Réforme de l’immigration professionnelle : ce qui vous attend en 2023

Employeurs, que vous ayez déjà des salariés étrangers dans vos effectifs ou que vous en soyez à votre premier recrutement, soyez attentifs, l’année 2023 s’annonce riche en changements affectant l’immigration professionnelle !

Réforme sur l’immigration professionnelle : ce qui vous attend en 2023
Taxe employeur, carte bleue européenne, dématérialisation des demandes de titres de séjour… Les actualités liées à l'immigration professionnelle s'annoncent mouvementées en 2023 !

Pour démarrer l’année, le SMIC a été augmenté une nouvelle fois, affectant comme toujours les statuts d’immigration qui lui sont conditionnés. Mais la vraie nouveauté concerne la taxe employeur, connue sous le nom de « taxe OFII », qui est passée à la charge de la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) au 1er janvier 2023. Elle devient ainsi une taxe déclarative, dont le paiement suit globalement le régime d’imposition à la TVA de l’employeur.

Le projet de loi asile-immigration, dévoilé dans sa version définitive fin décembre 2022, est également l’un des textes les plus attendus et prévu au calendrier parlementaire du premier trimestre 2023. Indépendamment de ce projet de loi, la réforme de la directive « carte bleue européenne », votée par les eurodéputés en 2021, devra être transposée en France au plus tard en novembre 2023.

Enfin, la modernisation des outils de l’immigration se poursuit à l’échelle française comme européenne. En France, le déploiement de l‘ANEF se poursuit et la dématérialisation des demandes de titres de séjour devrait s’étendre à toutes les catégories de titres courant 2023. Le portail SIPSI, dédié aux travailleurs détachés, offre également de nouvelles fonctionnalités depuis janvier 2023. Au niveau européen, le nouveau processus de contrôle des entrées/sorties (EES) et le nouveau système d’information et d’autorisation de voyage (ETIAS) devrait entrer en vigueur au sein de l’espace Schengen d’ici fin 2023.

Nous en profiterons également pour noter un allongement (x2) des délais de demande d’autorisation de travail depuis le dernier trimestre 2022 et la fin des restrictions de délivrance de visa français depuis le Maghreb (avec néanmoins de réelles difficultés de prise de RDV).

Augmentation du SMIC : les statuts impactés en immigration

Effectif depuis le 1er janvier 2023, le SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance ) a été porté à 1 709,28 euros bruts par mois pour 35 heures hebdomadaires (11,27€/h), par le décret 2022-1608 du 22 décembre 2022.

Les statuts d’immigration qui lui sont conditionnés sont les suivants :

  • « Passeport-Talent salarié qualifié » : salaire minimum requis de 2x SMIC
    • 41 023 € brut/an
  • « Passeport-Talent salarié en mission » : salaire minimum requis de 1,8x SMIC
    • 36 920 € brut/an
  • Changement de statut « étudiant » vers « salarié » sans opposabilité ou embauche sous « recherche d’emploi-création d’entreprise » : salaire minimum requis de 1,5x SMIC
    • 30 767,04 € brut/an

    La carte bleue européenne n’est pas concernée.

    Toute nouvelle demande ou renouvellement doit respecter le niveau de salaire en vigueur.

    Exceptions que nous avons pu constater dans le cadre des augmentations consécutives du SMIC ces 6 derniers mois :

    • Les demandes déposées avant une augmentation et traitée ultérieurement sont généralement considérées à la lumière du SMIC au moment du dépôt, mais cela reste à la discrétion de la Préfecture.
    • Les prolongations de CDD sous l’un de ces statuts peuvent être accepter de manière discrétionnaire sur la base du salaire initial.

    Réforme de la taxe employeur

    La loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 (article 80-IX-A) est venue amender l’article L 436-10 du CESEDA relatif à la taxe due par l’employeur lors de l’embauche d’un salarié étranger ou l’accueil d’un travailleur détaché. Plus que l’assiette de la taxe ou les conditions de sujétion, c’est l’autorité compétente et la méthode de recouvrement qui s’en trouvent modifiées.

    Autorité compétente

    Connue sous le nom de taxe « OFII », la taxe employeur était jusqu’alors une compétence de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, qui adressait la facture aux employeurs (dans des délais plus qu’incertains).

