Réforme du système de santé : des pistes mais toujours pas de solutions

En juillet 2021, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, a chargé le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) de mener un travail sur différents scénarii d'amélioration de l'articulation entre l’assurance maladie obligatoire, gérée par la Sécurité sociale et l’assurance maladie complémentaire, gérée par les organismes assureurs (mutuelles, institutions de prévoyance, sociétés d’assurance).

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Réforme du système de santé : des pistes mais toujours pas de solutions

Dans sa lettre de mission, le ministre pointait des « faiblesses structurelles : iniquités de couverture, difficultés d’accès aux complémentaires santé, complexités de gestion, montant important de frais de gestion » qui justifient l’ouverture d’un débat sur le sujet. Parmi les scenarii envisagés, celui d’une extension du périmètre de la Sécurité sociale au détriment des complémentaires santé a suscité les plus vives de réactions, en particulier des professionnels du secteurs, et du monde politique et syndical.

Après plusieurs mois de travaux, le HCAAM a remis le 14 janvier un rapport sur le sujet. 4 scénarios y sont analysés, sans qu’aucune recommandation ne soit faîte compte tenu d’une absence de consensus entre ses membres.

Côté gouvernement, qui comptait sur les conclusions du rapport pour prendre des mesures, il semblerait que la situation soit bloquée. Le projet de « Grande Sécu », qui avait les faveurs du ministre, est pour le moment abandonné. Mais le sujet pourrait très vite revenir dans les prochaines semaines à la faveur de la campagne présidentielle.

Couverture du risque santé : comment est-elle organisée aujourd’hui ?

L’assurance maladie fournit la couverture de base des risques « maladie/maternité/invalidité/décès ». Depuis le 1er janvier 2016, la couverture maladie obligatoire repose sur deux principes : l’affiliation obligatoire et le caractère solidaire (couverture homogène quel que soit l’âge ou l’état de santé).

En conséquence, chacun contribue, en fonction de ses ressources, à son financement via des cotisations assises sur le travail. Elle assure une couverture minimum qui ne permet cependant pas, sauf situation particulière, de couvrir le reste à charge des assurés. Les organismes assureurs peuvent alors fournir une couverture supplémentaire.

L’assurance maladie complémentaire se caractérise ainsi par deux éléments : une prise en charge des frais de santé en complément de celle assurée par la Sécurité sociale, avec une dimension individuelle et facultative (même si, in fine, 95% de la population française est couverte, majoritairement au titre de contrats collectifs d’entreprise).

En termes de poids, la Sécurité sociale finance 80 % de la Consommation de soins et de biens médicaux (CSBM[1]) en 2020, les complémentaires santé 12,5 %, et les ménages le reliquat. Si le reste à charge des ménages français a diminué de manière continue ces dernières années, et reste très faible par rapport aux autres pays « développés », il n’en reste pas moins qu’un certain nombre d’assurés se retrouvent en situation de fragilité face au risque santé, en particulier les chômeurs de longue durée et les retraités, contraints de s’assurer individuellement « au prix fort » car ne bénéficiant plus d’une participation financière de l’employeur. Cela a des conséquences directes comme le renoncement aux soins.

Au-delà des soins médicaux, la couverture des risques « lourds », qui concerne des situations telles que l’incapacité temporaire (arrêt maladie, arrêt maternité) ou permanente (invalidité) et le décès, est très hétérogène selon les secteurs d’activité. Elle couvre en effet des sinistres très coûteux et aléatoires qui rendent son développement plus compliqué. 

Notre système assure donc globalement un « bon niveau » de couverture, mais que beaucoup considèrent comme perfectible, que ce soit en termes d’équité, de lisibilité ou de coût financier.

Les évolutions possibles de notre système de santé

Nous nous basons ici sur les hypothèses de travail contenues dans le rapport susvisé. Elles sont au nombre de quatre :

