Restriction de la délivrance des visas pour la France : les cas du Maghreb et de la Russie

La politique de délivrance des visas menée par le gouvernement français vise trois objectifs :  le renforcement de l’attractivité du territoire, la régulation des flux migratoires, et la prévention du risque sécuritaire.

Il s’agit notamment de répondre aux besoins économiques de la France et de son rayonnement international, tout en veillant à la capacité et la qualité d’accueil du pays, au regard de ces flux migratoires. La politique des visas constitue ainsi la première étape de la politique migratoire en France, et un outil dans la prévention de l'immigration irrégulière.

Restriction de la délivrance des visas pour la France : les cas du Maghreb et de la Russie

Dès lors, la relation bilatérale que la France entretient avec chaque pays en termes de coopération migratoire influe sur sa politique des visas, et celle-ci peut devenir un moyen de pression diplomatique, comme c’est le cas depuis 2021 avec les pays du Maghreb.

De même, la politique européenne influence largement la politique française en matière de visas, et dans le contexte créé par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la restriction de la délivrance des visas à l’égard de la Russie se veut à la fois une mesure de sanction internationale, et une mesure permettant d’évaluer le risque sécuritaire.

Politique restrictive des visas de la France avec le Maghreb depuis l’automne 2021

Le 28 septembre 2021, le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, avait assumé « mettre ses menaces à exécution » en annonçant la restriction de la délivrance des visas aux Marocains, aux Algériens et aux Tunisiens, comme mesure de rétorsion face au manque de coopération et de lutte contre l’immigration illégale de la part de ces trois pays du Maghreb.

Pourquoi ?

L’objectif annoncé était une réduction des quotas de visas de 50% pour le Maroc et l’Algérie, et de 30% pour la Tunisie, à défaut de voir les gouvernements de ces pays coopérer pour la délivrance des laissez-passer de retour de leurs ressortissants en situation irrégulière sur le sol français.

Selon le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, les personnes concernées étaient des « islamistes radicaux », « des délinquants » ou des personnes en situation irrégulière, qui « doivent partir tout simplement du territoire national ».

Concrètement, lorsqu’une personne fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire (OQTF) délivrée par la Préfecture, les autorités de son pays doivent émettre un laissez-passer consulaire (LPC), nécessaire à la vérification d’identité et la mise en œuvre du retour. 

Dans le cas du Maghreb, la reconduite effective des personnes en situation irrégulière en France, prévues dans le cadre de la loi asile et immigration de 2018, se heurte à cette absence de laissez-passer, avec un taux de coopération estimé à l’époque par le gouvernement français à 5% pour l’Algérie, 25% pour le Maroc et 23% pour la Tunisie.

Quelles conséquences ?

La réduction des quotas de visas pour venir en France concerne principalement les visas Schengen de court séjour.  De ce fait, elle pénalise un large public, impactant aussi bien les touristes (visites familiales en particulier), que les professionnels en voyage d’affaires, ou les étudiants (stage de fin d’études).

Ces refus sont très mal vécus par les demandeurs qui se sentent injustement punis et le vivent comme une forme d’humiliation, sans compter les coûts engagés pour la démarche et non-remboursés.

Lorsque les visas sont accordés, c’est au prix d’un long parcours du combattant, tant pour l’obtention du rendez-vous (en particulier au Maroc), que la multitude de documents supplémentaires exigés à titre discrétionnaire, et les délais de traitement.

Même la délivrance des visas de long-séjour type « passeports-talents », d’ordinaire soumis à un traitement rapide, souffre de délais et d’exigences supplémentaires.

Quels résultats, un an après ?

La fin de de l’été 2022 a vu le retour de la normalisation par la France de la délivrance des visas en Tunisie. Dans une déclaration commune du 31 août 2022, les ministres de l’intérieur français et tunisiens ont annoncé cette reprise de la délivrance des visas avec effet immédiat, au regard des « grands progrès réalisés », et dans l’attente d’une réévaluation conjointe de la coopération sur « l’ensemble des questions d’intérêt commun d’ici la fin de l’année ».

En Algérie, les restrictions restent de mise, mais la visite du Président Emmanuel Macron fin août 2022 et la « déclaration d’Alger pour un partenariat renouvelé »  du 27 août 2022, ont ouvert la voie vers un apaisement et, dit-on, vers une résolution à venir du problème des visas (sans, pour autant, de visibilité).