    Depuis le 1er janvier 2023 relève de la Direction générale des Finances publiques (DGFiP).

    Méthode de recouvrement

    L’employeur ne reçoit plus de facture de l’OFII (même si certaines arrivent encore pour d’anciens dossier-phase de transition oblige).

    La taxe devient déclarative :

    •  Elle est déclarée et payée annuellement à terme échu.
    • Les premières démarches à réaliser au titre des embauches en 2023 interviendront en février 2024. Une déclaration courant 2023 sera attendue exclusivement pour les entreprises en cessation d’activité.
    • Les modalités déclaratives et de paiement de cette taxe suivent le régime d’imposition à la TVA de l’employeur et s’effectuent globalement avec le paiement de la TVA et des autres taxes portées sur l’annexe à la déclaration de TVA.
    • La DGFiP mettra en lige une fiche d’aide à la déclaration sur son site

    En pratique

    • Anticiper la démarche déclarative avec vos services.
    • Conservez les justificatifs dans les dossiers de vos salariés, en compléments des titres de séjour, autorisations de travail, e-mails d’authentification de titre, car cela constitue un contrôle potentiel de plus.

    Assiette et conditions de sujétion

    Quand ?

    • Lors de la première entrée en France du ressortissant étranger (hors UE), qu’il soit salarié ou détaché.
    • Lors de sa première admission au séjour en qualité de salarié = changement de statut.

    Combien ?

    • Contrat ≥ 12 mois = 55% du salaire mensuel brut versé au salarié, dans la limite de 2,5x SMIC.
    • Contrat ≥ 3 mois et < 12 mois = 50€ à 300€ selon le salaire brut et la durée du contrat.
    • Exonérations : voir article L 436-10 du CESEDA.

    Projet de loi immigration

    Le projet de loi immigration comprend un volet « asile » et un volet « travail » qui feront partie de l’actualité de 2023.

    Calendrier

    • Décembre 2022 : débats préliminaires à l’Assemblée et au Sénat et présentation du projet de loi au Conseil-d ‘État.
    • 1er février 2023 : présentation du projet de loi en Conseil des ministres.
    • février-mars 2023 : examen du projet de loi par le Sénat (première lecture).
    • avril-mai 2023 : examen du projet de loi par l’Assemblée Nationale (première lecture).
    • décret d’application : à suivre… (automne 2023 ?).

    Nouveautés attendues en immigration professionnelle

    Les principaux changements seraient les suivants, sous réserve d’amendements :

    • Conditionnement de délivrance de la carte pluriannuelle à une certaine maitrise de la langue française (à l’exception des étrangers déjà dispensés du contrat d’intégration républicaine- article L 413-5 du CESEDA).
    • Prise en charge de l’apprentissage de la langue française par l’employeur.
      • L’employeur pourra proposer des formations linguistiques.
      • Le parcours de formation linguistique exigé au salarié par le contrat d’intégration républicaine sera considéré et payé comme du temps de travail effectif (dans une limite fixée par décret).
    • Création d’une carte de séjour « travail dans un métier en tension », sous 4 conditions :
      • Exercer une activité salariée (à l’exclusion des étudiants, saisonniers et demandeurs d’asile).
      • Exercer un métier présent dans la liste des métiers en tensions (à ce jour, fixée par l’arrêté du 1er avril 2021).
      • Justifier d’au moins 8 mois d’activité sur les 24 derniers mois.
      • Justifier d’une résidence interrompue de 3 ans en France.

    Cette disposition phare du projet de loi, vient ici légiférer une possibilité déjà existante fondée sur la circulaire Valls 2012 mais relevant de la discrétion des Préfectures, et viserait une régularisation par le travail des sans-papier « de plein droit ». Attendue par les employeurs (à condition que la liste des métiers en tension soit adaptée à leur réalité, ce qui n’est pas acquis), décriée par certains partis politiques qui y voient une régularisation de masse , elle est déjà au cœur des débats et fera sans doute l’objet de révisions.

    A noter que se posera la questions des sans-papiers ne relevant pas des métiers en tension. Pourront-ils encore bénéficier de la circulaire Valls qui n’imposait pas ce critère lors de la régulation ?

