Les délais de prescription en droit du travail

La prescription est le laps de temps dont bénéficie un salarié pour défendre ses droits ou pour se prévaloir d’un droit. Dès lors que ce délai de prescription est dépassé, aucune action en justice, qu’elle soit civile ou pénale, ne peut aboutir. On dit ainsi que la prescription a un effet extinctif.

Les délais de prescription en droit du travail

Il ne faut pas confondre la prescription et la forclusion. En effet, si la forclusion et la prescription sont sanctionnées de la même manière soit une fin de non-recevoir, il existe des différences entre les deux notions. En effet, les délais de prescription sont susceptibles d’interruption et de suspension (articles 2233 et suivants du Code civil) alors que ce n’est pas le cas pour le délai de forclusion qui est un délai préfix (C. civ. art 2220) sauf exceptions (C. civ. art 2241 et 2244).

La question de la prescription en droit du travail est loin d’être simple. En effet, le droit du travail met en place une multitude de délais de prescription différents selon le litige concerné.

Si certains de ces délais semblent raisonnables (par exemple 5 ans en cas de litige en matière de discrimination), d’autres sont au contraire extrêmement courts (par exemple, 6 mois en cas de litige en matière de solde de tout compte).

Il peut également arriver également que les délais de prescription soient modifiés. Ainsi, la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi a considérablement réduit certains délais de prescription. De même, très récemment, les ordonnances Macron ont également modifié le délai de prescription pour contester le licenciement devant le conseil de prud’hommes.

Nous allons tenter dans ce dossier de faire le point sur les règles applicables au délai de prescription (quel est le point de départ ? La prescription peut-elle être interrompue ou suspendue ? etc.) avant d’exposer précisément les différents délais existants en droit du travail.

Quel est le point de départ du délai de prescription ?

Le point de départ du délai de prescription se situe le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (C. civ. art 2224). Ainsi, par exemple en cas de discrimination, le délai de prescription court à compter de la révélation de la discrimination (C. trav. art. L1134-5). En cas de harcèlement moral, le délai de prescription court, quant à lui, à compter du jour où le dernier fait constituant un harcèlement a été commis (C. pro.pén. art 8).

La jurisprudence apporte parfois quelques précisions sur le point de départ du délai de prescription. Ainsi, selon la Cour de cassation, pour les salaires, le délai court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Elle souligne d’ailleurs que pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires.

Et s’agissant de l’indemnité de congés payés, le point de départ du délai doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris (Cass. soc. 14 nov. 2013, n° 12-17409).

Si une demande est prescrite, le demandeur doit donc prouver qu’il ne connaissait pas, mais aussi qu’il ne pouvait pas connaître son droit.

Dans quels cas le délai de prescription est-il interrompu ou suspendu ?

Avant de détailler les cas d’interruption ou de suspension de la prescription, rappelons la distinction entre les termes « suspension et interruption ».

La suspension stoppe temporairement le délai de la prescription cours mais sans pour autant effacer le délai déjà couru (C. civ. art 2230). Au contraire, l’interruption efface le délai de prescription déjà acquis. Un nouveau délai de même durée que l’ancien redémarre (C. civ. art 2231).

Ainsi, le délai de prescription est interrompu si une demande en justice est effectuée, même en référé. Il en est de même du délai de forclusion. Cette interruption s’applique même si la demande en justice est portée devant une juridiction incompétente ou si l’acte de saisine de la juridiction est annulé en raison d’un vice de procédure (C. civ. art 2241).

Le Code du travail précise d’ailleurs que la saisine du conseil de prud’hommes, même incompétent, interrompt donc la prescription (C. trav. art. R1452-1). La Cour de cassation a également précisé dans un arrêt du 9 juillet 2015 (n°14-10.536) que la saisine du Conseil de prud’hommes interrompt la prescription à l’égard de toutes les demandes du salarié relatives au même contrat de travail mais aussi à l’égard de toutes les demandes de l’employeur.

Notons également que la prescription ne court pas ou est suspendue en cas d’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure (C. civ. art 2234).

A quel moment expire le délai de prescription ? 

La prescription se décompte par jours et non par heures (C. civ. art 2228). Elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli (C. civ. art 2229). Tout délai expire le dernier jour à 24 heures. Si ce dernier jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le délai est alors prolongé jusqu’au premier jour ouvrable suivant (C. pro. pén. art 642).

Notons également que la prescription constitue une exception de procédure. Cette exception doit donc être invoquée avant toute défense au fond (C. pro. pén. art 73 et 74). Elle ne peut être soulevée d’office par le juge (C. civ. art 2248).

Certaines règles sont par ailleurs précisées à l’article 641 du Code de procédure civile.

Le délai de prescription est exprimé en jours :

Si le délai de prescription est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.

