Transaction : quel intérêt pour l’employeur et le salarié ? Comment l’optimiser ?

Rares sont les chefs d’entreprise, confrontés à des litiges avec leurs salariés en droit du travail (essentiellement suite à des licenciements), qui n’aient pensé mettre fin au différend par le biais d’un arrangement amiable.

Ce système a, incontestablement, beaucoup d’avantages pour l’employeur : rapidité, absence de publicité, certitude de la somme qui sera accordée au salarié…

Cette procédure, en droit du travail, a notamment un nom : la transaction, et trouve sa source dans l’article 2044 du Code civil qui précise que « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ».

Toutefois, le recours à la transaction exige le respect de règles précises en l’absence desquelles l’acte n’aura aucune valeur juridique.

Transaction : quel intérêt pour l’employeur et le salarié ? Comment l’optimiser ?
La transaction : un terrain juridique complexe offrant rapidité et discrétion, mais soumis à des règles strictes pour mettre fin aux litiges employeur-salarié.

Les conditions de validité de la transaction

Les conditions de forme pour valider une transaction

La transaction est un contrat qui doit donc être approuvé par les deux parties : employeur et salarié. Qui plus est, l’accord doit être écrit (article 2044 du Code civil) et établi en autant d’exemplaires originaux que de parties ayant un intérêt distinct.

Les 5 conditions de fond pour valider une transaction

Sans doute, s’agit-il de la question la plus délicate. À y regarder de près, cinq conditions sont nécessaires pour la validité de l’accord.

1. L’existence d’un différend

Cette obligation naît de l’article 2044 du Code civil suivant lequel la transaction termine une contestation née ou prévient une contestation à naître (Cass soc. 22 juin 1997, Bull, civ, V, n° 421).

Cependant, il n’est pas nécessaire que ce désaccord ait déjà donné lieu à une instance judiciaire.

Une transaction peut donc tout à fait être formalisée avant une instance judiciaire, ou encore, devant le bureau de conciliation et d’orientation d’un Conseil de prud’hommes. Sans doute est ce là la différence la plus importante avec la rupture conventionnelle, qui ne nécessite pas de contentieux entre les parties. 

2. La capacité des parties

Suivant l’article 2045 du Code civil, les parties doivent avoir la capacité de « disposer des objets compris dans la transaction ».  Ainsi, un majeur protégé ou un mineur non émancipé ne saurait transiger valablement. De même, une transaction, signée par l’épouse d’un salarié, n’a pas de valeur juridique (Cass. soc. 15 janvier 1997, Cah. soc., Barreau 1997, n° 89 B 80).

3. L’absence de vice du consentement

La transaction est un contrat. Or, pour faire un acte, il faut être sain d’esprit. Il appartient au juge du fond de regarder si le consentement a été donné de manière libre et claire. En effet, les parties doivent avoir eu le temps de réfléchir et d’étudier les propositions qui leur sont faîtes. On considérera donc que le consentement du salarié n’est pas éclairé lorsque ce dernier ne sait pas lire le français (Cass. soc. 14 janvier 1997, RJS, 1997, n° 142) ou que l’acte a été formalisé le lendemain d’une intervention chirurgicale (Cass. soc. 18 juin 1996, Cah. soc, Barreau 1996, n° 84-181).

Comme pour tout contrat, trois vices du consentement constituent une cause d’annulation de la transaction (C civ art 1130) :

  • l’erreur sur la personne ou sur l’objet de la contestation ;
  • le dol, c’est à dire les tromperies destinées à introduire une personne en erreur afin de l’inciter à contracter ;
  • la violence (physique ou morale).

Bien entendu, il appartient, dans tous les cas, à la partie qui se prévaut d’un vice du consentement d’en apporter la preuve (Cass. soc. 13 novembre 1986, Cah. prud’h, 1987, p 12).

4. La nécessité de concessions réciproques

Cette condition de concessions réciproques apparaît pas dans l’article 2044 du Code civil. Elle est un élément primordial exigé par la jurisprudence de la Chambre sociale (V. Cass. soc. 25 octobre 1990, Bull, civ, V, n° 515 – 15 novembre 1994, Cah. soc. Barreau, n° 90 A 29).

Les concessions doivent présenter le caractère d’un sacrifice réel et chiffrable (Cass. soc. 16 février 1978, Bull, civ, V, n° 374), l’employeur acceptant le paiement de tout ou partie des sommes réclamées, le salarié renonçant à une partie de ses prétentions. Ainsi, est nulle, une transaction dès lors que le salarié, licencié pour faute sérieuse, a obtenu moins (Cass. soc. 18 février 1998, Bull, civ, V, n° 95) ou juste ce qu’il pouvait obtenir de par la convention collective (Cass. soc. 6 décembre 1994, Bull, civ, V, n° 328).

Si, généralement, la transaction porte sur une somme d’argent, elle peut ainsi être formalisée en l’absence de toute contrepartie pécuniaire dès lors que des concessions de l’employeur existent. Ainsi, une promesse d’embauche (Cass. soc. 26 septembre 1989, Bull, civ, V, n° 539), l’octroi d’un avantage en nature (ex : véhicule de fonction), l’absence de l’employeur de toute action pénale en cas de vol, peuvent tenir lieu de concession.

