Partager la publication "La gestion des effectifs et de la masse salariale dans un contexte de restructuration des services publics"

1. Les composantes de la masse salariale publique
La masse salariale se caractérise par la complexité des spécificités de la fonction publique et des multiples régimes existants.
Les grandes masses constitutives de la rémunération comprennent le traitement indiciaire régi par les grilles statutaires, ainsi que les primes et indemnités. Le traitement évolue avec l’avancement d’échelon et de grade, soumis au glissement vieillesse technicité (GVT), tout comme l’IFSE (Indemnité de Fonctions, de Sujétions et d’Expertise), composante principale du RIFSEEP. Selon l’OFGL, le GVT représente en moyenne 1,5 à 2 % de progression annuelle dans les collectivités de 500 à 600 agents. Les primes constituent une part croissante, passant de 18 % à 28 % de la rémunération brute sur dix ans dans certaines filières selon la DGAFP.
Les charges sociales patronales représentent entre 42 % et 48 % de la rémunération nette selon les régimes : CNRACL pour les titulaires, régime général pour les contractuels, auxquels s’ajoutent les contributions chômage (ARE) pour les contractuels. Pour un agent de catégorie B à 2 200 euros net mensuel, le coût employeur atteint 3 850 euros charges comprises.
La masse salariale est régulièrement affectée par les mesures catégorielles ou générales : augmentations du point d’indice, revalorisations de grilles, créations de primes. En 2023, la revalorisation du point d’indice de 1,5 % a représenté environ 280 000 euros pour une collectivité de 350 agents, suivie d’une revalorisation de 5 points en janvier 2024, face à une inflation de 5,2 % en 2022, 4,9 % en 2023 et 2 % en 2024 selon l’INSEE.
Les éléments de flexibilité incluent les heures supplémentaires, les vacations, les remplacements et le recours aux contractuels. Dans les CCAS de 80 à 100 agents, les heures supplémentaires représentent 5 à 8 % de la masse salariale, révélant des sous-effectifs structurels.
2. Les défis de la restructuration des services publics
Les établissements sont confrontés à des défis majeurs nécessitant des adaptations profondes.
Le premier défi est d’ordre missionnel. Les évolutions technologiques, sociétales et réglementaires déplacent le périmètre d’activités. La dématérialisation des demandes d’urbanisme réduit la charge administrative de 30 à 40 % selon l’AMF, tandis que l’accompagnement numérique génère de nouveaux besoins. Cette situation impose de redéployer les compétences.
La contrainte budgétaire s’affirme. Selon la DGCL, la DGF (Dotation Globale de Fonctionnement) des départements a diminué de 10 à 15 % entre 2014 et 2019, imposant des réductions d’effectifs de 3 à 5 %. Les établissements doivent donc optimiser leur fonctionnement.
Le vieillissement des actifs engendre des enjeux de risque et d’opportunité. Selon le Rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2023, dans les communes de 10 000 à 15 000 habitants, 40 à 45 % des agents ont plus de 50 ans, avec des projections de départs représentant 15 à 20 % des effectifs sur cinq ans.
L’attractivité du secteur public devient prégnante face à la concurrence du secteur privé. Les difficultés de recrutement sur les métiers en tension (informaticiens, ingénieurs, comptables) nécessitent de réexaminer les stratégies.
La transformation numérique impose des changements : informatisation, dématérialisation et téléservices génèrent de nouveaux besoins en compétences numériques, cybersécurité et finance publique.
3. Les leviers de pilotage de la masse salariale
Le pilotage efficace nécessite la mobilisation de multiples leviers, dans le respect du cadre statutaire.
L’encadrement des effectifs constitue le premier levier. La construction d’un schéma d’emplois équilibrant départs et recrutements s’inscrit dans la GPEEC. Les taux de remplacement des départs se situent entre 60 et 70 % dans les hôpitaux locaux selon l’ANAP, générant des économies de 300 000 à 350 000 euros pour 28 départs. L’effet de noria, consistant à recruter à des niveaux inférieurs, permet également des économies.
La gestion des durées de travail offre un second levier. L’annualisation du temps de travail dans la restauration scolaire (1 607 heures sur l’année) peut supprimer 2 000 à 2 500 heures supplémentaires, soit 50 000 à 60 000 euros d’économie.
La politique indemnitaire peut être mobilisée avec prudence. Le passage au RIFSEEP (Régime Indemnitaire tenant compte des Fonctions, des Sujétions, de l’Expertise et de l’Engagement Professionnel) permet des économies de 5 à 10 % de l’enveloppe globale. Ces mesures exigent un dialogue social approfondi.
Le contrôle de l’avancement et des promotions constitue un instrument de gestion du GVT. La modération des promotions, limitées à 3-4 % de l’effectif contre 5-6 % habituellement, génère des économies de 80 000 à 100 000 euros pour 500 agents, mais crée des tensions nécessitant un compromis.
