Licenciement pour motif économique : de quoi parle-t-on ?

Le licenciement économique est un moment difficile pour les acteurs de l’entreprise car il s’agit de se séparer d’un ou plusieurs salariés, pour un ou des motifs étrangers au salarié.

Focus sur le motif relatif aux difficultés économiques lors d’un licenciement
Quelles sont les difficultés d'un licenciement ?

Pour éviter des traitements différenciés entre les salariés et agir sur des critères objectifs, le législateur et les juges affinent régulièrement les contours la définition du licenciement économique. A ce titre, il est établi, depuis longtemps, qu’un licenciement pour motif économique nécessite d’une part une cause et d’autre part un impact sur le volume d’emploi ou/ et une modification du contrat de travail.

Ces deux aspects sont régulièrement étudiés par les juges et encore récemment, des précisions ont été apportés (Cass. Soc. 16.02.2022, N° 20-20.796). Concernant l’élément matériel du licenciement pour motif économique, il a été reconnu par la Cour de cassation que l’externalisation des tâches du salarié peut justifier la suppression de poste d’un salarié et donc le licenciement. Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que le licenciement pour motif économique doit comporter un élément causal comme les difficultés économiques ou encore la mutation technologique et un élément matériel et en l’occurrence, l’externalisation qui par incidence entraîne sue suppression de poste, telle que prévue à l’article L1233-3 du Code du travail.

Il convient donc de vérifier que les deux aspects coexistent avant de se lancer dans ce type de procédure. Et, autant l’impact sur l’emploi se prouve assez facilement, autant la recherche d ‘un motif économique peut sembler périlleux. Il convient donc de faire un état des lieux des quatre causes économiques, inscrites à l’article L.1233-3 du Code du travail. Cet article pose en effet les contours de du licenciement économique et a connu une dernière évolution en 2018, par la loi du n° 2018-217 du 29 mars 2018. Mais les difficultés économiques restent un véritable sujet au cœur des contentieux. Il s’agira donc d’appréhender les dernières décisions et leurs enjeux.

Les difficultés économiques : un critère qui connaît des aménagements réguliers

La notion de difficultés est longtemps restée vague dans le code du travail. Les juges avaient alors en charge d’établir ce qu’elles représentaient. Le législateur a alors précisé que les difficultés économiques concernent des domaines spécifiques, « l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. ».

En outre, l’article L.1233-3 du code du travail précise, depuis quelques années, qu’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée quand la durée de cette baisse, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

  •  Un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
  • Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;
  • Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;
  • Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus .

Un arrêt récent vient de préciser la période qui doit être prise en compte pour analyser la baisse significative du chiffre d’affaires. Comme indiqué ci-dessus, il s’agit de comparer la période actuelle avec celle de l’année antérieure.

Dans l’affaire présenté aux juges, l’entreprise a connu une baisse significative de son chiffre d’affaires en 2016, comparativement à 2015. Mais, début 2017, est observée une hausse de 0,50 % du chiffre d’affaires. Celle-ci est très faible et pour les juges du fond elle ne permet pas de renverser la tendance. La Cour d’appel indique que « la modeste augmentation de 0,50 % du chiffre d’affaires du premier trimestre 2017 par rapport à celui de 2016 n’était pas suffisante pour signifier une amélioration tangible des indicateurs ».

La Cour de cassation ne suit pas cette logique et considère que le motif du licenciement s’apprécie à la date du licenciement. L’analyse des trimestres doit donc être opérée sur la période précédant la rupture du contrat. Le licenciement, en l’occurrence, a été prononcé en 2017 et il n’était donc pas suffisant de prendre en compte l’année 2016. Le premier trimestre 2017 devait être intégrée dans la période de référence. (Cass. Soc. 1er juin 2022, n° 20-19.957).

Cette interprétation des textes impacte l’esprit de la réforme, instituant la comparaison de périodes de référence. En effet, avant la loi dite El Khomri, en date du 8 août 2016, l’étude des difficultés économiques étaient réalisés au cas par cas et menait à de nombreux contentieux. Pour sécuriser ce motif économique, le législateur a proposé des règles quantitatives rapportées à un nombre de trimestres comparés. Les employeurs concernés pouvaient alors vérifier, en fonction de la taille de leur entreprise, quelles étaient les dispositions applicables.

Avec cet arrêt du 1 er juin 2022, la recherche d’une sécurisation juridique du motif du licenciement n’est pas atteinte. En effet, cette position place les employeurs en difficulté, quand on sait qu’un licenciement pour motif économique peut être très long, notamment en raison des informations/ consultations mais aussi des recherches de reclassement ou des délais institués dans les PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) lorsqu’ils existent.

Encore plus récemment, les juges ont encore apporté des précisions en indiquant que « si la réalité de l’indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d’affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement n’est pas établie, il appartient au juge, au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte, tel que des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ». Pour comprendre les enjeux de cet arrêt, rappelons que l’entreprise concernée supportait une baisse significative des commandes et de son chiffre d’affaires, des pertes structurelles importantes couplées à un niveau d’endettement significatif ainsi que des capitaux propres inférieures à la moitié du capital social.

