Partager la publication "La montée en puissance de la médiation dans la fonction publique"
Très récemment, le décret n° 2023-326 du 28 avril 2023 est venu étendre le champ d’application du décret n° 2019-897 du 28 août 2019 qui instaure une procédure de médiation pour les personnels des établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux et créé les fonctions de médiateur national et de médiateur régional ou interrégional.
Adressé au versant hospitalier de la fonction publique, ce nouveau décret élargi la procédure de médiation aux étudiants en santé médicaux et paramédicaux, aux médiations préventives et aux missions d’appui, de conseil et d’accompagnement. Il étend également le réseau de médiateurs diplômés auxquels il peut être fait appel.
Quelle est désormais la place de la médiation dans les trois versants de la fonction publique (I) et quel en est son intérêt ? (II)
La place de la médiation dans la fonction publique
Le Code de justice administrative définit la médiation comme : « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction ».
Article L213-1 du Code de justice administrative
Dans la fonction publique, deux types de médiation doivent être distinguées : d’un côté, le recours facultatif à la médiation (A), de l’autre la médiation préalable obligatoire (B).
A. Le recours facultatif à la médiation
Depuis 2017, il est possible de faire appel à un médiateur indépendant pour tenter de résoudre un différend entre un agent et son administration. La médiation peut s’effectuer dans une démarche volontaire à l’initiative des parties en dehors de tout recours (I) ou à l’initiative du juge dans le cadre d’une procédure judiciaire (II).
I) Le recours à la médiation à l’initiative des parties
Les parties à un litige peuvent librement recourir à un médiateur indépendant pour régler leur litige, en dehors de toute procédure juridictionnelle.
Article L213-4 du Code de justice administrative
À ce titre, les parties peuvent organiser elles-mêmes la médiation en désignant la personne qui en est chargée ou demander au président du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel d’organiser la mission de médiation.
À noter que la saisine du médiateur interrompt les délais de recours contentieux et suspend les délais de prescription jusqu’à la fin de la médiation.
Article L213-6 du Code de la justice administrative
II) Le recours à la médiation à l’initiative du juge
Lorsqu’un tribunal ou une cour d’appel est saisi d’un litige, le juge administratif peut lui-même ordonner une médiation, après avoir recueilli l’accord des parties.
Article L213-7 du Code de justice administrative
En pratique, la médiation peut être tentée au début de la procédure mais également plus tardivement en cours de procès.
Lorsque la mission de médiation est confiée à une personne extérieure à la juridiction, le juge fixe les frais de la médiation. Ces frais sont répartis, à défaut d’accord, à parts égales entre les parties, sauf si le juge estime que cette répartition est inéquitable au regard de la situation économique des parties.
Article L213-7 du Code de justice administrative
En aucun cas la médiation ne dessaisit le juge administratif qui pourra prendre, à tout moment, les mesures d’instruction qui lui paraissent nécessaires.
Article R213-8 du Code de la justice administrative
En tout état de cause, les décisions prises par le juge territorialement compétent en matière de médiation ne sont pas susceptibles de recours, que la médiation ait été à l’initiative des parties ou du juge lui-même.
Articles L213-5 et L213-10 du Code de justice administrative
B. La médiation préalable obligatoire (MPO)
À l’image de la procédure existante en droit privé, certains types de litiges administratifs doivent faire l’objet d’une médiation avant toute saisine du juge (I) ; ce dispositif ne doit pas être confondu avec le re- cours administratif préalable obligatoire (II).
I) Le fonctionnement de la MPO
La médiation obligatoire préalable a été introduite par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, à titre expérimental, pendant quatre ans, pour un certain nombre de litiges dans la fonction publique.
Pérennisé depuis l’année 2022 par le décret n° 2022-433 du 25 mars 2022, ce dispositif a permis de trouver un accord pour 76 % des 4 364 médiations préalables menées de- puis le début de son expérimentation.
À peine d’irrecevabilité, les recours formés par les agents publics devant le tribunal administratif à l’encontre de certaines décisions administratives individuelles défavorables doivent désormais être précédés d’une tentative de médiation.
Article L213-11 du Code de justice administrative
Ce n’est qu’en cas d’échec de la médiation que les agents pourront saisir le juge.
