Partager la publication "L’indemnisation des congés annuels non pris dans la fonction publique"

Que revêt le droit à indemnisation des congés non pris ?
En vue d’assurer la conformité avec le droit européen, un régime dérogatoire de compensation a donc été créé par décret et intégré dans chaque texte propre à chaque versant (4). Il permet, ainsi, le versement d’une indemnité lorsque le fonctionnaire n’a pas été en mesure de prendre son congé annuel avant la fin de la relation de travail (retraite, démission, …). Ces dispositions prévoient le cas général selon lequel « le fonctionnaire n’a pas été en mesure de prendre son congé annuel » sans préciser les motifs pour lesquels ce congé n’a pas pu être posé. Sous réserve de confirmation du juge, il convient de constater que l’existence d’un reliquat de congés peut être dû à un congé de maladie, mais également à un autre motif, y compris un motif indépendant de la volonté du fonctionnaire, tel que l’intérêt du service, notamment.
Le droit à indemnisation est-il encadré ?
Le versement de l’indemnité ne compense que les droits non utilisés relevant des quatre premières semaines de congé annuel par période de référence. Cette limite ne s’applique pas en cas de congé lié aux responsabilités parentales ou familiales.
Cette règle reprend la jurisprudence qui prévoyait déjà une limitation du droit à l’indemnisation à quatre semaines par année de référence (5). Les dispositions des décrets relatifs aux congés annuels (6) ne prévoient pas d’autres limites à l’indemnisation des congés annuels non pris à la fin de la relation de travail, conformément à la jurisprudence européenne. En effet :
- La directive 2003/88/CE ne pose aucune autre condition à l’ouverture du droit à une indemnité que celle tenant au fait que la relation de travail a pris fin et que le travailleur n’a pas pris tous les congés annuels auxquels il avait droit à la date où cette relation a pris fin (7) ;
- Le motif pour lequel la relation de travail prend fin ne serait pas pertinent : l’agent peut bénéficier d’une indemnité compensatrice alors même qu’il avait, de son propre chef, mis fin à la relation de travail (demande de mise à la retraite en l’espèce) (8) ;
- En outre, le bénéfice de l’indemnité n’est pas soumis à une demande préalable de l’intéressé, aussi, le droit à une indemnité compensatrice ne peut-il s’éteindre automatiquement au motif que le travailleur n’a pas demandé à exercer ce droit avant la cessation de la relation de travail (9).
Néanmoins, il faut noter que la jurisprudence administrative, appliquant le droit européen, avait posé une limite temporelle à l’exercice de ce droit, avant que le dispositif ne soit introduit dans les différents décrets régissant les congés annuels dans la fonction publique (10) :
- L’administration peut rejeter une demande d’indemnisation de jours de congés pour lesquels la période de report de quinze mois est expirée à la date de la fin de la relation de travail. En effet, le droit à l’indemnisation doit s’apprécier à la date de la fin de la relation de travail : le nombre de jours de congés non pris indemnisables correspond au nombre de jours de congés dont le report demeure possible à cette date. Or, si l’administration peut rejeter une demande qui tend au report de jours de congés non pris au-delà d’une période de quinze mois suivant l’année de référence, il en va de même pour une demande d’indemnisation de congés annuels non pris pour lesquels cette période de report est expirée à la date de la fin de la relation de travail (11) ;
- En revanche, la recevabilité d’une demande d’indemnisation de congés annuels non pris n’est pas subordonnée à la condition que cette demande soit présentée dans le délai de quinze mois précité. La recevabilité de la demande est régie par les seules règles de prescription des créances (12).
Comment l’indemnité compensatrice est-elle calculée ?
Le calcul du montant de l’indemnité et son assiette sont fixés par trois arrêtés du 21 juin 2025 (un par versant de la fonction publique) (13)
En application des dispositions de l’article 1er de chaque arrêté du 21 juin 2025, précité, l’indemnité compensatrice est calculée en appliquant la formule suivante :

La rémunération mensuelle brute prise en compte correspond à la dernière rémunération versée au titre de l’exercice effectif des fonctions sur un mois d’exercice complet. Le cas échéant, elle tient compte des évolutions de la situation statutaire ou indemnitaire de l’agent intervenues entre la dernière date d’exercice effectif des fonctions et la date de fin de relation de travail.
Elle doit intégrer (14) :
- le traitement indiciaire ;
- l’indemnité de résidence ;
- le supplément familial de traitement ;
- les primes et indemnités instituées par une disposition législative ou réglementaire.
