Expérimentation de la mise à disposition de fonctionnaires dans le cadre d’un mécénat de compétences

Un décret du 27 décembre 2022 (1) vise à permettre, à titre expérimental, pour une durée de cinq ans (2), la mise à disposition de fonctionnaires de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics auprès de certaines personnes morales, sous la forme de mécénat de compétences. Ce décret est pris pour l'application de l'article 209 de la loi 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3), dite « loi 3DS ».

Expérimentation de la mise à disposition de fonctionnaires dans le cadre d’un mécénat de compétences

L’économie générale du dispositif

L’article 209, précité, indique en effet que pour une durée de cinq ans à compter de la publication du décret du 27 décembre 2022 et par dérogation aux articles L. 512-8, L. 512-10 à L. 512-13 et L. 512-15 du code général de la fonction publique (CGFP), les fonctionnaires de l’Etat, des communes de plus de 3 500 habitants, des départements, des régions et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI) peuvent être mis à la disposition de personnes morales relevant des catégories mentionnées au a) du 1 de l’article 238 bis du code général des impôts (CGI) ainsi que de fondations ou d’associations reconnues d’utilité publique, pour la conduite ou la mise en œuvre d’un projet répondant aux missions statutaires de la personne morale, de la fondation ou de l’association et pour lequel leurs compétences et leur expérience professionnelles sont utiles.

Avant de prononcer la mise à disposition du fonctionnaire, l’autorité hiérarchique dont il relève doit apprécier la compatibilité de l’activité envisagée au sein de l’organisme d’accueil avec les fonctions exercées par le fonctionnaire au cours des trois dernières années, selon les modalités relatives aux contrôles déontologiques dans la fonction publique prévues aux articles L. 124-4 à L. 124-6 du CGFP (4).
La mise à disposition est prononcée pour une durée qui ne peut excéder dix-huit mois, renouvelable dans la limite d’une durée totale de trois ans. Cette mise à disposition peut ne pas donner lieu à remboursement. En l’absence de remboursement, elle constitue une subvention, au sens de l’article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et donne lieu, le cas échéant, à la conclusion de la convention prévue à l’article 10 de la même loi.

Chaque année, les communes de plus de 3 500 habitants, les départements, les régions et les EPCI doivent établir un état des fonctionnaires mis à disposition au titre de l’article, précité, ainsi que des structures bénéficiaires de ces mises à disposition. Cet état, annexé au budget, doit être communiqué chaque année à l’assemblée délibérante avant l’examen du budget de la collectivité territoriale ou de l’EPCI.

Au plus tard un an avant son terme, le Gouvernement doit présenter au Parlement un rapport d’évaluation du dispositif de mise à disposition des fonctionnaires de l’État et territoriaux, prévu par ces dispositions.

Le décret du 27 décembre 2022, précité, précise les modalités d’application de ce dispositif expérimental, notamment le contenu et les modalités de l’évaluation ainsi que les règles selon lesquelles les administrations de l’État et les collectivités territoriales concernées informent les services du ministre chargé de la fonction publique de la mise en œuvre du dispositif.

L’autorité ayant pouvoir de nomination décide de la mise à disposition

La mise à disposition est prononcée, après accord de l’intéressé et de l’organisme d’accueil, par arrêté du ministre lorsqu’il s’agit d’un fonctionnaire de l’État ou par arrêté de l’autorité territoriale investie du pouvoir de nomination lorsqu’il s’agit d’un fonctionnaire territorial. Dans ce dernier cas, l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou de l’établissement public gestionnaire doit en être préalablement informée (5).

En outre, la mise à disposition du fonctionnaire peut porter sur tout ou partie de la durée de son temps de service (6).

A noter que les agents bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée (CDI), qui peuvent être mis à disposition selon les règles de mise à disposition de droit commun, sont exclus de ce dispositif expérimental.