Par ailleurs, le médiateur est supposé avoir été saisi à la date d’enregistrement de la requête contentieuse. Le juge administratif devra rejeter toute requête n’ayant pas été précédée d’une médiation qui était pourtant obligatoire et transmettre le dossier au médiateur compétent.
Article R213-12 du Code de justice administrative
Tous les agents publics ne sont néanmoins pas concernés par cette obligation. En effet, seuls l’ensemble des agents du ministère de l’Éducation nationale sont visés par la médiation préalable obligatoire.
En outre, seuls les agents de la fonction publique territoriale ayant consenti au préalable à la médiation par le biais d’une convention de médiation signée avec le centre de gestion dont ils relèvent sont concernés par ce dispositif.
À noter que le coût des médiations préalables obligatoires est supporté exclusivement par l’administration qui a pris la décision attaquée.
Article L213-12 du Code de justice administrative
II) La distinction entre la MPO et le RAPO
La MPO ne doit pas être confondue avec le recours administratif préalable obligatoire (RAPO) à la saisine du juge administratif qui vise aussi à faciliter les solutions non contentieuses.
Le recours administratif préalable obligatoire s’applique dans plusieurs domaines (contentieux fiscal, accès aux documents administratifs, fonction publique militaire, contentieux des étrangers, recours contre les décisions de la MDPH et accès aux professions réglementées).
Le RAPO se caractérise également par un certain nombre de spécificités juridiques, tenant notamment au fait que la décision prise suite au recours administratif préalable obligatoire se substitue en principe à la décision initiale.
De plus, l’autorité administrative saisie se prononce sur la situation de fait et de droit existant à la date de sa décision, et non de la décision contestée dans le cadre d’un RAPO.
L’intérêt du recours à la médiation
Pourquoi recourir à la médiation ?
Le recours à la médiation offre de nombreux avantages aux parties à un litige.
Au-delà d’éviter l’encombrement des juridictions, la médiation permet, en pratique, de mettre en place un dialogue dont l’objectif est de rétablir les relations et trouver une solution acceptable pour l’agent public autant que pour son administration.
La procédure de médiation n’est pas rigide mais s’inscrit dans un cadre, moins formel qu’une salle d’audience, proposée par le médiateur en accord avec les parties. Le médiateur doit toutefois accomplir sa mission avec un respect rigoureux des principes d’indépendance, d’impartialité, de neutralité et d’équité.
Outil d’apaisement, la médiation est également confidentielle.
Sauf exceptions strictes, les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une procédure juridictionnelle ou arbitrale sans l’accord des parties.
Article L213-2 du Code de justice administrative
Enfin, le recours à la médiation a un réel aspect pédagogique car elle permet à l’agent public d’accepter davantage la décision prise par son employeur ou à ce dernier de lui proposer une solution plus favorable.
Qu’ils soient volontaires ou imposés, les dispositifs de médiation mis en place par le législateur à l’attention des agents publics et de l’administration sont donc des outils supplémentaires pour obtenir des issues satisfaisantes aux problèmes qui les opposent.
Alors que les sources de désaccords entre l’administration et ses agents sont nombreuses et que le nombre de procédures dans la fonction publique augmente, les parties ont conscience que les solutions à leurs différends n’émergent pas forcément d’une décision de justice, d’autant plus lorsqu’ils relèvent d’incompréhensions.
La démarche de médiation est un vrai travail en commun poursuivi dans l’intérêt de tous. Elle trouve ainsi pleinement sa place au sein de la fonction publique et mériterait, à l’avenir, à se développer encore davantage.
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Références juridiques :
- Code de justice administrative : articles L213-1 à L213-14 et articles R213-10 à R213-13.
- Décret n° 2022-433 du 25 mars 2022 relatif à la procédure de médiation préalable obligatoire applicable à certains litiges de la fonction publique et à certains litiges sociaux.
- Décret n° 2023-326 du 28 avril 2023 modifiant le décret n° 2019-897 du 28 août 2019 instituant un médiateur national et des médiateurs régionaux ou interrégionaux pour les personnels des établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux.
- Arrêté du 30 mars 2022 relatif à la mise en œuvre d’une procédure de médiation préalable obligatoire applicable à certains litiges de la fonction publique au ministère de l’éducation nationale