Le document unique d’évaluation des risques (D.U.E.R.) dans la fonction publique

Issue de la loi de transposition de la directive du 17 juin 1989 (Article 5 de la loi n°91-1414 du 31 déc. 1991), l’obligation d’évaluer les risques professionnels est l’un des 9 principes de prévention imposés à tout employeur qu’il soit privé ou public. La circulaire du 18 avril 2002 faisant application de la loi du 31 décembre 1991 et du décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001, inscrit le document unique dans une démarche générale de prévention des risques professionnels.

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Document Unique Evaluation
Le document unique d’évaluation doit lister tous les risques potentiels afin de protéger les agents publics.

L’évaluation des risques professionnels est obligatoire dès la présence d’un salarié ou d’un agent public dans une unité de travail. Elle nécessite la connaissance de tous les dangers liés aux postes de travail et/ou à l’organisation du travail. Le danger peut se définir comme une propriété intrinsèque d’une situation de travail, d’un produit, d’un équipement susceptible de produire un dommage sur la santé. Concrètement, le défaut d’isolation d’un équipement entraine un risque d’électrocution pour le travailleur.

Le risque peut se matérialiser par la survenance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle. Pour prévenir les risques et protéger les agents publics, l’employeur doit donc lister les risques professionnels et les retranscrire dans un document unique (DUERP).

En droit de la fonction publique, le plan de santé 2020 incite tous les acteurs de la santé à collaborer dans la prévention des risques et à promouvoir la santé au travail.

En pratique, l’évaluation des risques se réalise en plusieurs étapes. D’abord l’employeur public doit repérer les risques, ensuite il faut déterminer l’exposition des agents publics. Afin de prévenir efficacement les risques, l’employeur doit également évaluer leur degré de gravité ainsi que leur fréquence. Ce diagnostic permettra d’établir un plan d’actions prioritaires en fonction des unités de travail.

Étape 1 : repérer les risques

Il faut d’abord commencer par constituer une équipe de prévention chargée du pilotage du projet. Les membres de cette équipe sont généralement le responsable de prévention, les assistants de prévention, les intervenants en préventions en risques professionnels, les ergonomes et les psychologues du travail.

L’évaluation comporte un « inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail » (C, trav, art. R.4121-1). L’unité de travail n’étant pas définie, elle doit être comprise « au sens large, afin de recouvrir les situations très diverses d’organisation du travail. Selon la circulaire DRT du 18 avril 2002, son champ géographique peut s’étendre d’un poste de travail à plusieurs types de postes occupés par les travailleurs, ou à des situations de travail présentant les mêmes caractéristiques ». L’unité de travail doit bien donc couvrir des lieux différents mais elle doit regrouper des ensembles homogènes de situations d’exposition à des dangers.

Il revient au responsable de prévention de déterminer les unités de travail. Ce découpage des unités de travail doit se faire de manière cohérente afin d’étudier les degrés d’exposition des agents publics aux mêmes risques professionnels.  A titre d’exemple, au sein d’un hôpital, les unités de travail peuvent se décomposer en unités fonctionnelles : le service de la petite enfance ; l’hématologie, la cardiologie, la radiologie, les urgences…

En outre, les risques peuvent également être associés à une activité : risque lié aux ambiances lumineuses ou thermiques, risque lié au bruit, risque lié à la manutention et aux gestes et postures, risque de chutes, à la charge mentale et aux agressions, risques liés à l’intervention d’une entreprise extérieure et risque lié à l’utilisation de produits chimiques (CARSAT).

Étape 2 : déterminer l’exposition et hiérarchiser les risques

L’équipe de prévention doit recenser les différentes tâches au sein de chaque unité de travail ainsi que les équipements de travail. D’abord, il faut comparer les activités prescrites à la réalité pratique. Ce travail de recensement doit être fait en présence des salariés en situation de travail réel.

Une fois les situations à risque repérées, il faut évaluer le nombre de salariés concernés et analyser l’origine de ces contraintes : organisation, durée du travail, temps de récupération, cadence de travail, outil ou matériel utilisé ou manquant, complexité de la tâche.

Dans chaque unité de travail, il existe une diversité des risques. L’INRS classe les risques en différentes catégories. Les risques liés à l’activité physique ; les TMS, les risques psychosociaux : les risques biologiques ; les risques chimiques, CMR…

Lors de l’étude de l’exposition aux risques, il faut déterminer si les facteurs de risque(s) sont biomécaniques (répétitivité des mouvements, efforts excessifs, port de charges lourdes, maintien prolongé d’une posture statique, exposition au froid, chaleur) ; organisationnels (pénurie du personnel, stress, surcharge de travail, travail monotone : répétition des tâches, manque de reconnaissance de la hiérarchie, défaut de communication avec les collègues, conflits de valeur). Cette analyse des risques peut s’appuyer sur différentes méthodes (arbre des causes, méthodes des 5 M, QQOCP ; la pyramide de BIRD ; la méthode OREGE pour les TMS ; questionnaire Karasek pour les RPS, échelle d’anxiété de Covi, la mesure du stress de Williamson).