Le délai de prescription est exprimé en mois et en jours :

Si le délai est exprimé en mois et en jours, les mois sont d’abord décomptés, puis les jours. 

Le délai de prescription est exprimé en mois ou en années :

Si le délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.

Par exemple, si le délai de prescription est de 6 mois et qu’il débute le 12 juin, il prend alors fin le 12 décembre à minuit. En revanche, si le délai de prescription est d’un mois et qu’il débute le 31 mars, il prend alors fin le 30 avril à minuit. Il n’y a pas de quantième identique, il faut donc prendre en compte le dernier jour du mois.

Quel délai de prescription appliquer en cas de modification par la loi ?

La loi 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a considérablement réduit certains délais de prescription. Cette nouvelle loi s’applique à compter du 17 juin 2013. De même, l’ordonnance n°2017-1387 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail vient modifier le délai de prescription des actions portant sur la rupture du contrat de travail. Ce nouveau délai s’applique à compter du 24 septembre 2017.

Les dispositions de ces lois nous amènent à nous interroger, d’une manière générale, sur la question de savoir à quel moment un nouveau délai, plus long ou plus court, s’applique.

Ainsi, il faut savoir que la loi qui allonge la durée d’une prescription s’applique lorsque le délai de prescription n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. On tient alors compte du délai déjà écoulé. En revanche, si la loi réduit le délai de prescription, ce nouveau délai s’applique dès l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure (C. civ. art 2222).

Quels sont les différents délais de prescription applicable au salarié pour agir en justice ?

Selon les actions pouvant être menées par le salarié, les délais de prescription varient de 5 ans pour le plus long à 6 mois pour le plus courts.

Le délai de prescription est de 5 ans :

En cas d’action relative à une discrimination :  refus d’embauche, de promotion ou licenciement en raison de la race, des croyances, etc (C. trav. art. L1134-5)

Le délai de prescription est de 3 ans :

En matière de salaire : salaire non versé, salaire versé par erreur, indemnité de préavis, indemnité de congés payés, etc. (C. trav. art. L 3245-1)

Le délai de prescription est de 2 ans :

  • En matière d’exécution du contrat de travail : requalification d’un CDD en CDI, etc.(C. trav. a L1471-1)

A noter : En l’absence de précision sur les actions relatives à un harcèlements moral et sexuel, il est conseillé d’appliquer ce délai de prescription de deux ans.

  • En matière de reconnaissance d’un accident de travail et de la faute inexcusable (C. séc. soc. a L431-2)

Le délai de prescription est de 12 mois :

  • Concernant les actions sur la rupture du contrat de travail : demandes indemnitaires en lien avec la rupture comme l’indemnité de licenciement, les dommages-intérêts pour licenciement abusif, etc. (C. trav. a L1471-1)
  • Concernant la contestation de la validité d’un licenciement économique (C. trav. a L1235-7)
  • En matière de remise des documents de fin de contrat : remise du certificat de travail, de l’attestation Pôle emploi, reçu de solde de tout compte (C. trav. a L1471-1)
  • En matière de contestation d’une rupture conventionnelle homologuée (C. trav. a L1237-14 et L1237-19-10)
  • En matière de contrat de sécurisation professionnelle : contestation de la rupture d’un contrat résultant de l’adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle (C. trav. a L 1233-67)

Le délai de prescription est de 6 mois :

En matière de solde de tout compte : inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail (C. trav. art. L 1234-20)

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Quels sont les différents délais de prescription applicable à l’employeur pour agir en justice ?

L’employeur dispose d’un délai de prescription de 2 mois pour engager des poursuites disciplinaires, c’est-à-dire convoquer le salarié à un entretien préalable ou lui adresser un avertissement (C. trav. art. L1332-4). Toutefois, une faute de plus de 2 mois pourra être sanctionnée si, dans l’intervalle, l’employeur a engagé des poursuites pénales à l’encontre du salarié. Une sanction disciplinaire prononcée après ce délai de 2 mois est considérée comme nulle. L’employeur dispose ensuite d’un délai d’un mois, après l’entretien préalable, pour notifier la sanction à son salarié (C. trav. art. L1332-2 al 4).

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8 réponses pour Les délais de prescription en droit du travail

  1. Bonjour
    Merci pour la qualité de cet article très synthétique , avec des conseils très « pratiques ».
    Dans la mesure ou mon adresse mail et mon nom restent confidentiels/non transmis ni divulgués à quiconque, comme vous le précisez , je me permets de faire ce commentaire.

    Juste une observation, la notion de période transitoire en matière de prescription devrait à mon sens être un peu plus explicitée ( car loi de 2013 , puis Ordonnance MACRON) car je suis en poste depuis 2006, en tant que cadre.

    Vous indiquez : « En revanche, si la loi réduit le délai de prescription, ce nouveau délai s’applique dès l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure (C. civ. art 2222) ».

