Obligation de loyauté, concurrence déloyale, clause de non-concurrence : apprenez à distinguer ces notions !

Certaines clauses peuvent être prévues au contrat de travail, afin de garantir la qualité de la relation entre employeur et salarié : clause de non-concurrence, clause contre la concurrence déloyale… L'obligation de loyauté envers son employeur découle quant à elle de l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi.

Très souvent, ces trois notions sont confondues. À tort. Car, elles correspondent à des situations différentes. Un état des lieux s’impose.

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Obligation de loyauté, concurrence déloyale, clause de non-concurrence : apprenez à distinguer ces notions !
Votre contrat de travail peut inclure des clauses spécifiques, comme une clause de non-concurrence ou une clause contre la concurrence déloyale.

L’obligation de loyauté

C’est une clause inhérente au contrat de travail durant son exécution.

La Cour de cassation vient récemment de le rappeler : le manquement grave à son obligation de loyauté d’un salarié ayant tenté de nuire aux intérêts de la société constitue une faute lourde justifiant l’interruption de son préavis de démission et sa condamnation à verser des dommages-intérêts à l’employeur (Cass soc. 30-6-2021 n°19-19061).

En cas de dispense d’un préavis, la Cour suprême a, toutefois, décidé que le salarié pouvait entrer au service d’une autre entreprise, fût-elle concurrente (Cass soc. 27 novembre 1991, pourvoi n° 88-43917).

La concurrence déloyale

C’est-à-dire le dénigrement de l’ancien employeur, le détournement de clientèle ou le débauchage de salariés de l’ancien employeur.

Elle est sanctionnée indépendamment de toute clause dans le contrat de travail (V. Cass soc. 3 novembre 2010, pourvoi n°09-42572 suivant lequel « la nullité de la clause de non concurrence ne fait pas obstacle à l’action en responsabilité engagée par l’employeur contre son ancien salarié en raison d’actes de concurrence déloyale de ce dernier lui portant préjudice ».

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La clause de non-concurrence au terme du contrat de travail.

Cette clause a pour objet de limiter la possibilité, pour le salarié, de se faire embaucher par un nouvel employeur concurrent du précédent ou encore de s’installer à son compte dans le cadre d’une activité concurrentielle

Attention ! L’engagement du salarié, après la rupture du contrat de travail, à ne déposer aucun brevet pour des créations inventées pendant l’exécution de son contrat ainsi que son engagement à ne publier aucun article scientifique et à ne diffuser aucune information commerciale ni aucun renseignement technique, relatifs à la société X ne sont pas assimilables à une clause de non concurrence et n’ouvrent pas droit au paiement d’une contrepartie financière (Cass soc. 3 mai 2018, pourvoi n°16-25067).

En revanche, la clause contractuelle qui interdit au salarié de démarcher, ou faire démarcher, pendant 24 mois après la rupture, tout client de l’employeur, les contacts qu’il aurait eus avec un prospect ou tout dossier présenté par un intermédiaire, doit être qualifiée de clause de non-concurrence (Paris 10 janvier 2018 RG n°15/11342).

De même en est-il de la clause dite de « protection de la clientèle » du contrat de travail, dès lors que celle-ci aboutit à interdire à une salariée l’accès aux entreprises œuvrant dans le secteur de la comptabilité et à lui interdire l’exercice d’une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle de comptable (Cass soc. 3 juillet 2013, pourvoi n°12-19465).

Il en serait de même d’une clause de respect de clientèle. Pour la cour de cassation, dès lors qu’une clause de « respect de clientèle » contient une interdiction, y compris dans le cas où des clients de l’employeur envisageraient spontanément, en dehors de toute sollicitation ou démarchage, de contracter sous quelque forme que ce soit avec l’ancien salarié, cette clause s’analyse en une clause de non-concurrence, illicite car dépourvue de contrepartie financière (Cass soc. 15 février 2012, pourvoi n° 10-21328).

Dans un arrêt du 18 septembre 2002 (pourvoi n° 99-46136), la chambre sociale de la cour de cassation a résumé les conditions de validité de la clause de non concurrence : « une clause de non concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ».

Afin d’être valable, la clause doit réunir plusieurs conditions cumulatives :

  • La clause doit protéger des intérêts légitimes de l’entreprise. Cette position de principe a été prise dans une affaire où des laveurs de carreaux avaient une clause de non-concurrence de quatre ans dans le lieu d’exercice des fonctions et les départements limitrophes. La chambre sociale a jugé que ladite clause « n’était pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise » (Cass. soc. 14 mai 1992, pourvoi n°89-45300). De même, s’agissant d’une salariée travaillant dans une entreprise intérimaire, la cour de cassation a décidé que « la salariée n’était jamais en contact avec les clients employeurs de main-d’œuvre intérimaire, que ses fonctions étaient limitées ce que confirmait sa faible rémunération » En conséquence, les juges du fond avaient pu en déduire que la clause de non-concurrence n’était pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’employeur (Cass soc. 9 avril 2008, pourvoi n°07-41289). Faut il rappeler les dispositions de l’article L 1121-1 du Code du travail suivant lesquelles, « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » 

  • La clause doit laisser au salarié la faculté de travailler. On notera que la clause doit être « limitée dans le temps et dans l’espace », les deux conditions étant cumulatives (Cass soc. 31 octobre 2005, pourvoi n°04-46119). Ainsi, une clause de non-concurrence, illimitée dans le temps, est nulle. Il en serait de même pour une clause sur une longue durée (Cass. soc. 7 mai 1991, pourvoi n°87-43470, clause de 5 ans pour un ouvrier). Les juges apprécient souverainement le caractère, excessif ou non, de la clause en vérifiant essentiellement si l’existence de cette convention laisse la possibilité au salarié de travailler (« Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » préambule de la Constitution de 1946 auquel fait référence le préambule de la Constitution de 1958). Quant à la limitation dans l’espace, la Chambre sociale se montre souple pour l’application de cette restriction, dès l’instant où la clause n’empêche pas d’exercer l’activité professionnelle dans la branche d’activité qui est la sienne ou ne l’oblige pas à s’expatrier (Cass soc. 28 octobre 1997, pourvoi n° 94-43792).