    A noter également, que cette disposition ne modifierait en rien la délivrance d’autorisations de travail sans opposabilité de l’emploi, pour des demandeurs souhaitant exercer un métier reconnu en tension dans le cadre d’une introduction salariale depuis l’étranger, ou d’un changement de statut depuis la France.

    • Réforme des « Passeports-Talents »
      • Changement d’appellation générique : on parlera désormais de carte de séjour « Talents ».
      • Regroupement des Talents « création d’entreprise », « projet économique innovant » et « investissement économique direct » sous l’appellation « Talent-porteur de projet ».
      • Création d’une nouvelle catégorie « Talent-Professions médicales et de la pharmacie » :
        • Contrat ≥ 12 mois.
        • Établissement public ou privé à but non lucratif des champs sanitaires ou médico-social (L 4111-1 et L4221-1 du code de la santé publique).
        • Seuil de rémunération qui sera fixé par décret.
        • Carte de 13 mois en premier lieu.
        • Carte pluriannuelle sous réserves se satisfaire aux épreuves anonymes de vérification des connaissances.
    • Prévision d’une amende administrative sanctionnant les employeurs ne détenant pas le titre autorisant leurs salariés à travailler.
      • Montant maximal de 4000€.
      • Établie sur la base d’un procès-verbal relevant l’infraction ou du rapport d’un agent de contrôle.
      • Prononcée après une information préalable de l’auteur des faits.
      • Prise en compte des « circonstances du manquement, comportement de l’auteur, notamment de sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges ».
    • Possibilité pour un demandeur d’asile de travailler dès l’introduction de sa demande et non plus de 6 mois après.

    Réforme de la directive « carte bleue européenne »

    La « carte bleue européenne » a été introduite par la directive (CE) n° 2009/50/CE du 25 mai 2009 et ce statut a été intégré aux « Passeports-Talents » lors de la loi immigration de 2016.

    Dans la perspective de rendre l’Union Européenne toujours plus attractive aux ressortissants de pays tiers hautement qualifiés, la directive (UE) 2021/1883 du 20 octobre 2021 a été adoptée. Elle abroge la précédente et ses objectifs de réformes devront être transposés en droit français d’ici novembre 2023.

    • Raccourcissement de la durée minimum de contrat
      • ≥ 6 mois, au lieu de 12 mois actuellement
    • Élargissement des critères de qualifications avec prise en compte de l’expérience professionnelle sur une durée de 3 ans, au lieu de 5 ans actuellement, pour certains postes (Manager et Spécialiste en Technologie de l’information et des communications).
    • Seuil salarial toujours fixé par chaque État-membre, mais dans la limite d’une fourchette déterminée par la directive, à savoir entre 1 et 1,6 x le salaire annuel brut moyen, au lieu de 1,5 actuellement.
    • Mobilité intra-UE facilitée
      • Après 12 mois au lieu de 18.
      • Procédure simplifiée depuis le 1er État-membre ou sous 1 mois dès l’arrivée dans le second.
    • Accès facilité au statut de résident longue durée-UE
      • Prise en compte de titres de séjour autres que la carte bleue européenne dans le cumul des 5 ans de résidence dans différents États-membres.
      • Maintien de l’exigence de 2 ans de résidence continue sous carte bleue européenne dans le pays de dépôt de la demande.

    Reste à voir quel sera le nouveau minimum salarial déterminé par la France en 2023.

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    • Identifier les dernières circulaires et évolutions législatives dans le domaine de l’immigration et de la protection sociale à l’international.
    • Analyser les incidences de ces modifications sur ses pratiques en entreprise notamment dans le cadre du BREXIT.
    • Bénéficier d’une veille sociale complète pour anticiper ou suivre les changements.
    • Échanger sur l’actualité entre professionnels de la mobilité internationale.

    Dématérialisation des demandes de titres de séjour

    Le déploiement du portail de l‘ANEF se poursuit et devrait se terminer en 2023. En effet, le calendrier initial prévoyait une dématérialisation de la totalité des demandes de titre de séjour d’ici la fin de l’année 2022, mais de nombreuses fonctions sont encore soit inexistantes, soit visibles, mais inactives (cas des conjoints d’européen par exemple).