C’est avec le Maroc que les relations demeurent les plus tendues. La délivrance des visas reste sur une ligne dure, y compris pour les hommes d’affaires, les journalistes, les artistes, les sportifs et même les anciens ministres. Les témoignages d’indignation s’accumulent, se faisant l’écho des voix des familles privées de se retrouver, des professionnels brillants par leurs absences à des évènements économiques et culturels. A la fin de l’été 2022, Fabrice Le Saché, vice-président et porte-parole du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), s’est lui-même manifesté auprès du gouvernement, demandant une résolution rapide du problème.

Mais avec l’actualité depuis fin août liée à l’expulsion de l’imam Hassan Iquioussen (dont le laissez-passer consulaire a fait débat), et son arrestation du 30 septembre 2022, la situation ne semble pas prête de s’améliorer.

En attendant, depuis mi-septembre 2022, plus de 115 organisations, associations nord-africaines, associations civiques européennes, syndicats et partis politiques français, ont lancé un appel et signé une pétition « La politique des visas : discriminations et injustice », demandant au gouvernement de revenir sur ses mesures. Les prochains mois nous en diront plus.

Suspension de l’accord facilitant la délivrance de visas entre l’UE et la Russie depuis septembre 2022

Le 9 septembre 2022, le Conseil de l’Union Européenne a décidé de la suspension totale de l’accord de 2007 visant à faciliter la délivrance des visas entre l’Union Européenne (UE) et la Russie, rendant désormais applicables aux Russes les règles générales du code des visas.

La Commission européenne a par ailleurs émis des lignes directives pour accompagner les Consulats des Etats-membres dans la gestion de demandes de visas court-séjour des citoyens russes.

Pourquoi ?

Dès l’offensive militaire russe lancée contre l’Ukraine le 24 février 2022, le Conseil européen a déclaré sa solidarité avec l’Ukraine et condamné la Russie, en répliquant par de lourdes sanctions.

Ce premier paquet de sanctions incluait notamment la suspension partielle de l’accord visant à faciliter la délivrance des visas pour les diplomates, les autres fonctionnaires russes et les hommes et femmes d’affaires, jusqu’à aboutir à la suspension totale de l’accord, après plus de 6 mois de guerre et de paquets de sanctions successifs.

Une mesure bien plus radicale a en revanche été écartée par les gouvernements européens : l’interdiction totale des visas de court séjour pour les citoyens russes.

L’accord des Vingt-Sept autorise toutefois les pays frontaliers de la Russie à procéder à une telle interdiction des visas.

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Quelles conséquences ?

Applicable depuis le 12 septembre 2022, la suspension de l’accord se traduit par les effets suivants sur les demandes de visas court-séjour :

  • L’augmentation des frais de de visa, qui sont passés de 35 € à 80 €
  • L’allongement du délai de traitement, jusqu’à 45 jours
  • L’extrême restriction des visas à entrées multiples, non-recommandés en raison de la volatilité de la situation sur la scène internationale et du risque sécuritaire
  • L’allongement de la liste de pièces justificatives nécessaires à la délivrance du visa

Mais permet aussi (sans que ce soit systématique) :

  • L’abrogation de visas court-séjour déjà délivrés et en cours de validité, en cas de risque sécuritaire
  • Le refus de visas pour motif non-essentiel (comme le tourisme par exemple)

A ce stade, les visas long-séjour liés à l’immigration professionnelle ne sont pas soumis à restriction, mais, de-facto, souffrent des délais de traitement, et d’une vérification des justificatifs plus approfondie (sans parler de la difficulté de la réalité logistique permettant effectivement d’atteindre la France).

Dans le même temps, l’UE a dit rester ouverte à ceux qui ont besoin de protection, comme les journalistes, les dissidents, les militants des droits de l’homme et les personnes voyageant pour des raisons familiales, laissant aux Etats-membres et leurs Consulats un fort pouvoir d’appréciation.

Mais, le 19 septembre 2022, conformément au droit accordé aux pays frontaliers de la Russie, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie ont décidé temporairement de ne plus délivrer de visas touristiques aux Russes.

Le prochain Conseil européen aura lieu les 6 et 7 octobre 2022 à Prague, et déjà un 8ème paquet de sanctions est en préparation, avec notamment des sanctions (délivrance de visas incluses) visant les dirigeants sécessionnistes de la région du Donbass ayant organisé les récents référendums, au même titre que celles ayant visés les diplomates et oligarques au début de la guerre.

Il est encore trop tôt dans l’histoire pour parler des résultats de cette politique des visas et l’attention à l’actualité politique internationale reste de mise.

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