Panorama de droit social de fin mai – début juin 2006

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 Salariés protégés – Heures de délégation

 

Ledroit pour le salarié protégé au remboursement au titre des heures dedélégation des heures consacrées à assurer sa propre défense devant lajuridiction compétente n’est pas ouvert dans le seul cas decontestation par l’employeur de l’utilisation des heures de délégationmais aussi lorsque l’employeur refuse le paiement total ou partiel, desheures de délégation, lesquelles doivent être payées à l’échéancenormale (Cass soc. 17 mai 2006. pourvoi n° 04-41600)

Les faits :

Plusieursemployés d’une société ayant la qualité de salariés protégés, avaientsaisi le conseil de prud’hommes de demandes en paiement d’indemnitésconventionnelles au titre des heures de délégation. La société  faisaitgrief aux jugements rendus par le conseil de prud’hommes de Créteil del’avoir condamnée à verser aux intéressés une somme à titre de salairepour la journée d’audience du conseil de prud’hommes alors que seule lacontestation par l’employeur de l’utilisation des heures de délégationouvre droit pour le salarié protégé au remboursement des heures passéesdevant le conseil de prud’hommes pour assurer sa propre défense. Or, enl’espèce, le litige portait non sur l’usage fait par le salarié de sesheures de délégation mais sur les conditions d’octroi de l’indemnité derepas. La cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur.

La solution :

Il s’agit ici d’une précision intéressante de la cour de cassation qui vient compléter la jurisprudence déjà existante.

Conseil de prud’hommes – Compétence

 

Leconseil de prud’hommes est compétent pour trancher les litiges opposantles salariés à leur employeur, nés de l’exécution d’un régime deprévoyance collective souscrit par ce dernier au profit de sonpersonnel, y compris lorsque le différend porte sur la partiefacultative de ce régime(Cass soc. 17 mai 2006. pourvoi n° 04-42784)

Les faits :

Unsalarié engagé en qualité de conseiller en prévoyance par une compagnied’assurance avait été licencié pour inaptitude physique. Prétendantrelever du régime de prévoyance collective du personnel commercialsouscrit par son employeur, il avait saisi le conseil de prud’hommesafin d’obtenir la condamnation de la société à lui délivrer sousastreinte un certificat de garantie relatif à la partie facultative dece régime. La cour d’appel d’Aix-en-Provence avait décidé que le litigerelevait de la compétence prud’homale. La cour de cassation confirmecette position après avoir retenu que le litige portait sur l’existenced’un avantage social complémentaire accessoire au contrat de travailauquel les salariés avaient le droit de souscrire facultativement.

La solution :

Unefois de plus, la chambre sociale statue sur la compétence du conseil deprud’hommes. Les litiges nés de l’exécution d’un régime de prévoyancecollective doivent être portés devant cette instance.

Licenciement économique – Reclassement

 

Sil’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés àl’évolution de leur emploi, en leur donnant au besoin une formationcomplémentaire, il ne peut lui être imposé de leur délivrer unequalification nouvelle leur permettant d’accéder à un poste disponiblede catégorie supérieure (Cass soc. 17 mai 2006. pourvoi n° 04-43022).

Les faits :

Unesalariée avait été licenciée pour motif économique à la suite de sonrefus de la modification de son contrat de travail décidée en raisond’une mutation technologique La cour d’appel de Bourges avait validé celicenciement après avoir constaté  que la mise en oeuvre d’un nouveaulogiciel informatique avait entraîné la suppression de la majeurepartie des tâches jusque là effectuées par la salariée, que l’embauched’un contrôleur de gestion n’avait pas eu pour objet de la remplacer àson poste de travail et que son licenciement avait bien pour cause unemutation technologique. La cour de cassation valide ce raisonnementaprès avoir constaté que la formation de l’intéressée étaitinsuffisante pour occuper le seul emploi vacant de contrôleur degestion et retenu que l’acquisition de cette formation ne relevait pasde l’obligation d’adaptation de l’employeur.

La solution :

Ils’agit ici d’un arrêt intéressant qui fixe les limites à l’obligationde reclassement : il ne peut  être imposé à l’employeur de délivrer ausalarié une qualification nouvelle leur permettant d’accéder à un postedisponible de catégorie supérieure.