L’établissement d’une convention entre l’administration et l’organisme bénéficiaire de la mise à disposition

Cette mise à disposition doit faire l’objet d’une convention établie entre l’administration d’origine et la personne morale bénéficiaire. La convention, qui est communiquée au fonctionnaire, peut porter sur la mise à disposition d’un ou plusieurs fonctionnaires.

Elle doit définir (7) :

  1. La nature des activités exercées par le fonctionnaire mis à disposition ;
  2. La durée de la mise à disposition ;
  3. Les conditions d’emplois et de gestion administrative du fonctionnaire au sein de l’organisme d’accueil, notamment le lieu et la durée du travail ainsi que, le cas échéant, les modalités de remboursement des frais de mise à disposition ;
  4. Les conditions et modalités de renouvellement de la mise à disposition ainsi que de fin anticipée de la mise à disposition.

Ladite convention doit rappeler les obligations auxquelles le fonctionnaire mis à disposition est soumis au titre des articles L. 121-1 à L. 121-11 du CGFP (8).

Lorsque la mise à disposition ne donne pas lieu à remboursement, la convention doit comprendre  les éléments requis par l’article 10 de la loi du 12 avril 2000, précitée.

Toute modification ou prolongation de la mise à disposition doit intervenir selon les modalités définies ci-dessus et donner lieu à un avenant à la convention.

Les organismes pouvant bénéficier de la mise à disposition à titre expérimental

En application de l’article 209, précité, il s’agit de fondations ou d’associations reconnues d’utilité publique, pour la conduite ou la mise en œuvre d’un projet répondant aux missions statutaires de la personne morale, de la fondation ou de l’association et pour lequel leurs compétences et leur expérience professionnelles sont utiles.

S’y ajoutent, en application du a) du 1 de l’article 238 bis du CGI : les organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

La fin anticipée de la mise à disposition

La mise à disposition du fonctionnaire de l’État peut prendre fin avant le terme prévu par l’arrêté du ministre, sur demande de l’administration d’origine, de l’organisme d’accueil ou du fonctionnaire, dans le respect des règles de préavis prévues dans la convention de mise à disposition. Lorsque cesse la mise à disposition, le fonctionnaire de l’État qui ne peut être affecté aux fonctions qu’il exerçait précédemment dans son service d’origine reçoit une affectation dans l’un des emplois que son grade lui donne vocation à occuper.

La mise à disposition du fonctionnaire territorial peut prendre fin avant le terme prévu par arrêté de l’autorité territoriale investie du pouvoir de nomination, sur demande de la collectivité territoriale ou de l’établissement public d’origine, de l’organisme d’accueil ou du fonctionnaire, dans le respect des règles de préavis prévues dans la convention de mise à disposition. Lorsque cesse la mise à disposition, le fonctionnaire territorial qui ne peut être affecté aux fonctions qu’il exerçait précédemment dans son service d’origine reçoit une affectation dans l’un des emplois que son grade lui donne vocation à occuper.
En cas de faute disciplinaire, il peut être mis fin sans préavis à la mise à disposition par accord entre l’administration d’origine et l’organisme d’accueil (9).

Les règles de gestion du fonctionnaire mis à disposition

L’organisme d’accueil doit transmettre à l’administration d’origine les informations relatives aux congés annuels et aux congés de maladie.

En outre, sans préjudice d’un éventuel complément de rémunération dument justifié, versé selon les règles applicables aux agents exerçant leurs fonctions dans l’organisme d’accueil, le fonctionnaire mis à disposition peut être indemnisé par l’organisme d’accueil des frais et sujétions auxquels il s’expose dans l’exercice de ses fonctions suivant les règles en vigueur dans cet organisme.

Par ailleurs, l’organisme d’accueil supporte les dépenses occasionnées par les actions de formation dont il fait bénéficier le fonctionnaire.

Enfin, l’autorité compétente de l’administration d’origine exerce le pouvoir disciplinaire à l’encontre du fonctionnaire mis à disposition, le cas échéant, sur saisine de l’organisme d’accueil (10).