    Cette dématérialisation doit donner lieu à quelques commentaires :

    • Nombreux sont les problèmes techniques rencontrés depuis plus d’un an. Certes inhérents à tout déploiement de ce type, l’absence  de solution alternatives de dépôt en cas de blocage du portail, voir le refus de prendre en charge des demandes pendant des mois sous prétexte de la future dématérialisation de certaines démarches sont très préoccupants.

    Comme toujours, chaque Préfecture adopte une pratique différente.

    • La jurisprudence en la matière est à surveiller : Conseil d’Etat 3 juin 2022
    • Les délais de dépôt par voie dématérialisée doivent être anticipés par les salariés pour les demandes de renouvellement qui seront soumises en 2023 et les années suivantes.
      • Peu d’entre eux ont connaissance du délai légal de dépôt entre le 4 et le 2ème précédent l’expiration du titre propre aux demandes dématérialisées (à défaut, majoration de 180€ de la taxe de titre de séjour).
      • De même, tous ne connaissent pas la différence entre « l’attestation de dépôt », qui ne vaut rien, contrairement au récépissé délivré lors d’une demande en personne, et l’ « avis favorable », uniquement remis après instruction.

    Travailleurs détachés : nouvelles fonctionnalités du SIPSI

    Portail destiné à la déclaration préalable de détachement des salariés à l’Inspection du travail, le site du SPSI est bien connu des employeurs depuis sa création en 2016.

    Depuis janvier 2023, de nouvelles fonctionnalités ont été mise en ligne :

    • Ajout d’un QR code permettant l’authentification de l’accusé de réception.
    • Facilitation de l’obligation de vigilance grâce à
      •  Une nouvelle fonctionnalité de consultation des accusés de réception.
      • L’ouverture de cette fonctionnalité aux mandataires/représentants.
    • Nouvelles possibilités de signalement pour les agents de l’Inspection du travail.

    EES : Nouvelle ère de collecte des données et fin des tampons d’entrée / sortie

    Le nouveau processus de contrôle des entrées/sorties (EES) au sein de l’espace Schengen devrait entrer en vigueur au printemps 2023.

    • EES a pour objectif de couvrir les plus de 30 millions de personnes qui entrent chaque année dans l’UE pour des courts séjours en provenance de pays exemptés de visa Schengen.
    • EES autorisera la collecte de données personnelles, dont les dates d’entrée et de sortie, dans le système.
    • EES favorisera le passage des frontières par les postes de contrôles automatisés.
    • EES permettra un contrôle strict du respect de la limite de 90 jours sur 180 jours.
      Attention aux business-trip !
    • EES ne sera pas applicable aux titulaires de carte de séjour, aux frontaliers, etc.

    ETIAS : vers une autorisation de voyage pour les ressortissants dispensés de Visa Schengen

    Le nouveau système d’information et d’autorisation de voyage (ETIAS) devrait entrer en vigueur au sein de l’espace Schengen d’ici novembre 2023.

    • ETIAS a pour objectif de couvrir les plus de 30 millions de personnes qui entrent chaque année dans l’UE en provenance de pays exemptés de visa Schengen.
    • ETIAS permettra de croiser les informations issues des différents systèmes d’information européens en matière de frontière, sécurité et migration (notamment l’EES, le SIS- Système d’information Schengen, le VIS- Système d’information sur les visas– base de données de l’UE qui relie la police des frontières avec les consulats des États membres dans le monde entier, et l’EURODAC– base de donnée européenne en matière d’asile).
    • Les voyageurs devront demander une autorisation préalable de voyage électronique (équivalent de l’ESTA aux Etats-Unis).
    • Le coût sera de 7€ pour une validité de 3 ans avec entrées multiples dans l’espace Schengen.
    • Dans la majorité des cas, la réponse est automatique.

    Derniers commentaires

    • Allongement des délais de traitement des demandes d’autorisation de travail :
      • Depuis octobre 2022
      • Délais passés de 4 à 8 semaines, parfois 10
    • Fin de la restriction des visas français depuis le Maghreb
      • Depuis le mois de septembre 2022 pour la Tunisie
      • Depuis le mois de décembre 2022 pour le Maroc et l’Algérie
      • La prise de RDV auprès des agences TLS contact reste une mission quasi impossible, avec souvent la nécessité de passer par des intermédiaires.

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