Travail à domicile – Modification du contrat de travail

Lorsqueles parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie de laprestation de travail par le salarié à son domicile, l’employeur nepeut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accorddu salarié (Cass soc. 31 mai 2006. pourvoi n° 04-43.592)

Les faits :

L’employeuravait accepté qu’une salariée, responsable de communication,effectuerait son travail à son domicile, situé dans PyrénéesOrientales, deux jours par semaine, en ne se présentant au siège de lasociété, situé dans les Hauts-de-Seine, qu’en milieu de semaine,l’ensemble de ses frais de déplacement étant pris en charge par sonemployeur. Au retour du congé de maternité de cette salariée,l’employeur lui avait demandé de revenir exercer ses fonctions tous lesjours de la semaine au siège social, ce qu’elle avait refusé. Elleavait été licenciée pour faute grave tenant à un abandon de poste. Leconseil de prud’hommes, retenant que la fixation du lieu de travailrelevait de la mise en oeuvre de la clause de mobilité prévue aucontrat, et donc du pouvoir de direction de l’employeur, avait écartéla faute grave mais retenu l’existence d’une cause réelle et sérieuse.Par arrêt infirmatif, la cour d’appel, considérant que l’accord desparties portant sur l’accomplissement du travail à domicile constituaitune modification du contrat de travail qui échappait au jeu de laclause de mobilité prévue au contrat et ne pouvait être modifiée quepar un nouvel accord des parties, avait jugé que le licenciement étaitdépourvu de cause réelle et sérieuse. La chambre sociale approuve ceraisonnement au visa de l’article 8 de la Convention européenne desauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, enprécisant que le libre choix du domicile personnel est un attribut dudroit de toute personne au respect de son domicile et qu’unerestriction à cette liberté par l’employeur n’est valable qu’à lacondition d’être indispensable à la protection des intérêts légitimesde l’entreprise et proportionnée, compte tenu de l’emploi occupé et dutravail demandé, au but recherché.

La solution :

La chambre sociale confirme ici solennellement sa position antérieure.

Travail effectif – Astreinte

Constitueun travail effectif au sens de l’article L. 212-4 du code du travail letemps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur etdoit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à desoccupations personnelles. Constitue au contraire une astreinte lapériode pendant laquelle le salarié, sans être à la dispositionpermanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer àson domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir poureffectuer un travail au service de l’entreprise, la durée de cetteintervention étant considérée comme un temps de travail effectif (Casssoc.31 mai 2006.pourvoi n° 04-41595)

Les faits :

Une directrice d’une résidence pour personnes âgées, avait saisi lajuridiction prud’homale de demandes tendant au paiement notamment dediverses sommes au titre des heures de permanence effectuées, en sus deson travail à temps complet, du lundi matin au vendredi soir dans unlogement de fonction situé au sein de l’établissement et ce, pour lapé
riode de septembre 1994 à mai 1999. La salariée reprochait à la courd’appel de Versailles de l’avoir déboutée de ses demandes, alors queconstitue une période de travail effectif, et non une astreinte, lapériode pendant laquelle des salariés sont tenus de rester, non pointau domicile qu’ils ont choisi, mais dans des locaux imposés parl’employeur et situés à proximité immédiate de leur lieu de travail,afin de répondre sans délai à toute demande d’intervention, ce qui leurinterdit nécessairement de vaquer librement à leurs occupationspersonnelles. La cour de cassation casse cette décision après avoirconstaté que la salariée, en sa qualité de directrice del’établissement, était tenue de demeurer dans un local de trois piècessitué au sein même de l’établissement, afin de pouvoir intervenird’urgence et qu’elle ne pouvait donc demeurer à son domicile personnelet vaquer librement à ses occupations.

La solution :

Cettedécision est à verser au dossier du temps de travail, et plusparticulièrement de la différence entre temps de travail et astreinte?

Clause de non-concurrence – Contrepartie pécuniaire

Méconnaîtla liberté fondamentale du salarié d’exercer une activitéprofessionnelle et, comme telle, est nulle la clause de non-concurrencequi ne prévoit le versement d’une contrepartie pécuniaire qu’en cas derupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur (Casssoc.31 mai 2006.pourvoi n° 04-44598)

Les faits :

Unsalarié avait dans son contrat de travail une clause de non-concurrenceavec une contrepartie financière exclusivement en cas de rupture àl’initiative de l’employeur sauf faute grave ou lourde. Après avoirrefusé d’exercer son activité dans l’une des agences de son secteur, lesalarié avait été licencié. Il avait saisi la juridiction prud’homaled’une demande de dommages intérêts au titre de son licenciement.L’employeur avait formé une demande reconventionnelle pour violation dela clause de non-concurrence. La cour d’appel d’Orléans avait déclarénulle la clause de non-concurrence et avait en conséquence rejeté lademande de l’employeur tendant à voir condamner le salarié à lui payerune indemnité. Or, pour l’employeur, le juge devait appliquer uneclause de non-concurrence, même atteinte d’une cause d’irrégularitédans la mesure de sa validité. La chambre sociale rejette le pourvoi del’employeur.

