Les français face à la retraite : opinion et perception du système de retraite

La France vit au rythme des sondages depuis de nombreuses années déjà. Ces enquêtes statistiques visent à donner une indication quantitative, à une date déterminée, des opinions, souhaits, attitudes ou comportements d’une population par l’interrogation d’un échantillon.

Cet article a été publié il y a 2 ans, 10 mois.
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Les français face à la retraite : opinion et perception du système de retraite

Rien qu’en 2020, ce sont plus de 7 millions de sondages envoyés, pour environ 68 millions de questions posées et 788 millions de réponses collectées… Il s’agit pourtant d’un outil très critiqué, notamment car on ne peut assimiler l’opinion publique à la somme des opinions individuelles, que la marge d’erreur est non négligeable, et qu’on peut légitimement contester le caractère spontané des réponses (le sondé répond à une sollicitation du sondeur, donc potentiellement orientée). Néanmoins, c’est un moyen de prendre la « température » auprès des citoyens sur un certain nombre de sujets, en cela les sondages et enquêtes constituent un instrument essentiel à la conduite des politiques publiques.

La question des retraites n’échappe pas à la règle.

La relation entre les français et leur système de retraite a toujours été chaotique depuis sa création sous la forme qu’on lui connaît actuellement (obligatoire et par répartition) en 1945.

Aujourd’hui, ils se déclarent à la fois soucieux d’améliorer et préserver leurs droits personnels, soucieux de maintenir un niveau élevé de solidarité intra et intergénérationnel au sein du système mais également soucieux d’assurer sa pérennité financière.

Ces différentes positions, contradictoires (au moins en apparence), démontrent à quel point notre société est divisée sur le sujet.

1. La retraite, un sujet complexe et particulièrement clivant

La complexité (très) importante des règles n’arrange rien : des dizaines de caisses de retraite différentes, et presque autant de modes de calcul, qui se traduisent par une méfiance et une hostilité quasi-systématique à tout projet de réforme, qu’il soit paramétrique en utilisant un ou plusieurs leviers d’ajustement – âge de départ, niveau des cotisations ou niveau des pensions – ou systémique, avec la création d’un système de retraite universel par points par exemple….

Ainsi, lorsqu’en 1995 le « plan Juppé » sur les retraites propose de généraliser aux fonctionnaires et aux entreprises publiques (RATP, SNCF et EDF) les mesures imposées aux salariés du secteur privé par la « réforme Balladur » de 1993, soit un allongement de la durée de cotisation de 37,5 à 40 annuités, l’unique sondage publié alors dans Le Figaro1montrait une opinion coupée en deux : 51 % des Français invitaient le gouvernement à aller au bout de la réforme, 40% à donner satisfaction aux grévistes de la SNCF et de la RATP. Rebelote en 2003 avec la réforme qui a finalement aligné les conditions de départ public/privé, et celle de 2010, qui entérine le passage progressif de l’âge légal de 60 à 62 ans et le recul progressif de l’âge du taux plein de 65 ans à 67 ans…

10 ans après, alors que la France est durement touchée par la crise « Covid » et que les déficits sociaux s’accumulent, il apparaît inévitable de prendre des mesures pour retrouver une trajectoire d’équilibre.

Mais quelles mesures ? Que veulent vraiment les français ? Que pensent-ils du système de retraite ?  Que sont-ils prêts à accepter pour maintenir un haut niveau de couverture ? Doit-on privilégier des mesures « d’économie » en jouant sur les recettes et/ou les dépenses ? Doit-on, au contraire, en profiter pour repenser totalement le système ?

Une enquête récente (avril 2021) de la Caisse des dépôts intitulée : les attentes et la perception de la retraite en France en 2020, tente de répondre à ces questions.

2. En 2020, les français estiment avoir une bonne connaissance du système en général…

Tout d’abord, les personnes sondées2 ont été interrogées sur leur compréhension du système de retraite. 57% d’entre elles considèrent avoir une bonne connaissance du système français, un pourcentage qui progresse assez logiquement avec l’âge et le niveau de revenus. Globalement, la situation n’a pas changé depuis 2012, date de la précédente enquête, sauf chez les moins de 35 ans (-10 points). Comment l’expliquer ? éventuellement par un relatif désintérêt des jeunes pour un sujet très éloigné de leurs inquiétudes immédiates (géopolitique, économique, écologique ou sociale par exemple).

53% estiment par ailleurs avoir une bonne connaissance de leurs droits personnels (60% connaissent le nombre de trimestres qu’elles ont validé, 54% leur âge d’ouverture des droits ou encore 42% le niveau de durée d’assurance qui leur permettra d’éviter l’application d’une décote), un chiffre qui a nettement augmenté par rapport à 2012 (37%) mais qui doit être relativisé : en effet, seulement 24% des personnes interrogées savent que la retraite des salariés du privé comprend à la fois des droits acquis en annuités et des droits acquis en points….