    Sur cette base , peut on comprendre par exemple (cas personnel) ce qui suit:

    Salarié depuis 2006 , le délai de prescription des « salaires » était de 5 ans jusqu’en 2013. Par la loi du 17 juin 2013, ce délai est passé à 3 ans . Je comprends donc que l’ancien délai de prescription étant en cours ( 5 ans ) au moment de la promulgation de la loi, le délai maximum pour présenter une demande de rappel de salaire est de 5 ans à compter de juin 2013 . La loi MACRON prévoyant le même mécanisme transitoire, jusqu’en juin 2018 j’avais la possibilité de demander le rappel de salaire sur 5 ans . Aujourd’hui , je suis forclos ?
    J’ai transmis une demande de révision de mon salaire en juillet 2016 avec une réponse de mon employeur un mois après. Le délai de 5 ans ou de 3 ans s’applique t’il ? Sachant que je suis en « affection de longue durée » depuis mai 2017 et n’ai pas du tout pensé à une quelconque prescription….mais maintenant la question se pose .

    Merci de votre avis.

    Cordialement

    1. Bonjour,
      Je suis dans le même cas Arrêt maladie en 2012 du fait d’un accident de travail que je n’ai pu faire reconnaitre qu’en 2019 devant le TASS. Donc parcours très très difficile psychologiquement. Ppendant cet arrêt depuis 2012 j’ai eu un accident de voiture avec mon mari grave. Deuxième difficulté, impossible de conduire voire même de bouger pendant des mois souffrant horriblement. Puis 3 interventions chirurgicales doublant mes souffrances et mon incapacité à faire face à tous les soucis qui s’en écoulent, d’autant plus que mari dans le même cas physique dû à l’accident. C’était au jour le jour. ème difficulté mon employeur qui continue à m’ennuyer par écrit pendant mon arrêt. Puis à supporter le passage en invalidité … et j’en passe … ALD également auparavant, avec multiples erreurs de mon toubib sur doc. d’où un stress généré par tous ces soucis administratifs. De ce fait je n’ai pas eu la force de faire valoir mes droits dans les délais de 3 ans pour erreurs salaires, voir 2 ans pour faute inexcusable de l’employeur. De ce fait si je dépose mon dossier devant le conseil des prud’hommes puis je :
      revenir jusqu’en 2012 pour les rappels de salaire ? ou au mieux combien svp ? pour faute inexcusable de l’employeur de 2016 puis je déposer une demande en septembre 2020 devant les prud’hommes ? J’ai trouvé plusieurs textes contracdictoires sur internet, il y en a fermes c’est 3 ans pas +, d’autres comme tu l’expliques si bien tu peux remonter à l’origine du problème :  » la loi applicable en matière de prescription est celle qui était en vigueur au moment de la naissance de la créance du salarié, sans pouvoir excéder une durée totale de 5 ans. » Ce n’est pas très clair pour moi désolée. Peut on m’apporter des détails svp ? Merci d’avoir posé la question, as tu eu une réponse svp ?

    2. J’apporte un complément à ma question : peut on avancer un cas de force majeure pour allonger les délais de prescription svp en matière de prud’hommes, si on a eu un accident grave par exemple, si on a souffert de multiples pathologies, voir un état psychologique dégradé du fait d’attaques multiples de son employeur par courriers recommandés pendant arrêt. Lequel garde pour son compte une partie des ijss puis du complément de pension d’invalidité. Difficulté à la base pour faire reconnaitre un accident du travail (près de 3 ans, une vraie galère !) et j’en oublie … Il est aisé de comprendre que cela n’aide pas à avoir la force d’aller se battre devant les prud’hommes !

  2. Bonjour
    Je vous remercie pour vos éclaircissements pour nous aider de régler les situations professionnelles.
    Merci
    À bientôt.

  3. Bonjour,

    Si un salarié signe un CDD puis, au terme de ce CDD un CDI alors, au terme de son CDI (rupture conventionnelle par exemple), est-ce que le salarié peut, même plus de 2 ans après la fin de son CDD, saisir le CPH pour une demande de requalification du CDD en CDI au motif que le CDD ne comportait pas la définition précise de son motif ? Et, peut-on alors dire que aucune prescription n’existe si le salarié a pu exécuter les contrats de travail successivement (CDD puis CDI) ?

    Bien à vous.

  4. Bonjour,
    une question svp
    la contestation du licenciement est frappé de prescription peut on faire droit a la demande de préavis;
    Merci pour votre réponse.

  5. j’ai fait l’objet d’un mise à pied le 28 novembre 2007 en attendant l’autorisation de l’inspection du travail pour on licenciement.finalement je n’ai rien recu comme lettre de licenciement jusqu’à ma date de départ à la retraite.est ce qu’il y a prescription en la matiere pour mes salaires!

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