La solution :

Ils’agit ici pour le moins d’un arrêt important sur le respect  de lacontrepartie financière en cas de clause de non concurrence. Celle-cidoit être prévue tant en cas de rupture du contrat de travail àl’initiative de l’employeur qu’à l’initiative du salarié.

Délégué syndical – Nomination

Fauted’une délégation écrite particulière d’autorité, le salarié, dont iln’était pas soutenu qu’il ait représenté l’employeur en qualité deprésident du CHSCT ou du CE, ni exercé au niveau de l’entreprise àl’égard des représentants du personnel les obligations relevantexclusivement du chef d’entreprise, ne pouvait être exclu du droitd’être désigné représentant syndical (Cass soc.31 mai 2006.pourvoi n°05-60231).

Les faits :

Un directeur d’établissement avait été désigné délégué syndical etreprésentant syndical CFTC au comité d’entreprise. L’employeur avaitcontesté cette désignation. Le tribunal d’instance de Montbéliard avaitrejeté la contestation de ces désignations. La cour de cassationconfirme ce jugement.

La solution :

Cettedécision confirme la nombreuse jurisprudence en la matière. Dès lorsqu’un salarié n’a pas de délégation écrite particulière d’autorité, ilne peut être exclu du droit d’être désigné représentant syndical.

Clause de non-concurrence – Congés payés

Lacontrepartie financière de l’obligation de non-concurrence ayant lanature d’une indemnité compensatrice de salaires, la cour d’appel ajustement décidé qu’elle ouvrait droit à congés payés (Cass soc.17 mai2006.pourvoi n°04-47597).

Les faits :

Unsalarié avait été engagé  en qualité d’ingénieur cadre. Le contrat detravail comportait, outre le rappel d’une obligation de loyauté et dediscrétion, une clause de non-concurrence valable pendant les 12 moisqui suivraient son départ de l’entreprise, quelle qu’en soit la cause.L’employeur avait été condamné par les juges du fond  à payer une sommeau titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice denon-concurrence. L’employeur contestait cette condamnation en invoquantle fait que, sauf exception,  seule la rémunération versée encontrepartie du travail effectué sert d’assiette à l’indemnité decongés payés. Or, l’indemnité compensatrice de non-concurrence neconstitue pas la contrepartie d’un travail. La cour de cassationconfirme la position des juges du fond.

La solution :

Cettemise au point de la chambre sociale est pour le moins intéressante : Lacontrepartie financière de l’obligation de non-concurrence ouvre droità congés payés.

Faute inexcusable – Dommages intérêts

Lorsqu’unsalarié a été licencié en raison d’une inaptitude consécutive à unemaladie professionnelle qui a été jugée imputable à une fauteinexcusable de l’employeur, il a droit à une indemnité réparant laperte de son emploi due à cette faute de l’employeur. Les juges du fondapprécient souverainement les éléments à prendre en compte pour fixerle montant de cette indemnisation à laquelle ne fait pas obstacle laréparation spécifique afférente à la maladie professionnelle ayant pourorigine la faute inexcusable de l’employeur  (Cass soc.17 mai 2006.pourvoi n°04-47455).

Les faits :

Uneassistante dentaire avait été atteinte d’une hépatite C dont lecaractère professionnel avait été reconnu par la Caisse primaired’assurance-maladie. Elle avait sollicité la reconnaissance de la fauteinexcusable de son employeur. Ce dernier l’avait licenciée en raison deson inaptitude médicale. La cour d’appel avait dit que la maladieprofessionnelle avait pour origine une faute inexcusable del’employeur. Puis, les juges du fond avaient décidé que le licenciementpour inaptitude consécutive à la maladie professionnelle de la salariéeétait abusif dès lors que c’était par suite d’une faute commise parl’employeur dans l’exécution du contrat de travail que cette dernièreétait devenue inapte et fixé à la somme de 26 000 euros les dommagesintérêts au titre de la rupture abusive en se fondant sur des élémentstirés des difficultés à retrouver un emploi et du retentissementpsychologique. La cour de cassation confirme cette position.

La solution :

Ils’agit d’un arrêt pour le moins novateur : quand un salarié a étélicencié en raison d’une inaptitude consécutive à une maladieprofessionnelle et qu’il a été jugée imputable à une faute inexcusablede l’employeur, il a droit à une indemnité réparant la perte de sonemploi due à cette faute de l’employeur.

Auteur : François TAQUET, professeur de droit social, avocat, conseil en droit social, et consultant pour GERESO.

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