Ce résultat néanmoins positif peut être attribué à « la pédagogie et l’apport d’informations sur le système de retraite ». En effet, la réforme de 2003 a permis la mise en place d’un droit à l’information visant à apporter une information globale et régulière à chaque assuré sur ses droits à retraite (un document d’information générale sur la retraite en début de carrière, puis un relevé de situation individuelle et une estimation indicative globale selon une périodicité déterminé et à partir d’un âge donné). La récente actualité (projet de retraite universelle) a par ailleurs probablement conduit les assurés à s’intéresser à leurs droits.


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3. … tout en se déclarant très inquiets pour son avenir

L’enquête essaie ensuite de déterminer le niveau de confiance des français vis-à-vis de la solidité financière du système. Sans surprise, l’inquiétude a augmenté entre 2012 (74%) et 2020 (78%). Le niveau est logiquement plus élevé (84%) pour les personnes proches du départ à la retraite que pour les plus jeunes (74%) et les retraités (71%). Une grande majorité se montre attachée au système obligatoire par répartition (63%), un chiffre stable mais qui varie selon l’âge (les plus âgés y semblent plus attachés) et la catégorie professionnelle (les salariés et fonctionnaires davantage que les indépendants).

Dans la perspective d’une réforme, plusieurs données doivent être prises en considération :

  • 39% des répondants sont favorables à un système où chacun préparerait sa retraite individuellement (alors que 56% s’y opposent).
  • 43% préfèreraient le maintien du système actuel avec des ajustements paramétriques, 26% un régime mixte associant répartition et capitalisation (26%) et enfin 24% un système unique par points.
  • 14% des répondants choisiraient de ne payer aucune cotisation sociale (ou un montant très faible) pour ne toucher qu’une pension minimale. A contrario 80% disent préférer payer leurs cotisations et percevoir la retraite correspondante.

Globalement donc, les sondés sont plutôt favorables au maintien des règles actuelles, mais ils le jugent tout de même complexe (57%), injuste (37%) et insuffisant (37%). A titre de comparaison seuls 12% le trouvent équitable, 11% efficace et 4% généreux…

Que pensent alors les français du projet de système universel proposé par le Gouvernement ? Ici les réponses sont très partagées : 38% le jugent « nécessaire » mais dans le même temps 30% l’estiment « injuste ».

Et si des mesures paramétriques devaient être prises ? une solide majorité souhaite plutôt un allongement de la durée d’activité (via la durée de cotisation pour près de 6 personnes sur 10, tandis que 38% plébiscitent le recul de l’âge légal de départ). 32% évoquent plutôt une mesure touchant les actifs (augmentation des cotisations). Paradoxalement, alors même que ce sont ceux qui souffrent le moins de la crise (en tout cas financièrement), les mesures les moins populaires sont celles qui touchent les retraités : seulement 5% choisiraient la baisse des pensions. Là encore, des chiffres stables par rapport à 2012 mais si on remonte en arrière, on voit que les choix ont beaucoup évolué :

  • Ainsi, par exemple, dans un sondage IPSOS de 1988, lorsqu’on demande aux français quelle solution serait la meilleure pour maintenir le niveau des retraites, ils sont 26% à privilégier la hausse des cotisations, 24% le recul de l’âge et 25% une « légère » baisse des pensions.
  • Dans un autre sondage IPSOS de 1999, il était demandé à quelles mesures les sondés étaient favorables ou opposés afin de garantir la sauvegarde des retraites. Résultat 30% étaient favorables à un recul de l’âge de départ (69% y étaient opposés), 16% se déclaraient favorables à une hausse des cotisations (82% opposés) et 15% à une baisse des pensions (83% opposés).
  • Enfin, un sondage IFOP de 2007 posait ainsi la question : laquelle de ces mesures vous paraît prioritaire pour préserver les retraites ? 49% étaient favorables à une réforme des régimes spéciaux de retraite, 32% privilégiaient le développement de l’épargne par capitalisation et « seulement » 16% une augmentation de la durée d’années de cotisation.

Alors donc, que retenir de toutes ces données ? Les français semblent toujours très attachés à leur système de retraite. S’ils sont de plus en plus inquiets sur sa pérennité financière, et qu’ils continuent de le trouver assez complexe, ils ne sont qu’une minorité à souhaiter une réforme structurelle, et privilégient des mesures paramétriques, avec en premier lieu un allongement de la durée d’activité.

Cela devrait conforter le Gouvernement dans ses nouveaux projets. En effet, dans le cadre du plan de relance européen, chaque état membre – dont la France – a présenté son Plan national pour la reprise et la résilience qui définit « un ensemble cohérent de réformes et de projets d’investissements publics » devant être mis en œuvre d’ici à 2026. La réforme systémique, si elle n’est pas abandonnée3, n’apparaît plus de manière datée ni précisée dans son périmètre et dans sa nature. A court terme, il ne faut cependant pas exclure des mesures paramétriques, peut-être dès cette année via le projet loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ? Avec un allongement de la durée de cotisation ? Réponse à l’automne.


Références

  1. https://www.lefigaro.fr/politique/reforme-des-retraites-que-disait-l-opinion-en-1995-2003-et-2010-20191203
  2. La vague 2020 a été réalisée par voie postale entre le 19 mars et le 8 juin 2020 auprès de 3183 personnes âgées de 18 ans et plus
  3. Confirmation par Bruno Le Maire et Olivier Dussopt le 27 avril devant les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

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