Partager la publication "Mobilité interne : pourquoi vos talents partent chercher ailleurs ce que vous pourriez leur offrir"
Le paradoxe frappe par son absurdité : vos talents se forment massivement dehors pour évoluer, alors qu’ils pourraient le faire chez vous. Ils partent chercher ailleurs ce que vous pourriez leur offrir. La mobilité interne, enjeu stratégique pour 81% des DRH en 2025, reste un concept creux pour la majorité des salariés. Résultat ? 426 100 démissions de CDI rien qu’au deuxième trimestre 2025. L’hémorragie continue.
1. Le grand paradoxe : vos talents cherchent dehors ce que vous avez dedans
Les chiffres claquent comme un avertissement. 47% des actifs français sont concernés ou intéressés par une reconversion professionnelle en 2025. Parmi eux, 18% préparent activement leur projet. Ces milliers de salariés qui consultent des bilans de compétences, mobilisent leur CPF, explorent de nouveaux métiers… ce sont peut-être les vôtres. Pendant qu’ils imaginent leur avenir professionnel à l’extérieur, avez-vous seulement vérifié s’ils pourraient le construire chez vous ?
Le paradoxe atteint son paroxysme avec cette statistique : 83% des employés déclarent qu’ils resteraient plus longtemps dans leur entreprise si elle leur offrait davantage d’opportunités en interne. Mais dans les faits, seuls 36% perçoivent ces opportunités. L’écart entre l’attente et la réalité mesure exactement l’ampleur de votre angle mort RH. Un sujet que nous avions déjà abordé dans notre article sur comment prévenir la perte des talents au sein d’une entreprise.
Cette quête de sens se révèle particulièrement intense chez les collaborateurs de 35 ans et plus. Ces profils expérimentés en quête de renouveau, souvent en milieu ou fin de carrière, ne partent pas pour un salaire supérieur. Ils fuient la routine, l’absence de reconnaissance, le sentiment d’inutilité. Ce commercial de 42 ans qui démissionne pour se reconvertir dans l’ESS ? Il aurait probablement accepté une mobilité vers votre département RSE. Cette responsable administrative de 51 ans qui quitte l’entreprise pour un projet associatif ? Elle aurait pu piloter votre transformation digitale interne.
L’entreprise rate une double occasion : elle perd un talent qui connaît ses codes, son histoire, ses clients. Et elle sacrifie la possibilité de réorienter cette expertise vers des besoins internes criants. Le coût ? Vertigineux. Entre le turnover, la perte de compétences stratégiques et le budget de remplacement, l’immobilisme se paie cash.
2. Pendant ce temps, la facture du recrutement externe explose
Faisons les comptes. Un recrutement externe coûte entre 20 et 50% plus cher qu’une mobilité interne. Temps passé en sourcing, cabinets spécialisés, processus d’intégration rallongé, période d’essai ratée… la note grimpe vite. Et pour quel résultat ? Le taux de réussite d’une mobilité interne atteint 67%, largement supérieur aux échecs fréquents du recrutement externe où l’erreur de casting guette à chaque étape.
Les données parlent d’elles-mêmes : les entreprises qui investissent régulièrement dans la mobilité interne conservent leurs talents 41% plus longtemps que celles qui négligent ce levier. Traduction concrète ? Moins de turnover, moins de budgets engloutis dans des recrutements à répétition, moins d’énergie RH dépensée à éteindre des incendies. Pourtant, la majorité des organisations perpétuent le cercle vicieux : on recrute en externe par réflexe, sans même vérifier si la compétence existe déjà en interne.
Les talents frustrés, qui ne voient aucune perspective d’évolution, finissent par partir. L’entreprise recrute alors en externe pour les remplacer, ignorant qu’elle aurait pu les faire évoluer sur le poste vacant. Le nouveau collaborateur, externe, met six mois à comprendre les rouages de l’organisation, là où un collaborateur interne aurait été opérationnel en six semaines. Pendant ce temps, un autre talent interne se démotive et prépare sa sortie. La boucle recommence. Un phénomène amplifié par les nouvelles tendances du recrutement en 2024 qui privilégient souvent l’externe par défaut.
Au deuxième trimestre 2025, 6,5 millions de contrats ont été signés dans le secteur privé. Combien de ces embauches auraient pu être évitées par une vraie politique de mobilité interne ? Combien de ces budgets recrutement auraient pu financer des formations, des reconversions internes, des parcours sur mesure pour vos collaborateurs en quête d’évolution ? La question mérite d’être posée brutalement : et si votre premier vivier de talents était déjà sur votre paie ?
3. EDF et les pionniers : quand la mobilité interne devient un système
Certaines entreprises ont compris. Chez EDF, 1 salarié sur 5 change d’emploi chaque année en interne. Pas par hasard, pas au gré des opportunités, mais par stratégie délibérée. Le groupe a structuré sa politique de mobilité comme un système : e-forums de mobilité internes avec 450 visiteurs en moyenne, Plan EXCELL dédié à la filière nucléaire, parcours professionnels croisés entre entités (EDF SA, ENEDIS, FRAMATOME, DALKIA…).
