Épargne retraite : Quel bilan 5 ans après la loi PACTE ?

Le système de retraite français fonctionne pour l’essentiel selon le principe de la répartition : les régimes redistribuent au cours d'une année, sous forme de pensions versées aux retraités, les cotisations encaissées la même année auprès des actifs. Ce choix politique, historique, est de plus en plus questionné alors que le système fait face à des déficits structurels importants (liés notamment au vieillissement de la population), des déficits que les finances publiques semblent de moins en moins en capacité de soutenir. Cela laisse craindre à moyen terme une baisse significative des rendements, or c’est l’objectif de la répartition : par la solidarité intergénérationnelle, assurer aux générations futures de retraités un niveau de pension à hauteur de ce à quoi ils auront contribué durant leur vie active.

Epargne retraite : Quel bilan 5 ans après la loi PACTE ?
La loi PACTE redynamise l'épargne retraite en France : plus de 9,8 millions de nouveaux plans ouverts, dépassant largement les objectifs fixés, mais des défis subsistent quant à la qualité et l'accessibilité de cette solution financière.

Une faible adoption des Plans d’Épargne Retraite (PER)

En complément, des plans d’épargne retraite (PER), individuels ou collectifs, peuvent être souscrits afin de compléter ses revenus de retraite. Mais leur place reste encore très marginale : ils pèsent aujourd’hui moins de 5 % de l’ensemble. A titre de comparaison, c’est plus de 60 % pour des pays comme la Corée du Sud, l’Australie, le Canada ou les États-Unis. Plusieurs facteurs peuvent expliquer le faible développement de ces produits : le niveau déjà « élevé » de la retraite par répartition, une trop grande complexité, des modalités de sortie trop « rigide », un manque de visibilité sur le rendement à terme, l’existence d’autres produits d’épargne plus attractifs etc. Ils constituent pourtant bien une solution complémentaire au financement des droits retraite, et par ailleurs une source potentielle de croissance et d’innovation. Ce sont aussi des outils de motivation et de fidélisation des salariés, un moyen de les intéresser financièrement aux résultats de l’entreprise d’une manière différente et moins fiscalisée qu’à travers le versement de primes salariales ou l’augmentation des rémunérations.

La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) a mis en place un certain nombre de mesures visant à renforcer l’attractivité des produits d’épargne de long terme. Avec de premiers résultats encourageants à la clé.

La loi PACTE : une initiative de changement

Six objectifs avaient été assignés à cette loi PACTE :

  • Simplifier les règles encadrant l’épargne retraite ;
  • Assurer la portabilité de tous les produits, tout au long de la vie ;
  • Harmoniser la fiscalité applicable ;
  • Accroître la concurrence entre les prestataires ;
  • Permettre plus de liberté dans le fonctionnement des produits ;
  • Permettre à l’épargne d’être performante et de financer l’économie.

Elle partait notamment du constat que les dispositifs existants (PERCO, « article 83 », contrat Madelin, PERP etc.) étaient trop nombreux, peu lisibles et trop cloisonnés pour être incitatifs.

Trois dispositifs de PER sont créés : le plan épargne retraite individuel (PERIN), le plan épargne retraite collectif (PERECOL) et le plan épargne retraite obligatoire (PERO). Ils sont transférables en cas de changement de situation. Chacun est composé de trois compartiments en fonction du type de versement effectué : un compartiment pour les « versements volontaires », un autre pour les versements d’épargne salariale (intéressement, participation, abondement employeur ou jours de CET1 non pris) et un autre pour les versements dits « obligatoires » (cotisations). Sauf demande du titulaire, le gestionnaire doit appliquer la gestion « pilotée par défaut » avec une sécurisation progressive des avoirs à l’approche de la retraite. Le déblocage des sommes se fait à la retraite sauf cas de déblocage anticipé (décès du conjoint, invalidité, surendettement etc.). Les modalités de sortie dépendent de la volonté et des besoins du titulaire du plan, mais aussi de l’origine des versements.

Les avantages fiscaux et sociaux des PER

Le PER bénéficie d’un régime social et fiscal plus avantageux que ses prédécesseurs, pour l’employeur (réduction voire suppression du forfait social applicable sur l’abondement selon la taille de l’entreprise) et le salarié : les versements volontaires peuvent être déduits du revenu imposable pendant la phase d’épargne. A la sortie du plan les sommes sont imposables dans la catégorie des pensions. Finalement, on peut considérer qu’il s’agit d’un mécanisme d’imposition à effet différé : pour être fiscalement « gagnant » sur son PER, mieux vaut être imposé dans une tranche élevée lors de la vie active, puis subir une baisse de taux d’imposition à la retraite…

En résumé :

  • Un dispositif d’épargne avantageux fiscalement ;
  • Des possibilités de déblocage anticipé durant la phase d’épargne, et un choix possible entre rente et capital à la sortie selon les versements opérés ;
  • Une transférabilité facilitée à partir d’autres produits d’épargne et en cas de changement d’entreprise ;
  • Des modalités de gestion diversifiée et sécurisées.