Ensuite, un entretien avec les membres de l’équipe permet d’affirmer ou d’infirmer les hypothèses ; comparer aux données sociales de l’organisation (BHSCT, fiches d’infirmière antonymes, bilan social, taux AT, difficulté de recrutement, turnover). Ce travail pluridisciplinaire permettra de décrire la situation du travail, d’analyser les situations de travail ; de formuler une ou plusieurs hypothèses puis de la valider afin de proposer des mesures d’amélioration de la situation de travail.

Ensuite, il faut construire une échelle de cotation afin d’hiérarchiser les risques et mettre en place des actions prioritaires. Chaque équipe de prévention peut établir une échelle de cotation en utilisant des instruments de mesure propres (matrice de criticité).

Le CNRAL recommande par exemple de calculer l’indice de criticité en calculant le risque brut.

IR = Fréquence d’exposition multipliée par la gravité.

La fréquence :

Fréquence

L’exposition se calcule en jour / année

F1

1 à 7 jours (-25% sur l’année)

F2

8 à 30 jours (+25% sur l’année)

F3

31 à 120 jours (+50% sur l’année)

F4

+120 jours (+75% sur l’année)

Document sans nom

La gravité :

Gravité

Conséquence en cas de survenance d’un accident

G1

Accidents bénins (inconfort) ; dommages mineurs

G2

Graves accidents avec séquelles ; dommages avec conséquences réversibles (entorses réversibles)

G3

Accidents avec séquelles irréversibles ; dommages avec conséquences irréversibles

G4

Accidents avec dommages très graves (décès, invalidité permanente)

Document sans nom

Matrice de l’indice de criticité (risque brut) :

Indice de risque brut

  • 1 à 3 : risques mineurs.
  • 4 à 6 : risques secondaires
  • 8 à 9 : risques importants
  • 12 à 16 : risques très importants

G * F

F1

F2

F3

F4

G1

1

2

3

4

G2

2

4

6

8

G3

3

6

9

12

G4

4

8

12

16

Document sans nom

Exemple :

Unité de travail
Activité
Tâche
Description du risque
Évaluation du risque (F*G=RG)
F
G
R

Service de radiologie

Scanner

Manipulation de la machine

Exposition aux radiations

4

4

16

Service aux urgences

Enregistrement(s) des patients

Accueil du public

RPS

4

3

12

Les échelles choisies doivent s’adapter à l’unité de travail. L’indice brut pourra faire l’objet d’une pondération pour les risques dont la fréquence d’exposition est faible mais la gravité élevée. A titre d’exemple, les cas de suicide ont un indice brut de 4 (risques secondaires) car ils sont rares (F1) néanmoins le dommage est très grave (G4). Si un cas de suicide lié au travail était décelé, il est important de pondérer ce risque car il entraine des dommages irréversibles. Le cas de suicide devrait par exemple être calculé de la manière suivante : F1*G4(3) : 12 (risque important). Cette classification n’est qu’un exemple parmi d’autres. Chaque équipe de prévention doit mettre en place ses méthodes de détermination des risques ainsi qu’une échelle de cotation adaptée à ses unités de travail. Une fois l’indice brut de risque calculé, l’équipe doit mettre en place des actions préventives.

Exemple :

Unité de travail
Activité
Tâche
Description du risque
Évaluation du risque (F*G=RG)
Actions préventives
F
G
R

Service de radiologie

Scanner

Manipulation de la machine

Exposition aux radiations

4

4

16

Matériels de protection
Choix et entretien des équipements

Service aux urgences

Enregistrement(s) des patients

Accueil du public

RPS

4

3

12

Logiciel de gestion de flux
Recrutement d’un agent de sécurité, etc.

Étape 3 : rédiger le document unique et le mettre à jour

Les résultats de l’évaluation des risques doivent être retranscrits sur un document unique d’évaluation des risques professionnels. Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail. Les mesures de prévention doivent permettre d’éviter les risques, de les combattre à la source, d’adapter le travail à l’homme en particulier lors de la conception des postes de travail, du choix des équipements, des méthodes de travail et de production, remplacer ce qui est dangereux par ce qui ne l’est pas ou moins. (Art. L. 4121-2 du Code du travail).

Ainsi, les risques professionnels identifiés doivent être éradiqués par des mesures de prévention et de protection des salariés. S’agissant des risques psychosociaux, l’employeur doit mettre en place une organisation de travail et des moyens adaptés.

Le document unique doit être mis à jour « au moins » chaque année. En outre, le document unique doit être mis à jour lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

Au-delà de l’enjeu humain, la prévention des risques professionnels permet de réduire les coûts de l’absentéisme et du taux de rotation du personnel. En outre, la rédaction du DUERP peut avoir une influence dans le contentieux de la responsabilité. En effet, l’analyse du DUERP permet de révéler les carences de l’employeur en matière d’évaluation des risques. Enfin, la mise en cause de l’employeur est possible en raison de l’absence de DUERP.

Références

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