La cour d’appel avait apprécié les difficultés économiques en se limitant à vérifier si pendant la période indiquée à l’article L1233-3 du Code du travail, on observait une baisse des commandes et/ou du chiffre d’affaires. La Cour de cassation a censuré ce raisonnement en reprochant une analyse très restrictive. Il convient donc d’y intégrer d’autres éléments légaux prévus. Aussi, lorsque l’entreprise ne fait pas apparaitre une baisse de son chiffre d’affaires ou de ses commandes, il est nécessaire de vérifier les autres critères prévus par le législateur, comme la dégradation de la trésorerie voire même d’autres éléments de nature à justifier de ces difficultés (Cass. Soc. 21-9-2022 n°20-18.511., n° 20-18.511).

Ce critère historique lié aux difficultés économiques fait donc l’objet régulièrement de précisions et il est indispensable d’opérer un suivi prétorien régulier.

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Appréciation du motif économique

L’article L.1233-3 du code du travail indique que « les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude. ».

Il y a donc 3 aspects à prendre en considération : le territoire, le secteur d’activité et le groupe.

Posons déjà que le champ d’étude sera, dans tous les cas, limité au territoire national. Ainsi, lorsque l’entreprise appartient à un groupe international, on se cantonnera au niveau national et la recherche d’une perte financière ne sera pas engagée au niveau international.

En outre, deux situations peuvent se présenter :

  • L’entreprise concernée par le ou les licenciements pour motif économique n’appartient pas à un groupe. Dans ce cas, la recherche sera réalisée au niveau de l’entreprise et se limitera au champ national.
  • L’entreprise appartient à un groupe et dans ce cas, les difficultés économiques s’apprécieront au niveau d’un secteur d’activité commun aux entreprises du groupe. Le secteur d’activité correspond à des unités qui fabriquent et /ou vendent des produits ou proposent des services de même nature, destinés à la même clientèle avec par exemple des réseaux et/ou modes de distribution similaires …

A noter : c’est l’employeur qui opère la répartition comme il le souhaite. Il réalise le découpage du groupe en secteur d’activité. Il peut par exemple décider de découper selon l’activité : formation, édition… Ou encore en fonction du type de clientèle avec d’un côté les professionnels et de l’autre les particuliers… Les difficultés économiques seront alors appréciées au niveau du secteur d’activité et non au niveau du groupe ou de chaque entreprise. Tout dépendra du découpage décidé par l’employeur.

Dans un arrêt du 31 mars 2021, la Cour de cassation rappelle les conditions pour la constitution d’un secteur d’activité et rappelle que la spécialisation d’une entreprise dans le groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un même secteur d’activité, au sein duquel doivent être appréciées les difficultés économiques

En effet, l’employeur avait été condamné en appel et dans son pourvoi, il arguait que le secteur d’activité qui sert de cadre d’appréciation du motif économique du licenciement devait être déterminé en fonction du marché sur lequel l’entreprise intervient. En effet, pour l’employeur, la notion de marché était centrale. Les activités étaient positionnées sur des marchés bien distincts. Or, la Cour de cassation reprend l’argumentation de la Cour d’appel en insistant sur la fusion des deux activités avec un mode de fonctionnement identique, géré par un unique manager afin de mettre en place une nouvelle orientation stratégique commune (Cass. Soc. 31 mars 2021, n° 19-26.054).

L’analyse des difficultés économiques devait donc être opéré à ce même niveau sans distinguer les deux activités.

La notion de motif économique fait l’objet de nombreux contentieux. Les juges sont donc appelés régulièrement à préciser les contours des différents motifs. Et, l’étude de ces décisions peut parfois laisser perplexe. Pour finir prenons un dernier arrêt qui démontre que les enjeux ne sont pas toujours évidents. Le 6 avril 2022, la Cour de cassation a dû se positionner sur un dossier de licenciement économique. L’employeur avait décidé de fermer une filiale et à ce titre, il entendait bénéficier du motif de la cessation d’activité. Un des salariés concernés contestait cette possibilité puisque dans le groupe d’autres entreprises poursuivaient des activités de même nature. Le raisonnement semble logique quand on sait que la fermeture d’une entreprise doit être totale et définitive pour permettre les licenciements sur le motif économique. Les juges ont quand même validé les licenciements pour motif économique en estimant que La seule circonstance que d’autres entreprises du groupe poursuivent une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d’activité de la société soit regardée comme totale et définitive (Cass. Soc. 06 avril 2022, N° 20-23.234).

Concernant les licenciements pour motif économique reposant sur des difficultés économiques, la logique est identique, les juges apprécieront au cas par cas et c’est seulement en prenant en compte les dernières jurisprudences que les employeurs sécuriseront leur licenciement.

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