Faire face à la toxico-dépendance sur le lieu de travail

Cet article a été publié il y a 17 ans, 3 mois.
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Quelques chiffres et définitions

La toxicodépendance comprend l’alcoolisme, la consommation de drogues et la pharmacodépendance.

Plus de 5 millions de françaisont une consommation excessive d’alcool, c’est-à-dire plus de 3 verrespar jour, selon l’IRSEM. L’alcool est la trosième cause de mortalité enFrance. 15 à 20% des accidents du travail sont liés directement à la consommation d’alcool.

Parmi les drogues se trouvent la marijuana, le haschich, la cocaïne, le crack, l’ectasy, l’héroïne, le LSD, les amphétamines et le tabac.

La pharmacodépendance vise les abus ou la mauvaise utilisation de médicaments psychoactifs, tels que les tranquilisants ou anxiolytiques, les somnifères ou hypnotiques, les neuroleptiques ou antipsychotiques, les antidépresseurs.

 

Il existe un véritable décalage entre la logique de soutien demandée au médecin du travail, aux assistantes sociales face à un toxicodépendant dans l’entreprise, et les possibles conséquences juridiques de sa toxicodépendance sur le contrat de travail (sanctions disciplinaires, accidents du travail, absences répétées ou prolongées).

Les mesures préventives

Ilest avant tout nécessaire de prendre conscience que lestoxicodépendances sont de véritables maladies et qu’une seule issue estpositive pour l’entreprise : l’abstinence totale.

La difficulté réside dans le fait que la toxicodépendance ne produitpas les mêmes effets sur tous. Certains alcooliques notamment, ne sontjamais ivres, mais consomment au moins 3 verres tous les jours…

Un questionnement précis peut permettre de « dépister » un problème de toxicodépendance autravail. Ce questionnement peut être distribuée à tous les salariés del’entreprise ou de l’établissement. Par exemple, pour l’alcoolisme :

  • « Avez-vous déjà ressenti le besoin d’abaisser ou d’arrêter votre consommation d’alcool ? »
  •  » Vous êtres-vous déjà senti coupable au sujet de votre consommation d’alcool ? »
  •  » Avez-vous déjà eu besoin, le matin au réveil ou presque, de boire,pour calmer les nerfs, des tremblements ou un mal-être ? »
  •  

    Il y a probablement abus d’alcool si une réponse positive est donnée à au moins 2 de ces questions.

    Dans le cadre de l’alcoolisme, l’entreprise est le plus souvent ledernier garde-fou. Aussi, ce serait sur le lieu de travail quel’alcoolique serait le plus à même de réussir un sevrage.

    Plusieurs mesures préventives peuvent être envisagées :

  • informer les salariés sur la réalité du risque que représente les toxicodépendances en entreprise
  • interdire la distribution d’alcool aux salariés à titre d’avantage en nature
  • prévoir systématiquement des boissons non alcoolisées et de la nourriture lors des « pots » d’entreprise
  • interdire la consommation d’alcool lors des repas d’affaires
  • ne pas autoriser un salarié en état d’ébriété de reprendre son travail, le raccompagner chez lui
  • effectuer des contrôles – alcootest notamment – sur les personnes occupant des postes dangereux ou de sécurité
  • Les actions d’accompagnement possibles en entreprise

    Il est dangereux de provoquer un choc émotionnel pour que la personne toxicodépendante ait le « déclic » qui va la faire « décrocher« . Par exemple, sanctionner sur le plan disciplinaire la personne pour la faire réagir. La décision d’arrêter est le fruit d’un cheminement personnel, dont seule la personne dépendante doit avoir l’initiative.

    Quelle que soit la frustration ressentie par l’entourage, personnel etprofessionnel, celui-ci ne doit pas revendiquer le fait de « sauver » la personne toxicodépendante. En effet, ce serait la déposséder de sa propre volonté d’arrêter et vouer le sevrage à l’échec.

    L’entourage professionnel, médecins d’entreprise, supérieurs hiérarchiques, DRH, assistantes sociales, doivent accompagner la personne toxicodépendante. Accompagner signifie en priorité sortir du silence cette personne, c’est-à-dire l’écouter et lui donner la parole.