    Attention !
    Le juge a la faculté de réduire une clause de non concurrence qu’il estime excessive dans sa durée (Cass soc. 7 mars 2007, pourvoi n° 05-45280).

    Enfin, la clause doit laisser au salarié la possibilité d’exercer normalement l’activité professionnelle qui lui est propre. Ainsi, serait illicite une clause aboutissant de fait à une interdiction totale de travail dans la spécialité du salarié. En revanche, est valable une clause de non-concurrence d’une durée de 5 ans vis-à-vis d’un ingénieur électronicien pour des prospections par méthode géographique. En effet, les diplômes de l’intéressé et la limitation de l’interdiction, permettaient à l’intéressé d’utiliser son savoir dans d’autres domaines (Cass. soc. 4 janvier 1962, Bull, civ, IV, n°4)


  • La clause doit être conforme avec les dispositions de la convention collective. Lorsque la convention collective fixe un cadre à la validité de la clause de non-concurrence, il convient que l’employeur s’en tienne à ces dispositions (Cass soc. 14 novembre 2007, pourvoi n°06-44284). Toutefois, leur non-respect n’implique pas nécessairement la nullité de la clause. Le juge a, en effet, la faculté de réviser la clause dans les limites de la convention collective. Ainsi, la clause de non-concurrence d’un VRP d’une durée de six ans a logiquement été ramenée à 2 ans, durée maximum prévue par la convention collective (Cass soc. 11 octobre 1990, pourvoi n° 87-41613).


  • La clause de non-concurrence se referme dans son objet. En d’autres termes, et concernant les conditions d’application de la clause, il convient de se référer à l’accord signé entre les parties. Le problème peut ainsi se poser sur les hypothèses de rupture pouvant motiver l’application de la clause. Sur ce point, la jurisprudence a tendance à se montrer très large, estimant que la clause de non-concurrence a vocation à s’appliquer, si telle est la volonté des parties, pour tous les modes de rupture, qu’il s’agisse d’un licenciement (fut-il abusif), d’une démission d’une rupture pendant la période d’essai, d’une préretraite, d’un départ ou d’une mise à la retraite. Il est certain que la clause, visant la rupture ou la cessation du contrat, concerne de fait, tous les cas de rupture du contrat de travail. Cependant, les parties peuvent également limiter le champ d’application de la clause à des hypothèses précises, telle la démission. Il importe, dans ce dernier cas, que la volonté des parties soit clairement exprimée. Dans tous les cas, suivant l’article 1188 du Code civil, « le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes ».


  • La clause doit, nécessairement, comporter une contrepartie financière en faveur du salarié. Par une série d’arrêts du 10 juillet 2002 (pourvoi n° 00-45135), la Chambre sociale a décidé qu’une clause de non-concurrence devait comporter « l’obligation, pour l’employeur, de verser au salarié une contrepartie financière ». Si la convention collective ne prévoit aucune obligation en la matière, il est clair que le contrat devra prévoir une contrepartie pécuniaire significative et en rapport avec l’atteinte à la liberté du travail du salarié. Une contrepartie moindre aurait pour effet de rendre sans valeur la clause de non-concurrence (Cass soc. 15 novembre 2006, pourvoi n° 04-46721). Si l’employeur ne versait pas cette contrepartie, le salarié aurait la possibilité de forcer l’employeur à l’exécution de la convention. Il pourrait, également, s’estimer délié de l’interdiction de concurrence (Cass soc. 3 octobre 1991, pourvoi n° 89-43375 – Cass soc. 18 janvier 2012, pourvoi n° 10-16891).

    Attention ! Cette contrepartie pécuniaire équivaut à un salaire soumis à cotisation de sécurité sociale, à CSG et CRDS. Elle sera payée soit en une seule fois lors de la cessation du contrat, soit mensuellement et donnera lieu à l’établissement d’un bulletin de paie. La somme doit être prise en compte dans le calcul de l’indemnité de congés payés (Cass soc. 2 juin 2010, pourvoi n°08-70233 – 12 janvier 2012, pourvoi n°10-30308). Dans tous les cas, une clause ne saurait minorer la contrepartie pécuniaire en cas de licenciement pour faute (Cass soc.8 avril 2010, pourvoi n°08-43056) voire d’en exclure le versement en cas de faute grave (Cass soc. 28 juin 2006, pourvoi n°05-40990 – Cass soc. 21 avril 2010, pourvoi n°08-45023), De même, une clause de non-concurrence doit être réputée non écrite en sa stipulation minorant la contrepartie en cas de démission (Cass soc. 3 juillet 2013, pourvoi n°12-13031 – V dans le même sens minoration dans le cadre d’une rupture conventionnelle : Cass Soc 18 janvier 2018, pourvoi n°15-24002 ou d’un départ à la retraite : Chambéry 27-septembre 2018 RG n° 17/02204).

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