Pénibilité au travail : de quoi parle-t-on ?

Cet article a été publié il y a 13 ans, 2 mois.
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Par Isabelle DAUMAS, consultante formatrice chez C3S en prévention des risques et ergomotricité.

La pénibilité, une bombe à retardement…

La non prise en compte de la pénibilité depuis des décennies se traduit par un taux d’incapacité de plus en plus élevé, que la plupart des entreprises ne parviennent plus à gérer aujourd’hui. Première conséquence : le reclassement des salariés, devenu un véritable casse-tête. Aujourd’hui la personne reclassée, n’arrive plus dans une équipe en sur effectif mais comme une force vive attendue. Son inaptitude partielle au port de charge par exemple, entraîne un déplacement de la contrainte sur les autres membres de l’équipe qui à moyen terme se retrouveront eux aussi en situation d’incapacité sans parler des conséquences humaines, économiques, juridiques, managérial, organisationnelles et sociales que cela génère pour l’entreprise.

Comment détermine-t-on un travail pénible ?

On peut considérer qu’un travail est pénible lorsque la personne devant l’effectuer est soumise à :

  • des contraintes physiques : postures contraignantes, douloureuses et fatigantes ; manutentions manuelles de charges lourdes, gestes répétitifs, efforts importants et prolongés…
  • des contraintes mentales : exigence attentionnelle de la tâche, concentration soutenue, multiplicité des informations à traiter, modes opératoires imposés, impossibilité de faire des pauses, absence d’autonomie, faible latitude de décision, risque d’agression physique et/ou verbale…
  • des contraintes organisationnelles, d’horaires et de rythmes : horaires atypiques, travail posté et/ou en horaires décalés, tâches courtes et répétitives, travail imposé à une cadence élevée, délais de productions serrés, variation d’activité importante et/ou incessante, flux tendus…
  • les contraintes environnementales : bruit, températures extrêmes (froid, chaud), pollution atmosphérique (poussières), contact avec des produits toxiques, fumées,  cancérogènes, mutagènes, repro-toxiques…
  • Au-delà des contraintes avérées et objectivité, il peut s’agir également d’une pénibilité ressentie, toute aussi importante à prendre en compte.

    Le projet de loi pour un départ anticipé à 60 ans :

  • Taux d’incapacité pour justifier d’un travail pénible au moment du départ à la retraite abaissé de 20 à 10% et donnant lieu à rente pour AT ou MP.
  • Le dispositif concerne aussi les agriculteurs.
  • Le gouvernement a refusé de dresser une liste de métiers plus difficiles que les autres. La pénibilité doit être évaluée au cas par cas avec des conditions strictes. Le salarié devra d’abord prouver à un médecin qu’il souffre « d’un affaiblissement physique avéré » au moment où il souhaite partir à la retraite.

    10.000 personnes seraient concernées par une incapacité physique supérieure ou égale à 20% (cf. Projet de loi de la réforme des retraites). 30 000 personnes quant à elles seraient concernées par une Incapacité comprise entre 10 et 20 %. Ce chiffre reflète t-il la réalité ?

    Lorsque l’individu est en incapacité physique ou psychique, temporaire, d’exercer son activité professionnelle, on parle d’incapacité de travail. Quand celle-ci est définitive, on parle d’invalidité. Dans les deux cas, cette impossibilité peut être partielle ou totale. Les chiffres sont difficiles à mettre en évidence. On peut s’imaginer que pour 30 000 cas avérés, déclarés et reconnus les personnes exposées et touchées soient 10 fois plus nombreuses.

    Concrètement, les salariés qui auront une incapacité comprise entre 10 et 20 %  bénéficieront de conditions de départ spécifiques. Pouvez-vous donnez un ou des exemples pour mieux comprendre ce qu’est une incapacité à 20% ?