  1. Le premier scénario consiste à maintenir le statu quo avec quelques ajustements pour corriger les inégalités de couverture. Le reste à charge serait « mieux » réparti en fonction des soins et/ou des assurés, tandis que l’offre de couverture complémentaire santé des nouveaux retraités et des plus précaires serait refondue pour gagner en attractivité et toucher un public plus large.
  2. Le second consiste à instaurer une assurance complémentaire santé universelle et mutualisée, sur le modèle de la retraite complémentaire Agirc-Arrco. Les organismes assureurs recevraient ainsi délégation de l’état pour servir une couverture santé avec des garanties définies et une tarification encadrée. Au-delà, les assurés pourraient toujours souscrire à un contrat « supplémentaire », à leurs frais.
  3. Le troisième prévoit l’élargissement de la couverture Sécurité sociale sur les dépenses actuellement couvertes par les complémentaires. C’est celui-ci, le plus clivant, qui a fait l’actualité ces derniers mois et que nous avons choisi de détailler ci-dessous.
  4. Le quatrième envisage de circonscrire et étanchéifier le champ d’intervention de l’assurance maladie obligatoire et complémentaire, de telle sorte qu’elles interviendraient sur des prestations totalement distinctes. Les complémentaires prendrait en charge les frais d’optique, dentaires, auditifs, les médicaments peu ou pas remboursés par l’assurance maladie, les dépassements d’honoraires et plus globalement tous les soins exclus (type ostéopathie, médecines douces etc.). La Sécurité sociale prendrait en charge le reste.

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L’hypothèse d’une couverture maladie « 100 % Sécurité sociale »

Le scénario « Grande Sécu » consisterait donc, pour résumer, à intégrer le champ d’intervention occupé actuellement par les complémentaires santé – qui risqueraient alors de disparaître – dans l’assurance maladie. Concrètement, la sécurité sociale rembourserait :

  • les tickets modérateurs sur les soins ambulatoires et les frais d’hospitalisation ;
  • les forfaits hospitalisation (forfait journalier, forfait urgences, forfait de 24 euros) ;
  • les médicaments faisant déjà l’objet d’un remboursement partiel seraient intégralement remboursées ;
  • les dispositifs médicaux (lunettes, implants, prothèses etc.) faisant déjà l’objet d’un remboursement partiel seraient intégralement remboursés ;
  • les dépassements d’honoraires seraient, également couverts dans une certaine limite.

Pour ses défenseurs, ce scénario a plusieurs avantages :

  • parvenir à une plus grande équité entre les assurés, avec effet redistributif vers les plus précaires. Une meilleure couverture, ouverte à tous, avec une cotisation sociale progressive en fonction des revenus ;
  • Des frais de gestion, réputés plus élevés pour les complémentaires santés, réduits. Les économies ainsi réalisées (chiffrées à environ 5 Mds€ en 2020) pourraient être redistribuées ou réaffectés sur d’autres postes de dépenses ;
  • les pouvoirs publics seraient incités à davantage réguler le montant des dépenses de santé (qui augmentent de manière continue depuis des années) ;
  • les pouvoirs publics se retrouveraient davantage en position de force face aux professionnels de santé lors des négociations sur le tarif des soins ;
  • la mise en œuvre de « grands chantiers » serait facilitée, comme la poursuite de la généralisation du tiers payant.

Mais ses détracteurs pointent une « étatisation » de la protection sociale, avec plusieurs limites :

  • si ce scénario peut avoir des effets distributifs, cela ne vaudra que pour les dépenses comprises dans le tarif couvert par la Sécurité sociale. En cas de dépassement, les plus précaires seront très pénalisés et pourraient être exclus de certains soins ;
  • Pour continuer à garantir l’égalité de l’accès aux soins, l’assurance maladie devra élargir la liste des soins qu’elle rembourse actuellement. Cela implique un investissement et une augmentation des dépenses publiques de santé (évaluée à plus de 19 milliards d’euros), à rebours des évolutions constatées actuellement. Cela semble particulièrement hypothétique au regard du déficit abyssal de l’assurance maladie, durement éprouvée par la crise sanitaire (30 milliards d’euros en 2020 et en 2021, 20 milliards projetés en 2022…) ;
  • Le poids des contributions employeur risque d’augmenter, de peser sur leur compétitivité et donc sur la croissance économique. En effet, les entreprises bénéficient actuellement d’un régime fiscal et social avantageux sur les cotisations qu’elles versent au titre de la complémentaire santé de leurs salariés, plus favorable que celui des cotisations d’assurance maladie obligatoire ;
  • La disparition des organismes assureurs risque de créer des tensions sociales importantes, l’avenir de dizaine de milliers d’emplois du secteur (environ 70.000 selon plusieurs sources) étant du coup menacé…

Face à cette multitude d’arguments, qui alimentent deux visions radicalement opposées de la protection sociale, difficile de se faire une opinion. De toute manière, le projet semble bel et bien enterré (pour le moment).

Cela ne doit pas pour autant occulter les difficultés structurelles que connaît notre système de santé, des difficultés mises en lumière par cette crise sanitaire sans précédent : gestion des ressources hospitalières, déserts médicaux, maîtrise de la fraude, couverture insuffisante du risque de dépendance des personnes âgées etc.


Références :

[1] Représente la valeur totale des prestations consommées pour la prise en charge des besoins de santé

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