Titres-restaurant et dispense de préavis : un avantage à maintenir, mais à quel coût social ?

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Question :

Jérôme, DRH dans une SSII nous interroge sur la situation suivante. Il a licencié un salarié et l’a dispensé de faire son préavis. Il ne lui a pas maintenu le versement de ses titres restaurant et le salarié lui réclame. Le salarié peut-il prétendre dans cette situation au maintien des titres restaurant ? Si oui, quel serait le régime social de ces derniers dans cette hypothèse ?
 

Réponse :

En application de l’article L. 1234-5 du Code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, il a droit à une indemnité compensatrice. Cette dispense « n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.« 

La jurisprudence a progressivement précisé l’étendue de cette protection. Deux décisions importantes apportent une réponse claire à cette question :

  • Arrêt de la Cour de cassation, Chambre sociale, 18 décembre 2013, n°12-22.752 : la Haute juridiction a jugé que « les titres restaurant émis par l’employeur au profit du salarié constituent un avantage en nature qui entre dans sa rémunération« , laquelle doit être maintenue pendant les périodes concernées.
  • Arrêt de la Cour d’appel de Paris (RG n° 21/08675 Pôle 6 – Chambre 9, 26 juin 2024) : la cour a réaffirmé que « le ticket-restaurant, qui constitue un avantage en nature payé par l’employeur, entre dans la rémunération du salarié, laquelle ne doit subir aucune diminution en cas de dispense d’exécution du préavis par l’employeur. »

Ces décisions consacrent une qualification juridique précise des titres restaurant :

  • Il s’agit d’un avantage en nature et non d’une simple contrepartie de frais réels
  • Cet avantage entre dans la rémunération du salarié
  • Le maintien de cet avantage n’est pas subordonné à la présence effective du salarié

En temps normal, les titres restaurant bénéficient d’un régime social favorable :

  • La contribution patronale est exonérée de cotisations sociales dans la limite de 60% de la valeur nominale du titre.
  • Cette exonération est soumise à conditions, notamment le respect des plafonds légaux.
  • Cette exonération est justifiée par la finalité du titre restaurant : permettre au salarié de se restaurer pendant sa journée de travail.

Régime applicable en cas de dispense de préavis

La question du régime social des titres restaurant maintenus pendant une dispense de préavis doit être examinée au regard de la finalité de cette dispense :

  1. Qualification de l’indemnité compensatrice de préavis : elle est assimilée à un salaire en application de l’article L. 1234-5 du Code du travail.
  2. Conséquences sur les titres restaurant : les titres restaurant maintenus pendant la dispense de préavis peuvent être considérés de deux façons : a) Maintien de la nature d’avantage en nature spécifique : Dans cette conception, les titres restaurant conservent leur nature particulière et le régime d’exonération sociale demeure applicable, même en l’absence de journée de travail effective. b) Requalification en complément de salaire : une seconde approche consisterait à considérer que les titres restaurant, lorsqu’ils sont maintenus sans contrepartie de présence effective, perdent leur finalité originelle (faciliter la restauration pendant la journée de travail) et se transforment en complément de salaire intégralement soumis à cotisations sociales.

Le salarié en dispense de préavis bénéficie du maintien de ses titres restaurant, cette solution étant fermement établie par la jurisprudence qui qualifie ces titres d’avantage en nature faisant partie de la rémunération.

La question du régime social des titres restaurant maintenus pendant une dispense de préavis est plus délicate. En l’absence de position jurisprudentielle claire sur ce point précis, deux approches sont envisageables :

  1. Maintien de l’exonération sociale (approche favorable au salarié et à l’employeur)
  2. Assujettissement aux cotisations sociales par requalification en complément de salaire.

La seconde position devant être privilégiée dans la mesure où en l’absence de position claire, il convient d’appliquer les principes généraux du droit de la sécurité sociale, à savoir :

  • Les exonérations sont d’interprétation stricte.
  • L’exonération des titres restaurant est liée à leur finalité spécifique.
  • En l’absence de journée de travail effective, cette finalité peut être remise en question.

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