5. Le moment de la transaction

Avant 1996, la Cour de cassation se montrait particulièrement souple quant à la date de la transaction. Elle estimait, par exemple, que l’accord pouvait être passé avant la notification du licenciement dès lors que celui-ci était « d’ores et déjà décidé et non contesté dans son principe par le salarié » (Cass. soc. 20 février 1986, Bull, civ, V, n° 29) ou encore, formalisé lors de l’entretien préalable au licenciement (Cass. soc. 28 octobre 1992, Bull, civ, V, n° 520).

Cependant, en 1996, la Chambre sociale a décidé que l’accord ne pouvait valablement intervenir qu’après la notification de la rupture du contrat de travail (V. Cass. soc. 29 mai 1996, Bull, civ, V, n° 215).

 

Peut-on transiger avec un salarié protégé ?

Le principe a été défini par l’arrêt Perier : les salariés protégés (délégués du personnel, représentants du personnel au comité d’entreprise, délégués syndicaux…) bénéficient, de par la loi, d’une protection pour leur licenciement, qualifiée d’exceptionnelle et exorbitante de droit commun qui interdit à l’employeur de poursuivre, par d’autres moyens que la procédure d’autorisation administrative, la résiliation de leur contrat de travail (Cass. Ch. mixte. 21 juin 1974, Bull, civ, n° 2). En d’autres termes, le licenciement, voire, éventuellement, la transaction, ne peuvent intervenir qu’après l’autorisation de l’inspecteur du travail (Cass. soc. 2 décembre 1992, Bull, civ, V, n° 578). Faute de respect de ces règles, le licenciement serait nul (Cass. ass. plén. 28 janvier 1983, Bull, civ, n° 1).

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Les effets de la transaction

Les effets de la transaction doivent être envisagés à plusieurs niveaux :

Les effets de la transaction entre les parties

La transaction a un effet absolu entre les parties et ce, dès sa signature. En effet, suivant l’article 2052 du Code civil, elle « fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet ».

Il convient, cependant, de limiter cet effet absolu de la transaction aux différends qui se trouvent compris dans l’accord. En d’autres termes, la transaction de concerne pas les points qui ne sont pas évoqués dans l’accord.

Ainsi, une transaction, portant sur des salaires, préavis, indemnités de licenciement, ne concerne pas d’éventuels dommages-intérêts pour rupture abusive dus au salarié (Cass.  soc. 30 octobre 1973, Bull, civ, V, n° 538). De même, une transaction, portant sur une prime d’ancienneté, ne règle pas d’éventuelles demandes du salarié en rappel de salaire et de congés payés non pris (Cass. soc. 5 février 1992, Bull, civ, V, n° 71). De la même manière, si la transaction ne fait pas de référence à la contrepartie d’une clause de non-concurrence, cette dernière notion ne rentre pas dans l’objet de la transaction (Cass. soc. 6 mai 1998, Bull, civ, V, n° 228).

On notera, toutefois, qu’afin d’éviter toute contestation, des formules, particulièrement larges, sont utilisées. Ainsi, une formule couramment utilisée est que la transaction compense « l’ensemble des litiges susceptibles de découler de l’exécution et de résiliation du contrat de travail et, plus généralement, à quelque titre que ce soit ». Une telle formule, très large, empêche toute contestation particulière devant la juridiction prud’homale.

Les effets de la transaction à l’égard des tiers

La transaction n’a d’effet qu’entre les parties contractantes. Sur ce point, l’article 2051 du Code civil est précis : « La transaction faite par l’un des intéressés ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux ». Ainsi, si un employeur et un salarié concluent un accord transactionnel, les autres salariés ne pourront exiger la signature d’une transaction dans les mêmes termes ou ne pourront l’invoquer comme moyen de défense (Cass. soc. 29 mai 1986, Cah. prud’h, 1986, n° 9, p 154).

Nul doute donc, que la transaction, qui éteint toute contestation entre l’employeur et le salarié, est soumise à conditions très strictes. Cependant, ce formalisme très lourd ne doit pas occulter l’intérêt de cette procédure. Ne dit-on pas, en effet, qu’un « mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès » ?

 

Doit-on éviter de conclure une transaction après une rupture conventionnelle !

Théoriquement, la transaction n’est pas interdite après une rupture conventionnelle… Mais, elle est à déconseillée…La Cour de cassation vient de le répéter : la transaction signée par le salarié et l’employeur postérieurement à l’homologation de la rupture conventionnelle du contrat de travail n’est valable que si elle a pour objet de régler un différend relatif non pas à la rupture du contrat de travail mais à son exécution sur des éléments non compris dans la convention de rupture (Cass soc. 16 juin 2021 no 19-26083). Résultat des courses : puisque la transaction ne règle pas un problème de rupture du contrat de travail, les sommes allouées sont soumises à cotisations sociales…En matière fiscale, le Conseil d’Etat ne dit pas autre chose : lorsqu’a été conclue et homologuée une convention de rupture, celle-ci fait en principe obstacle à ce que l’indemnité allouée au salarié par une transaction intervenant ultérieurement puisse être regardée comme une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et exonérée d’impôt sur le revenu à ce titre. Autrement dit, elle doit être imposable et soumise à cotisations sociales (Conseil d’Etat. 21 juin 2021 n° 123/221)

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