    4 règles peuvent notamment apprendre à écouter la personne toxicodépendante :

  • pour l’accompagnant, s’interroger d’abord sur son propre désir d’aider et le bénéfice personnel à en retirer
  • respecter le secret, ou résister à l’entourage personnel et professionnel qui vous questionne
  • avoir de l’empathie pour le « malade » : accepter ses mots, sesappréciations, son histoire avec le produit, lui faire comprendre quec’est la façon de dire les choses qui est importante, ne pas avoir dehaine ou de pitié
  • parler le même langage que la personne toxicodépendante : s’adapter àson langage, décripter son verbal et son non-verbal
  • Accompagner, c’est aussi motiver le salarié toxicodépendant et son entourage professionnel méthodiquement :

  • rallier les participants à l’objectif,
  • structurer les différentes étapes,
  • expliquer l’intérêt de l’objectif,
  • donner confiance aux acteurs,
  • soutenir l’action,
  • faire des « débriefing » positifs,
  • offrir des possibilités d’évolution,
  • – rester ouvert aux changements…
  • Il existe également des structures spécialisées auxquelles il est utilede s’adresser. Elles ont pour mission d’informer, de sensibiliser etmême de former le public concerné par les problèmes liés à latoxicodépendance. Exemples : le centre de consultation ambulatoire enalcoologie, les comités départementaux de prévention de l’alcoolisme…

    Sanctions disciplinaires liées à la toxicodépendance

    Les personnes toxicodépendantes sont susceptibles d’être sanctionnées disciplinairement, pour avoir consommé des produits interdits dans l’enceinte de l’entreprise, en application du règlement intérieur de l’entreprise ou plus globalement de la loi pénale.

    Il peut s’agir d’un blâme ou d’un avertissement, d’une mise à pied disciplinaire (suspension du contrat non rémunérée de plusieurs jours), ou d’un licenciement. La procédure disciplinaire obéit à plusieurs règles impératives :

    – la même faute ne peut faire l’objet d’une double sanction. End’autres termes, un même fait déjà sanctionné ne peut pas fair l’objetd’un licenciement disciplinaire, sauf si l’infraction se renouvelle.Mais l’employeur a également la faculté de faire référence dans lalettre de licenciement aux autres sanctions déjà prononcées dans les 3ans qui précèdent. « Aucune sanction antérieure de plus de 3 ans àl’engagement des poursuites disciplinaires, ne peut être invoquée àl’appui d’une nouvelle santion ». – Article L. 122-44 du Code du travail

    – la procédure disciplinaire est enfermée dans 3 délais de prescriptionstrictes : elle doit être engagée dans les 2 mois à compter du jour oùl’employeur a pris connaissance des faits fautifs, la sanctiondisciplinaire doit être notifiée au salarié au plus tard un mois aprèsl’entretien disciplinaire, les faits fautifs ne peuvent remonter à plusde 3 ans. Le délai de 2 mois peut toutefois être prolongé, en cas depoursuites pénales, lorsque l’employeur procède à une enquête, oulorsque la convention collective impose la saisine d’un organismedisciplinaire.

    – le règlement intérieur peut fixer des règles générales et permanentesde discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctionspossibles, qu’il convient alors de respecter.

    – la notification de la sanction au salarié, en particuliers de sonlicenciement, a pour objet de qualifier les motifs retenus contre lui.Mais il n’est pas nécessaire de mentionner le degré de la fautereprochée : faute simple, grave, lourde.
    Le degré de la faute se déduitdes conséquences de la rupture du contrat : selon que l’employeur priveou non la salarié des indemnités de licenciement et du préavis(privation en cas de faute grave), selon que l’employeur paie ou nonles congés payés (faute lourde).

    Accidents de travail ou de trajet dus à la toxicodépendance

    Lorsqu’un accident du travail ou de trajet se produit alors qu’un salarié a consommé des substances interdites, il peut y avoir faute inexcusable.

