Réforme de la santé au travail : 5 évolutions pour les entreprises

Suite à l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la santé au travail conclu le 10 décembre 2020, une proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail a été déposée à l’Assemblée Nationale le 23 décembre 2020.

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Réforme de la santé au travail : 5 évolutions pour les entreprises
Le système de santé au travail français actuel est plus orienté sur la réparation que sur la prévention.

Après le constat en France, d’un système de santé au travail centré sur la réparation au détriment de la prévention, les partenaires sociaux souhaitent mettre au cœur du dispositif de santé au travail une culture de la prévention afin que les règles en matière de santé et de sécurité au travail soient « mieux comprises, mieux appliquées et mieux suivies ».

Ainsi les « services de santé au travail » (SST) deviennent les « services de prévention et de santé au travail » (SPST).

La logique de la prévention poursuit l’objectif « de s’attaquer en amont aux causes profondes de ces risques avant qu’ils ne produisent leurs effets ».

La culture de la prévention implique l’existence et le développement d’un dialogue social fort au sein de l’entreprise.

Grâce aux remontées, par les représentants du personnel, des réalités de travail auxquelles sont confrontés les salariés, une politique de prévention adéquate et efficace peut être construite au sein de l’entreprise.

1. Un document unique renforcé

L’ANI érige le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) comme l’outil essentiel et indispensable de la prévention.

Il doit être la base du plan d’action de prévention de l’entreprise et doit permettre la traçabilité collective des risques professionnels.

Pour cela, les versions successives du DUER doivent être conservées. En outre, la version numérisée doit être privilégiée.

Pour rappel, la mise en place du DUER est obligatoire dans toutes les entreprises, quels que soient leur taille et leurs secteurs d’activité depuis 2002.

L’article L4121-3 du code du travail indique : « L’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. »

L’article R4121-1 du code du travail précise : « L’employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l’article L. 4121-3. »

Si la tenue de ce document relève de la responsabilité de l’employeur, il convient de procéder à l’analyse des risques professionnels en concertation avec les élus du comité social et économique (CSE) et/ ou de la commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) lorsqu’elle existe et des salariés, mieux placés pour connaître les risques inhérents à leur poste de travail. 

En outre, l’implication des salariés et de leurs représentants dans l’élaboration de ce document permet une meilleure adhésion pour l’application des mesures de prévention.

Ce document identifie les différents risques professionnels y compris les risques psycho-sociaux, puis les évalue afin de les hiérarchiser selon leur importance en prenant en compte leur gravité et leur fréquence.

Il doit être actualisé au moins une fois par an mais également lors de tout changement modifiant les conditions de santé, de sécurité ou les conditions de travail (article R4121-2 du code du travail).

Un avis indiquant les modalités d’accès du personnel au document unique est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail (article R4121-24 du code du travail).

En pratique force est de constater que ce document est rarement connu des salariés, y compris parfois même de leurs représentants.

Si le document unique est amené à occuper une place centrale au sein de l’entreprise, il conviendra d’en améliorer sa communication afin de le rendre visible et plus facilement accessible.

2. La création d’un « Passeport prévention » pour tous les salariés

Ce passeport attesterait de la réalisation d’un module de formation de base relative à la prévention des risques professionnels et le cas échéant de modules spécifiques, dont le contenu serait défini par les branches professionnelles.

Ce passeport regrouperait les attestations, certificats et diplômes obtenus en matière de santé et de sécurité au travail.

Au même titre que le compte personnel de formation (CFP), ce « Passeport prévention » pourrait par la suite être étendu aux demandeurs d’emploi et être portable d’une entreprise ou d’un secteur d’activité à un autre.

3. Une formation des élus du CSE allongée

Actuellement, les élus du CSE titulaires et suppléants bénéficient d’une formation en matière de santé, sécurité et des conditions de travail financée par l’entreprise dont la durée est fonction de l’effectif de l’entreprise :

  • 3 jours pour les entreprises de moins de 300 salariés
  • 5 jours pour les entreprises de 300 salariés et plus.

L’ANI porte la durée de cette formation à 5 jours pour l’ensemble des élus. Si au sens strict, le code du travail prévoit une durée minimale de formation uniquement pour les membres de la CSSCT, en pratique ces durées s’appliquent à l’ensemble des membres du CSE.

Les objectifs poursuivis par cette formation sont pour les élus d’appréhender leur rôle, l’étendue de leurs missions en matière de santé, sécurité et conditions de travail mais également de s’initier aux méthodes et outils à mettre en œuvre pour prévenir les risques professionnels.

Les partenaires sociaux affirment que les représentants du personnel « participent activement à la politique de prévention des risques professionnels » et rappellent l’obligation pour l’employeur de présenter au CSE dans le cadre de la consultation sur la politique sociale un rapport annuel faisant le bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise au cours de l’année écoulée ainsi qu’un programme annuel de prévention des risques professionnels et des mesures devant être prises au cours de l’année à venir (article L2312-27 du code du travail).