    Le taux d’incapacité d’une personne est déterminé quel que soit son âge, à partir de l’analyse de ses déficiences et de leurs conséquences dans sa vie quotidienne et non sur la seule nature médicale de l’affection qui en est l’origine (Cf. Décret 2007-1574) du 6 novembre 2007 établissant le guide- barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées). Le médecin chargé d’évaluer le taux d’incapacité permanente prendra en compte les éléments suivants :

  • nature de l’infirmité,
  • état général de la personne,
  • âge de la personne (organique et pas seulement celui de l’état civil)
  • facultés physiques et mentales de la personne
  • aptitudes et qualifications professionnelles
  • Il faut toutefois savoir que le taux d’IPP en droit commun n’a rien à voir avec la manière dont la sécurité sociale détermine son taux, puisque l’on peut être détenteur d’une carte d’invalidité avec un taux d’incapacité très important et être apte au travail comme le sont les aveugles, par exemple.

    Le guide-barème indique des fourchettes de taux d’incapacité, identifiant suivant les chapitres, trois à cinq degrés de sévérité (en général 4) :

  • forme légère : taux de 1 à 15 % ;
  • forme modérée : taux de 20 à 45 % ;
  • forme importante : taux de 50 à 75 % ;
  • forme sévère ou majeure : taux de 80 à 95 %.
  • Un taux de 50 % correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne.

    Un taux d’au moins 80 % correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle.

    Le taux de 100 % est réservé aux incapacités totales comme par exemple dans le cas d’un état végétatif ou d’un coma.

    Comment les services RH doivent-ils s’y prendre pour traduire sur le terrain les engagements relatifs au plan senior, et plus particulièrement pour celles qui auraient sélectionné ce volet : « Amélioration des conditions de travail et prévention des situations de pénibilité » ?

    Plusieurs actions sont possibles, et parmi-elles :

  • Evaluer les risques
  • Définir et mettre en œuvre une politique de prévention (aménagement des postes, diminution des contraintes : effort physique répétés, port de charges lourdes, postures pénibles, exposition aux bruits, à la chaleur, aux produits)
  • Organiser un accès prioritaire à la période de professionnalisation et/ou à des formule incitatives de temps partiel choisi pour des salariés ayant occupé longtemps des emplois à forte pénibilité
  • Favoriser la Qualité de vie au Travail
  • Offrir les services d’un psychologue
  • Renforcer le dispositif de surveillance médicale (fréquence plus importante pour salariés plus âgés)
  • Introduire la gymnastique de pause ou tout autre pratique compensatoire
  • Développer des actions partenariales, pluridisciplinaires
  • Développer le télétravail
  • Agir sur les distances trajet travail, les modalités de déplacement
  • Favoriser les services d’aides aux salariés (assistance, ménage, repassage, garde d’enfants, entretien véhicule…
  • Offrir des conditions de prise en charge de la santé : mutuelles
  • Offrir les services d’une assistante sociale
  • Offrir la possibilité d’un bilan retraite à plusieurs moments de la vie professionnelle
  • Définir les postes, avoir une connaissance juste et réelle des métiers et
    de la façon dont ils s’exécutent
  • Préparer et accompagner aux changements (des plus jeunes aux plus âgés…)
  • Intégration dans de nouveau projet, changement de fonction
  • Aménager les horaires et le temps de travail (le recours au temps partiel des salariés ayant atteint un certain âge)
  • Introduire la polyvalence, la rotation sur les postes
  • Proposer aux salariés s’approchant du moment de leur départ en retraite des missions ponctuelles
  • Promouvoir un mode de vie sain et responsabiliser chaque individu
  • Les sensibiliser à une prise en charge personnelle sur le plan de l’hygiène de vie : sommeil, alimentation, gestion du stress, conduites additives, activité physique…
  • Auteur : Isabelle DAUMAS, consultante formatrice chez C3S en prévention des risques et ergomotricité.

    Les formations C3S sur ce thème :

  • Gestion des âges et santé au travail
  • Les pathologies professionnelles
  • Evaluer la santé au travail
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