport étant retenu par l’épouse de sonemployeur.

La solution :

L’exigenced’un rattachement du litige avec la France était satisfaite par laprésence de la jeune femme sur le sol français dans la suite del’employeur et par sa fuite, en cette circonstance, de son lieu detravail..

Droit du travail – Travail dissimulé – Notion

Dèslors qu’une  salariée a travaillé en France sans avoir été déclarée auxorganismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertudes dispositions législatives et réglementaires en vigueur, le travaildissimulé est caractérisé, peu important que l’employeur ait accompliou non des formalités équivalentes dans un autre Etat  (Cass soc. 10mai 2006. pourvoi n° 03-46.593).

Les faits :

Unesalariée de nationalité nigériane, alors âgée de vingt-deux ans, avaitété engagée en qualité d’employée de maison par une personne denationalité britannique, en vertu d’une convention rédigée en langueanglaise et passée le 13 octobre 1994 à Lagos (Nigéria). Elle avaitabandonné son emploi alors qu’elle se trouvait à Nice (Alpes-Maritimes)et elle avait fait convoquer son employeur devant le conseil deprud’hommes pour avoir paiement d’un rappel de salaires et del’indemnité forfaitaire de travail dissimulé. L’employeur soutenaitqu’il ne pouvait y avoir de travail dissimulé, la salariée ayantconclu  un contrat de travail au Nigéria qui y avait été régulièrementexécuté, en respectant les formalités requises. La chambre socialerejette cette argumentation.

La solution :

Lachambre sociale  décide que l’indemnité forfaitaire prévue parl’article L 324-11-1 du code du travail est due au salarié auquel unemployeur a eu recours en France en violation des dispositions del’article L. 324-10 du même code, peu important que l’employeur aitaccompli ou non des formalités équivalentes à celles imposées par lestextes nationaux dans un autre Etat. Les textes relatifs au travaildissimulé sont, sous réserve, le cas échéant, de conventions ou accordsinternationaux, d’application territoriale.

Auteur : François TAQUET, professeur de droit social, avocat, conseil en droit social, et consultant pour GERESO.

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