Les premiers résultats semblent confirmer l’effet « levier » de la loi PACTE sur l’épargne retraite. Selon le ministère de l’économie2, au 30 septembre 2023 :

  • Plus de 9,8 millions nouveaux plans ont été ouverts, pour plus de 7 millions de nouveaux bénéficiaires, soit plus du double de l’objectif de 3 millions initialement fixé pour fin 2022 ;
  • Les encours constitués sur ces PER atteignent plus de 95 milliards d’euros, dépassant là encore largement l’objectif initial de 50 milliards pour fin 2022. Cela concerne autant les PER d’entreprise, collectifs (21,8 milliards d’euros d’encours) et obligatoires (18,4 milliards d’euros), que les PER individuels (55,2 milliards d’euros) ;

Défis actuels et perspectives futures

Si l’effet quantitatif est réel, quand est-il au niveau qualitatif ? il subsiste aujourd’hui des inconvénients sérieux à la souscription d’un PER :

  • Une épargne a priori bloquée jusqu’à la retraite ;
  • Un dispositif qui avantage les plus fortunés. Beaucoup considèrent qu’encourager des formules de retraite fondées sur la rémunération du capital accroissent les inégalités sociales ;
  • Un « pari » sur l’avenir : le bénéficiaire doit parier sur le fait qu’il sera moins imposé à la retraite et qu’il conservera donc une fraction de l’avantage fiscal. Un pari considéré comme désincitatif par beaucoup ;
  • Un dispositif unique, mais avec des compartiments et des règles spécifiques qui ne répondent que partiellement à la problématique de complexité et de lisibilité ;
  • Un certain manque de clarté sur le rendement « net » de l’épargne ;
  • Par ailleurs, dans un contexte d’effort renouvelé pour financer l’économie, des sommes qui pourraient être davantage investies dans l’économie nationale.

D’autres mesures pourraient donc être prises à l’avenir afin de renforcer les incitations à développer l’épargne retraite, tant du point de vue des épargnants que du point de vue des entreprises :

On pense bien évidemment à des mesures d’ordre financier. Côté employeur, une réduction du forfait social ou l’octroi de crédits d’impôts entreprise par exemple. Les TPE/PME, notamment, pourraient être davantage intéressées.

Pour les épargnants, un alignement de la fiscalité de sortie en rente sur celle de la sortie en capital pourrait les inciter à ne pas débloquer trop tôt leur épargne. Le plafond des versements déductibles pourrait également être augmenté, mais avec le risque identifié que cela ne touche que les salariés les plus « fortunés ». Certains experts ou acteurs de la place évoquent la piste de création d’un compartiment au sein du PER qui serait dédié aux plus démunis, avec mécanisme de crédit d’impôt en lieu et place de la déduction fiscale.

Le sujet de la complexité du PER reste encore d’actualité, et ne semble pas permettre l’adhésion du plus grand nombre. Plusieurs pistes de mesures qui pourraient s’avérer pertinentes : faire apparaître plus clairement la performance (rendement) des produits, et l’orientation des investissements (pour valoriser les investissements dits « responsables »). Ou encore une rationalisation de la documentation transmise à l’épargnant (standardisée, réduite) par les assureurs.

Une autre piste : les salariés français seraient de plus en plus nombreux à plébisciter une part obligatoire de capitalisation dans le système de retraite, comme cela existe déjà pour les professions libérales et la fonction publique. Mais cela implique un changement de paradigme très hypothétique dans le contexte politique actuel…

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Vers une épargne retraite plus dynamique

Les encours des fonds de pension français ne représentaient que 3% du PIB en 2021 contre 120% au Royaume-Uni, 156% en Suisse et 80% en Suède. Pour avoir des réserves de capitalisation équivalentes à 80% du PIB en France, il faudrait près de 2.000 milliards d’euros, soit multiplier par dix les encours actuels. Ces fonds, investis dans des entreprises françaises cotées en Bourse, pourraient contribuer directement à la compétitivité de l’économie et par là même à la croissance. Un objectif qui n’est pas insurmontable : l’épargne totale des Français atteindrait actuellement près de 6 000 milliards d’euros (hors immobilier). Près de 70 % de cette somme reste « dormir » sur des comptes bancaires, ou est placée sur de l’épargne dite « réglementée », peu rémunérée (assurance vie, livret d’épargne, LDD etc.).


Références :

  1. Compte Épargne Temps
  2. Communiqué de presse, 13 février 2024.

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