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4. Un service de santé au travail réorganisé

Une offre de services plus étoffée pour les entreprises

Suite au constat d’une grande hétérogénéité des prestations rendues par les services de santé au travail, la mise en place d’une offre socle minimale, au service des employeurs et de salariés est prévue en matière de :

  • prévention des risques professionnels,
  • suivi individuel des salariés,
  • prévention de la désinsertion professionnelle.

La mission de prévention animée par une équipe pluridisciplinaire aura notamment pour objet d’aider les entreprises à identifier et à évaluer leurs risques professionnels mais également de « former, d’informer et de sensibiliser aux risques professionnels (y compris en utilisant les ressources disponibles de e-learning, ateliers, webinars (…) les acteurs de l’entreprise. »

Une médecine du travail plus présente en milieu de travail

La proposition de loi prévoit que le médecin du travail doit passer un tiers de son temps sur le terrain en milieu de travail et qu’il doit disposer du temps nécessaire pour participer aux instances internes de l’entreprise et aux instances territoriales de coordination.

Pour rappel, le médecin assiste aux réunions de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) mais également aux quatre réunions minimales du CSE relatives à la santé, la sécurité et aux conditions de travail.

L’article L2315-27 du code du travail précise en effet que l’employeur doit informer annuellement le médecin du travail : « du calendrier retenu pour les réunions consacrées aux sujets relevant de la santé, de la sécurité ou des conditions de travail, et [lui] confirme par écrit au moins quinze jours à l’avance la tenue de ces réunions. »

Le décloisonnement de la médecine du travail et de la médecine de ville

Le rôle du médecin du travail en tant qu’expert en son domaine au regard de sa connaissance du monde de l’entreprise est réaffirmé.

Toutefois, afin de pallier la pénurie des médecins du travail, l’accord collectif propose une « collaboration nouvelle entre médecine du travail et médecine de ville ».

Pourront être confiés aux médecins de ville, en étroite collaboration avec le service de santé au travail, les visites médicales initiales, périodiques et de reprise du travail des salariés.

Le dossier médical pourra ainsi être partagé, après accord de la personne, permettant au médecin du travail « de favoriser la connaissance de l’état de santé de la personne (…) (et notamment les traitements ou pathologies incompatibles avec l’activité professionnelle) » et réciproquement au médecin traitant d’accéder aux « informations relatives aux expositions à des facteurs de risques professionnels du travailleur patient ».

5. La prévention de la « désinsertion professionnelle »

La prévention de la désinsertion professionnelle est la prévention du risque de perdre son emploi et sa capacité à se maintenir en activité, à la suite d’une détérioration de sa santé, qu’elle qu’en soit l’origine, professionnelle ou personnelle.

Un nombre croissant de salariés travaillent avec une santé altérée en raison de diverses raisons (suites d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle ou chronique, usure professionnelle, burn out…) entraînant un accroissement du nombre d’inaptitudes médicales et de demandes d’aménagement de poste (Cf. Article de l’inrs dans Ressources).

Plusieurs pistes sont proposées pour lutter contre la désinsertion professionnelle dont notamment :

  • Créer des cellules de prévention de la désinsertion professionnelle au sein des services de santé au travail dans le but « d’apporter aux situations individuelles des solutions personnalisées et de proximité, en privilégiant le maintien au poste avec son aménagement ».
  • Systématiser la mise en œuvre des visites de pré reprise, dont l’objectif est de préparer le retour du salarié dans l’entreprise à l’issue de son arrêt maladie.
    Actuellement, la visite de pré reprise est obligatoire pour les salariés en arrêt de travail de plus de trois mois. Elle est facultative dans les autres cas.
    Elle est organisée par le médecin du travail soit à l’initiative du médecin traitant, soit de celle du médecin conseil des organismes de sécurité sociale ou de celle du salarié. Conformément à l’article R4624-30 du code du travail, à l’issue de la visite de pré reprise, le médecin du travail peut recommander :
    1. Des aménagements et adaptations du poste de travail
    2. Des préconisations de reclassement
    3. Des formations professionnelles à organiser en vue de faciliter le reclassement du travailleur ou sa réorientation professionnelle. 
  • Mettre en œuvre une visite de « mi-carrière » professionnelle à l’âge de 45 ans afin de repérer une éventuelle inadéquation entre le poste de travail et l’état de santé du salarié.

A ce jour, sauf situations particulières, le code du travail fixe à cinq ans le délai maximum entre deux visites de suivi auprès des services de la médecine du travail.


Ressources

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2 réponses pour Réforme de la santé au travail : 5 évolutions pour les entreprises

  1. bonjour,
    depuis cette réforme de nbx ssti, impose de donner les numéros Insee des salariés; or c’est une donnée personnelle, et le rgpd ne nous autorise pas à la transmettre à des tiers. Comment faire ?
    D’autant plus qu’à titre perso, je ne vois pas l’intéret que le ssti ait mon numéro Insee

  2. bjr,
    pour déclarer une embauche ou faire la déclaration annuelle, le spst oblige à donner le numéro Insee des salariés. or cela relève du RGPD donc info à ne pas dévoiler sauf accord du salarié (1) et surtt on ne sait pas à quoi cela va servir (2) [l’ouverture d’une DMP étant aussi soumise à accord du salarié-assuré]
    Qu’en est-il vraiment cette «obligation» ?

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