La mobilité ne se limite pas à des promotions verticales. Elle peut être fonctionnelle, géographique, entre métiers ou entre filiales. Un technicien peut devenir formateur, un chef de projet passer du nucléaire au renouvelable, un contrôleur de gestion explorer les RH. L’idée ? Faire circuler les compétences plutôt que les laisser stagner. Résultat : les collaborateurs trouvent du sens dans leur évolution, l’entreprise optimise ses ressources internes, et les départs volontaires diminuent.
Les ingrédients du succès ne relèvent pas de la magie RH. Premier levier : la visibilité des postes. Pas de jobs cachés réservés aux copains du directeur, pas de promotions opaques décidées dans le bureau du N+2. Les opportunités sont affichées, accessibles, et les collaborateurs peuvent postuler en toute transparence. Des outils comme les talent marketplaces permettent justement de créer cette transparence et de suggérer des parcours personnalisés aux collaborateurs.
Deuxième levier : l’accompagnement structuré. Formation, reconversion interne, parcours de transition… chaque mobilité s’accompagne d’un dispositif sur mesure pour sécuriser le changement. Une approche essentielle pour réussir sa gestion des talents et éviter les erreurs classiques de promotion.
Troisième levier, le plus révolutionnaire : la culture de la mobilité assumée. Changer de poste en interne n’est pas perçu comme un échec ou une fuite, mais comme une évolution naturelle. Les managers ne bloquent pas leurs talents par peur de perdre leurs meilleurs éléments. Ils comprennent que favoriser la mobilité de leur équipe valorise leur capacité à former et développer les compétences. Une posture managériale bien différente du syndrome de Peter qui consiste à promouvoir jusqu’à l’incompétence.
90% des Top Employers en France ont adopté des dispositifs similaires : rotations de postes, mentorat croisé, parcours flexibles. Ces entreprises ont compris que la mobilité horizontale méritait autant de reconnaissance que la promotion verticale. Un collaborateur qui enrichit son portefeuille de compétences en changeant de métier tous les trois ans devient plus agile, plus polyvalent, plus précieux.
Les profils atypiques aux parcours riches trouvent particulièrement leur compte dans ces organisations. Les seniors en quête de sens y trouvent leur compte, les jeunes générations aussi. La GPEC, souvent réduite à un accord poussiéreux dans un tiroir RH, devient enfin réalité opérationnelle.
Votre formation sur ce thème
REUSSIR LA MOBILITE INTERNE
4 jours – En présentiel ou à distance
- Construire un dispositif de mobilité interne adapté aux contexte, enjeux et priorité de l’entreprise.
- Déployer les outils individuels et collectifs pour promouvoir et mettre en œuvre le dispositif.
- Conduire les entretiens de mobilité en appliquant une méthodologie et des outils efficaces.
4. Par où commencer sans tout révolutionner ?
Pas besoin de copier EDF ou de déployer un SIRH à 200 000 euros pour démarrer. La mobilité interne commence par des gestes simples, souvent gratuits, toujours efficaces quand ils sont menés avec sincérité.
Premier levier : cartographier l’invisible. Combien de vos collaborateurs ont demandé une mobilité cette année ? Combien l’ont obtenue ? Combien ont abandonné leur demande faute de réponse ? Vous n’avez pas les chiffres ? C’est déjà le problème. Impossible de piloter ce qu’on ne mesure pas. Commencez par interroger vos équipes lors des entretiens annuels. Créez un espace dédié dans votre SIRH, même basique, pour recenser les souhaits de mobilité. Identifiez les métiers en tension et les compétences transférables disponibles en interne.
Deuxième levier : créer de la visibilité. Un simple e-forum interne, des job dating entre services, des ateliers découverte métiers organisés une fois par trimestre. L’objectif ? Permettre aux collaborateurs de découvrir ce qui existe chez eux sans devoir démissionner pour l’explorer ailleurs. Cette comptable qui rêve de passer aux achats, ce commercial qui envisage la formation interne, ce chef de projet qui aimerait tenter le management… donnez-leur l’occasion de rencontrer ces métiers, d’échanger avec ceux qui les exercent, de mesurer l’écart entre leurs compétences actuelles et celles requises. Des solutions de talent marketplace existent justement pour faciliter cette mise en relation.
Troisième levier, le plus stratégique : former les managers. La mobilité interne échoue souvent parce que les managers bloquent. Ils ont peur de perdre leurs meilleurs talents, de devoir recommencer un recrutement, de fragiliser leur équipe. Il faut inverser la logique. Un bon manager ne retient pas ses collaborateurs, il les fait grandir. Celui qui favorise l’évolution de son équipe devient un aimant à talents : les meilleurs veulent travailler avec lui parce qu’ils savent qu’ils progresseront. Formez vos managers à cette posture, valorisez ceux qui font évoluer leurs équipes, sanctionnez (symboliquement) ceux qui bloquent.
L’urgence ne se discute plus. La Semaine de l’évolution professionnelle montre que vos collaborateurs sont déjà en mouvement. 9 personnes sur 10 se déclarent satisfaites du Conseil en évolution professionnelle qu’elles ont consulté pour envisager leur mobilité. Ils se posent des questions sur leur avenir, explorent des pistes, se forment, se préparent. La seule question qui compte : voulez-vous qu’ils évoluent avec vous ou sans vous ?