     

    Par faute inexcusable, il faut entendre la faute d’une exceptionnelle gravité, dérivantd’un acte ou d’une omission volontaire, commise avec la conscience dudanger qui pouvait en résulter et de l’absence de toute causejustificative. Lorsqu’il ya condamnation pénale pour les mêmesfaits, le juge civil ne peut écarter la faute inexcusable, en raison duprincipe d’autorité de la chose jugée au pénal. – Cass. soc. 28 février2002 – Stampel c/ Groupe Usinor Sacilor Sollac

    Lorsque le salarié reconnu fautif est préposé de l’employeur (titulaired’une délégation de pouvoir), la victime ou à ses ayants bénéficientd’une indemnisation complémentaire, ou majoration d’indemnité,qui s’ajoute à la rente forfaitaire versée ordinairement dans le cadredes accidents du travail et maladies professionnelles (principe deréparation forfaitaire).

    En outre, la faute inexcusable d’un préposé de l’employeur permet à la victime ou à ses ayants droit d’intenter une action en justice selon le droit commun de la responsabilité civile et d’obtenir ainsi devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des dommages-intérêts au titre de la réparationde divers préjudices : souffrances physiques et morales, esthétique etagrément, perte ou diminution des possibilités de promotionprofessionnelle…

    Lorsque la personne toxicodépendante est la victime de l’accident, sa faute inexcusable peut aboutir à la diminution des prestationsde sécurité sociale, sur décision du conseil d’administration de laCPAM compétente. – Article L. 453-1 du Code de la Sécurité sociale

    Lorsque le toxicodépendant est un tiers responsable de l’accident, la victime ou ses ayants droits peuvent obtenir des dommages-intérets autitre des divers préjudices précédents. La CPAM qui verse lesprestations peut également s’en faire rembourser le montant auprès del’auteur de l’accident. Par tiers au sens de la législation sur lesaccidents du travail, il faut entendre toute personne qui n’est pasl’employeur, un préposé ou la victime. Il peut donc s’agir d’un autresalarié de la même entreprise ou d’une personne complètement extérieureà l’entreprise.

    En cas d’accident de trajet ou dela circulation, le responsable autre que la victime est toujoursregardé comme un tiers. La victime ou ses ayants droits peuvent alorsobtenir réparation intégrale de tous leurs préjudices.

    Arrêts maladie prolongés ou répétés, liés à la toxicodépendance

    Lesarrêts de travail prolongés ou qui se répètent, pour cause de maladienon professionnelle, peuvent avoir des conséquences telles, sur lefonctionnement de l’entreprise, qu’ils ne permettent plus le maintiendu contrat de travail.

    L’employeur peut alors engager une procédure de licenciement pour motif personnel non disciplinaire. La rupture du contrat doit alors être basée sur un motif totalement étranger à la maladie,sous peine de nullité du licenciement pour discriminations. Celicenciement est également à distinguer du licenciement pour inaptitudephysique du salarié, qui intervient seulement après constatation decette inaptitude par le médecin du travail, à l’issue de la suspensiondu contrat de travail.

    Il est nécessaire de démontrer la nécessité de remplacer le salarié durablement, et même définitivement.Sinon, le licenciement sera considéré comme sans cause réelle etsérieuse. Peuvent démontrer cette nécessité le fait que lespertubations occasionnées par les absences férquentes et répétées dusalarié ont déjà contraint l’employeur à des « remplacements fréquentset inopéinés » – Cass. soc. 13 mars 2001 – Ouis c/ SA Peugeot

    Pendant la procédure de licenciement, l’employeur prend également encompte l’état de santé du salarié et, notamment, le convoque aux heuresde sortie autorisées ou le dispense de préavis.

    Enfin, il convient de respecter la convention collective,qui peut comporter une clause de garantie d’emploi protégeant lesalarié contre la rupture de son contrat, pendant une certaine duréed’arrêt de travail. La convention peut aussi imposer des règles deprocédure particulière pour cette catégorie précise de licenciement.

    Exemple de clause conventionnelle : « Dans le cas où une de ces absencesdépasserait un an et imposerait le remplacement définitif du salarié,celui-ci pourrait être licencié, en respectant son préavis normal etson indemnité de licenciement, dans le cas où il ne serait pas possiblede pourvoir son poste par appel à un remplàçant temporaire. » -(Convention collective nationale de l’Edition)

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