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L’évaluation annuelle et globale de l’expérimentation

Afin de permettre l’évaluation de cette expérimentation, un bilan annuel de la mise à disposition des fonctionnaires dans le cadre du mécénat de compétences devra être établi par chaque employeur public concerné.

Ce bilan doit comporter, pour chaque employeur public :

  1. Un état des fonctionnaires mis à disposition précisant leur grade et qualité, l’objet de la mise à disposition, sa durée et son coût et, le cas échéant, son caractère renouvelable, ainsi que l’organisme bénéficiaire ;
  2. La liste des structures bénéficiaires précisant, pour chacune, ses missions statutaires, le projet ayant justifié la mise à disposition, ainsi que le nombre de fonctionnaire mis à disposition de chaque structure.

Pour les fonctionnaires de l’État, ce bilan devra être transmis au ministre chargé de la fonction publique. Lorsque l’employeur est un établissement public administratif de l’État, ce bilan devra, également, être transmis aux ministres de tutelle. S’agissant des fonctionnaires territoriaux, ce bilan annuel devra être transmis au préfet.

Le ministre chargé de la fonction publique devra établir, annuellement, une synthèse globale de la mise en œuvre de l’expérimentation. Elle devra faire l’objet d’une présentation au conseil commun de la fonction publique (CCFP) (11).

Une première évaluation globale du dispositif devra être établie au plus tard à la fin du premier semestre 2025. A cette fin, les bilans annuels précités devront être transmis avant le 31 mars 2025. Le dernier bilan sera établi au plus tard un an avant la date prévue pour le terme de l’expérimentation (soit le 29 décembre 2026). Il devra faire l’objet d’une présentation au CCFP.

Le rapport d’évaluation, prévu à l’article 209, précité, devra être établi par le ministre chargé de la fonction publique. Il devra comporter une synthèse des bilans annuellement réalisés. Il évaluera l’expérimentation pour la fonction publique de l’État et pour la fonction publique territoriale et devra indiquer les éventuelles difficultés rencontrées (12).


Références :

  1. Décret n° 2022-1682 du 27 décembre 2022 relatif à l’expérimentation de la mise à disposition de fonctionnaires dans le cadre d’un mécénat de compétences (publié au Journal officiel du 28 décembre 2022) ;
  2. A compter du 29 décembre 2022 et jusqu’au 29 décembre 2027 ;
  3. Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 ;
  4. L’agent public cessant ou ayant cessé ses fonctions depuis moins de trois ans, définitivement ou temporairement, saisit à titre préalable l’autorité hiérarchique dont il relève ou a relevé dans son dernier emploi afin d’apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise privée ou un organisme de droit privé ou de toute activité libérale avec les fonctions exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité.
    Tout organisme ou toute entreprise exerçant son activité dans un secteur concurrentiel conformément aux règles du droit privé est assimilé à une entreprise privée pour l’application du premier alinéa.
    Lorsque l’autorité hiérarchique a un doute sérieux sur la compatibilité de l’activité envisagée avec les fonctions exercées par l’agent public au cours des trois années précédant le début de cette activité, elle saisit pour avis, préalablement à sa décision, le référent déontologue. Lorsque l’avis de ce dernier ne permet pas de lever ce doute, l’autorité hiérarchique saisit la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (article L. 124-4 du CGFP) ;
  5. Article 2 du décret du 27 décembre 2022, précité ;
  6. Article 3 du décret du 27 décembre 2022, précité ;
  7. Article 4 du décret du 27 décembre 2022, précité ;
  8. Il s’agit des obligations générales prévues par le statut ;
  9. Article 5 du décret du 27 décembre 2022, précité ;
  10. Article 6 du décret du 27 décembre 2022, précité ;
  11. Article 7 du décret du 27 décembre 2022, précité ;
  12. Article 8 du décret du 27 décembre 2022, précité.

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