En revanche sont exclus de cette assiette (15) :
- Les versements exceptionnels ou occasionnels, notamment liés à l’appréciation individuelle ou collective de la manière de servir (par exemple le complément indemnitaire annuel – CIA) ;
- Les primes et indemnités qui ont le caractère de remboursement de frais ;
- Les participations au financement des garanties de la protection sociale complémentaire ;
- Les versements exceptionnels ou occasionnels liés aux indemnités relatives aux primo-affectations, aux mobilités et aux restructurations, ainsi que toutes autres indemnités de même nature ;
- Les indemnités versées au titre d’une activité accessoire ainsi que les autres indemnités non directement liées à l’emploi ;
- Les versements exceptionnels ou occasionnels de primes et indemnités correspondant à un fait générateur unique ;
- Les indemnités liées à l’organisation du travail et au dépassement effectif du cycle de travail.
Par exemple, si un agent part à la retraite à compter du 1er décembre 2025 et qu’il reste 4 jours de congés annuels qu’il n’a pas pu prendre avant son départ. Il a perçu une rémunération mensuelle brute de 2 000 euros en novembre 2025.
Calcul de l’indemnisation d’un jour de congé : 2 000 x 12 /250 = 96 € par congé annuel non pris.
Calcul du montant pour 4 jours de CA non pris : 4 x 96 € = 384€
Le montant de l’indemnité compensatrice s’élève donc à 384 €.
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Les jours du compte épargne temps restent-ils indemnisables ?
Le droit à indemnisation est limité au minimum garanti de quatre semaines par an. En conséquence, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considère que des dispositions nationales qui accordent des droits à « congés payés supplémentaires » s’ajoutant au droit minimal de quatre semaines, sans prévoir le paiement d’une indemnité financière lorsque l’agent en fin de relation de travail n’a pas pu les prendre pour cause de maladie, ne sont pas incompatibles avec le droit européen (16). Tel est le cas des dispositions relatives au compte épargne temps dans la fonction publique jugées conformes au droit européen par le juge administratif, alors même qu’elles ne prévoient pas le paiement systématique d’une indemnité financière en cas de congés non pris (17).
Quelle indemnisation des agents contractuels ?
Avant l’entrée en vigueur du décret n° 2025-564 du 21 juin 2025, précité, soit le 23 juin 2025, la réglementation applicable aux agents contractuels des trois versants de la fonction publique, prévoyait le versement d’une indemnité compensatrice à l’agent contractuel n’ayant pu bénéficier de tout ou partie de ses congés annuels. Ces dispositions ont été supprimées par le décret précité. Par conséquent, les régimes dérogatoires de report et d’indemnisation des congés non pris présentés ci-dessus leur sont applicables.
Références :
- Article 5 du décret n° 84-972 du 26 octobre 1984, relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l’Etat ; article 5 du décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985, relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux ; article 4 du décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002, relatif aux congés annuels des agents des établissements mentionnés à l’article L. 5 du code général de la fonction publique ;
- Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, publié au JO de l’Union européenne L 299 du 18 novembre 2003 ;
- Décret n° 2025-564 du 21 juin 2025, relatif aux régimes dérogatoires de report et d’indemnisation des droits à congé annuel dans la fonction publique ;
- Respectivement :article 5-2 du décret n° 84-972, précité (FPE) ; article 5-2 du décret n° 85-1250, précité (FPT) et article 4-2 du décret n° 2002-8, précité (FPH) ;
- CE, 22 juin 2022, ministre de l’Intérieur, requête n°443053 ;
- Voir note (4) ;
- CJUE, 6 novembre 2018, Stadt Wuppertal c/ Maria-Elisabeth Bauer, requête n° C-569/16 ;
- CJUE, 20 juillet 2016, Hans Maschek c/ Magistratsdirektion der Stadt Wien – Personalstelle Wiener Stadtwerke, requête n° C-341/15 ;
- Voir note (8) ;
- Voir note (1) ;
- CE, 4 avril 2025, M. B., requête n° 487840 ;
- CAA Marseille, 17 octobre 2022, M. C., requête n° 20MA01949 ;
- Arrêté du 21 juin 2025, relatif aux modalités d’assiette et de calcul de l’indemnité compensatrice pour congé annuel non pris en fin de relation de travail dans la fonction publique de l’Etat -NOR : APFF2513077A ; arrêté du 21 juin 2025, relatif aux modalités d’assiette et de calcul de l’indemnité compensatrice pour congé annuel non pris en fin de relation de travail dans la fonction publique territoriale-NOR :ATDB2513853A ; et arrêté du 21 juin 2025, relatif aux modalités d’assiette et de calcul de l’indemnité compensatrice pour congé annuel non pris en fin de relation de travail dans la fonction publique hospitalière -NOR : TSSH2515133A, tous publiés au JO du 22 juin 2025 ;
- Article 1er de chaque arrêté cité en note (13) ;
- Article 2 de chaque arrêté cité en note (13) ;
- CJUE, 3 mai 2012, Georg Neidel c/ Stadt Frankfurt Am Main, requête n° C-337/10 ;
- CE, 23 novembre 2016, Mme B., requête n° 395913.