L’ajustement de la structure catégorielle vise à moduler les ratios d’emploi. La substitution partielle de la catégorie A par la catégorie B sur certaines fonctions peut générer des économies de 150 000 à 200 000 euros annuels, à condition de préserver la qualification requise.
4. La gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC)
La GPEEC constitue un outil essentiel pour accompagner les restructurations tout en préservant les compétences critiques.
L’articulation entre cartographie des métiers, analyse des pyramides des âges et identification des métiers en tension structure cette démarche. Les cartographies réalisées dans les villes de 20 000 à 30 000 habitants identifient généralement 6 à 10 métiers en tension et 3 à 5 métiers en sureffectif potentiel.
Les plans de formation constituent le levier principal d’adaptation. Les investissements de 150 000 à 200 000 euros pour former 30 à 40 agents permettent leur redéploiement vers des fonctions prioritaires.
Les parcours de mobilité interne permettent le redéploiement vers les fonctions prioritaires. Dans les communautés d’agglomération, 20 à 25 mobilités internes sur deux ans évitent 6 à 8 recrutements externes, générant des économies de 250 000 à 300 000 euros.
La gestion des fins de carrière offre des opportunités. Les dispositifs de retraite progressive permettent la transmission des savoirs par le tutorat.
Le recrutement orienté vers les compétences stratégiques complète la démarche, permettant d’optimiser les ressources humaines.
5. Le dialogue social et l’accompagnement du changement
Les restructurations nécessitent un dialogue social approfondi et un accompagnement des agents.
La réglementation impose l’information et la consultation préalables des institutions représentatives. Le comité technique doit être associé aux projets de réorganisation et aux schémas d’emplois.
La transparence sur les contraintes budgétaires contribue à l’adhésion. Dans les SDIS (Services Départementaux d’Incendie et de Secours), la présentation détaillée des baisses de dotations facilite l’acceptation des réorganisations selon la DGSCGC.
La négociation des accords relatifs aux conditions de travail contribue à l’élaboration de compromis. Les accords sur le télétravail accompagnent les réductions de surfaces de bureaux.
L’accompagnement individuel des agents est indispensable. Les entretiens de carrière, bilans de compétences et conseils en évolution professionnelle favorisent l’élaboration de projets individuels.
La valorisation et la reconnaissance contribuent au maintien de la motivation. Les marques de reconnaissance symboliques contrebalancent les aspects négatifs.
6. Indicateurs de pilotage et outils de prévision
Un pilotage efficace repose sur des indicateurs pertinents et des outils de prévision fiables.
Les indicateurs de masse salariale incluent le coût moyen par agent, la répartition par catégories, l’évolution du GVT et la part des primes. Selon l’OFGL, dans les collectivités de 400 à 500 agents, le coût moyen atteint 45 000 à 50 000 euros par agent, avec une répartition de 10-12 % catégorie A, 28-32 % catégorie B, 56-62 % catégorie C.
Les écarts importants nécessitent des analyses. Un écart au premier trimestre (T1) de plus de 1 point révèle souvent des dérives nécessitant des mesures correctives. Les indicateurs d’effectifs mesurent les ETPT (Équivalents Temps Plein Travaillés), la répartition par métiers, les taux de rotation et l’absentéisme.
Les ratios de productivité comparent les effectifs aux volumes d’activité. Les benchmarks permettent des comparaisons sectorielles, nécessitant une interprétation prudente.
Les outils de prévision permettent de simuler des évolutions pluriannuelles. Les simulateurs de masse salariale intègrent les hypothèses de GVT, de mesures catégorielles et de schémas d’emploi.
Les tableaux de bord prospectifs présentent une vision synthétique combinant indicateurs financiers, RH, de qualité et de satisfaction.
Votre formation sur ce thème
PILOTAGE DES EFFECTIFS ET DE LA MASSE SALARIALE – ETAT ET COLLECTIVITES – PERFECTIONNEMENT
2 jours – En présentiel ou à distance
- Analyser les effets de la structure des effectifs sur la masse salariale (effet noria, GVT…).
- Élaborer des indicateurs avancés pour le pilotage RH.
- Exploiter les données pour alimenter des stratégies de GPEEC et préparer les arbitrages budgétaires.
- Optimiser ses tableaux de bord de pilotage budgétaire de la masse salariale.
Conclusion
La gestion des effectifs et de la masse salariale dans un contexte de restructuration constitue un exercice complexe nécessitant de concilier impératifs financiers, qualité du service, respect des agents et attractivité.
Cette gestion nécessite une compréhension fine des mécanismes, une capacité à mobiliser les leviers disponibles et une vision prospective. Elle requiert un dialogue social approfondi et un accompagnement des agents.
Les outils de pilotage, les indicateurs pertinents et les dispositifs de GPEEC structurent cette gestion. Au-delà des instruments techniques, la qualité du management, la transparence des décisions et l’équité conditionnent la réussite.
Les restructurations réussies associent maîtrise budgétaire et investissement dans les compétences, réduction des effectifs et amélioration de la qualité de vie au travail. Cette conciliation constitue le défi majeur des gestionnaires publics contemporains.



