Partager la publication "Dans quels cas un agent public peut créer ou reprendre une entreprise ?"
Quelle procédure s’applique ?
Conformément aux dispositions des articles L. 123-8 et R.123-14 du code général de la fonction publique (CGFP) un agent qui occupe un emploi à temps complet doit adresser une demande écrite d’autorisation de service à temps partiel à l’autorité administrative, pour créer ou reprendre une entreprise ou une activité libérale.
Cette demande doit être présentée avant le début de cette activité.
La liste des éléments contenus dans le dossier de saisine est mentionnée à l’article 1er d’un arrêté du 4 février 2020 (2). Il s’agit des pièces suivantes :
- La saisine initiale de l’agent informant l’autorité hiérarchique de son souhait d’exercer une activité privée et d’être placé, à ce titre, dans une position conforme à son statut ;
- Une copie du contrat d’engagement pour les agents contractuels ;
- Une description du projet envisagé comportant toutes les informations utiles et circonstanciées permettant l’appréciation de la demande par l’autorité hiérarchique ;
- Le cas échéant, les statuts ou projets de statuts de l’entreprise que l’agent souhaite créer ou reprendre ;
- Le cas échéant, l’extrait du registre du commerce et des sociétés (extraits K ou K bis) ou la copie des statuts de la personne morale que l’agent souhaite rejoindre.
Le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet (3).
Le cas échéant, l’administration saisit le référent déontologue ou la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ; en cas de saisine de cette dernière, le délai de deux mois, précité est suspendu (4).
L’autorisation d’accomplir un service à temps partiel est accordée sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service et compte tenu des possibilités d’aménagement de l’organisation du travail. Et la quotité de travail doit être au moins égale au mi-temps, conformément aux dispositions de l’article L. 123-8 du CGFP.
Quelle est la durée de l’autorisation ?
Comme l’indique l’article L. 123-8 du CGFP, l ‘autorisation d’accomplir un service à temps partiel prend effet à compter de la création, de la reprise de l’entreprise ou du début de l’activité libérale. Elle est accordée pour une durée de trois ans, renouvelable pour un an après dépôt d’une nouvelle demande d’autorisation, au moins un mois avant le terme de la première période. Lorsque la HATVP a rendu un avis sur la demande d’autorisation de l’agent, le renouvellement de l’autorisation ne fait pas l’objet d’une nouvelle saisine de cette autorité (5).
A noter que, pour le juge administratif, manque à l’obligation de non-cumul l’agent qui, ayant bénéficié d’une autorisation de cumul d’activités pour la création d’une entreprise commerciale, n’a pas présenté de demande de renouvellement et, ayant été informé, par son administration, de ce qu’il n’était plus autorisé à exercer son activité, a toutefois poursuivi celle-ci (6).
Y a-t-il un délai entre deux autorisations ?
En application des dispositions de l’article L. 123-8 du CGFP, l’agent ayant bénéficié d’une autorisation d’accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise ne peut solliciter une nouvelle autorisation au titre de la création ou de la reprise d’une entreprise avant l’écoulement d’un délai de trois ans à compter de la fin d’un service à temps partiel pour ce motif.
Dans quels cas l’administration peut-elle s’opposer au cumul ?
L’article R. 123-2 du CGFP indique que l’autorité compétente peut s’opposer au cumul d’activités ou à sa poursuite si l’intérêt du service le justifie, si les informations fournies pour obtenir l’autorisation sont inexactes ou si le cumul s’avère incompatible avec les fonctions exercées ou avec l’emploi occupé par l’agent au regard des obligations déontologiques et des conflits d’intérêts.
Dans quels cas, l’administration saisit-elle le référent déontologue ?
L’article L. 123-8 du CGFP prévoit que dans le cas où l’administration a un doute sérieux sur la compatibilité du projet de création ou de reprise d’une entreprise avec les fonctions exercées par l’agent au cours des trois années précédant sa demande d’autorisation, elle doit saisir, pour avis, le référent déontologue préalablement à sa décision Lorsque l’avis du référent déontologue ne permet pas de lever le doute, l’administration doit saisir la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Dans quels cas, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) peut-elle être saisie ?
Pour rappel, la saisine de la HATVP par l’administration suspend le délai de deux mois selon lequel le silence de l’administration vaut rejet (7). La Haute autorité peut également être saisie par l’agents. Par ailleurs, la HATVP peut s’autosaisir dans certains cas.
La saisine de la HATVP par l’administration
Lorsque le fonctionnaire occupe un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, l’administration doit soumettre sa demande d’autorisation à l’avis préalable de la Haute Autorité, comme le prévoit l’article L. 123-8 du CGFP.
Sont concernées par cette obligation de saisine, les personnes citées par les dispositions de l’article R. 123-29 du CGFP, par exemple, au sein de la fonction publique territoriale, celles occupant les emplois de directeur, de directeur adjoint et de chef de cabinet des autorités territoriales dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions justifient la transmission d’une déclaration d’intérêts.
L’autorité dont relève l’agent dispose de quinze jours, à compter de la date à laquelle le projet de l’agent lui a été communiqué pour saisir la HATVP. Ce dernier doit, alors, recevoir une copie de la lettre de saisine, comme l’indique l’article R. 123-30 du CGFP.
La liste des pièces constitutives du dossier de saisine de la HATVP, laquelle comprend les informations utiles relatives au projet de l’agent et une appréciation de l’autorité ou des autorités dont relève l’intéressé ou dont il a relevé au cours des trois années précédant le début de l’activité privée envisagée est fixée par l’article 2 de l’arrêté du 4 février 2020, précité (8).
La Haute Autorité peut demander à l’agent toute information complémentaire utile à l’examen de sa demande. Elle peut également demander aux mêmes autorités une analyse circonstanciée de la situation de l’agent et des implications de celle-ci, comme le prévoient les dispositions de l’article R. 123-30 du CGFP. En outre, à la demande de l’agent, l’autorité dont il relève doit lui transmettre une copie du dossier de saisine et, le cas échéant, de l’analyse qu’elle a produite.
Puis, conformément aux dispositions de l’article R. 123-32 du CGFP, l’administration doit rendre sa décision dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’avis de la HATVP ou de l’échéance du délai de deux mois dans lequel elle doit rendre un avis.
La saisine de la HATVP par l’agent
A défaut de saisine par l’administration dans le délai de quinze jours imparti, l’agent peut saisir lui-même la HATVP. Il doit, alors, en informer par écrit l’autorité compétente qui transmet à la Haute Autorité les pièces du dossier de saisine, comme l’indiquent les dispositions des articles L. 123-8 et R.123-33 du CGFP.
L’auto-saisine de la HATVP
En application des dispositions des articles L. 124-11 et R. 123-34 du CGFP, la Haute Autorité peut également se saisir, à l’initiative de son président, dans un délai de trois mois à compter :
- soit de la création ou de la reprise d’une entreprise par un fonctionnaire ;
- soit du jour où le président a eu connaissance d’un défaut de saisine préalable de la HATVP.
Pour ce faire, il doit en informer par écrit l’intéressé et l’autorité dont il relève, qui sont tenus de produire, dans un délai de dix jours, les pièces du dossier de saisine et le cas échéant, l’analyse circonstanciée de la situation de l’agent et de ses implications (9).
Sur quels aspects se prononce la HATVP ?
La Haute Autorité doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. En application des dispositions de l’article L. 124-14 du CGFP, l’absence d’avis dans ce délai vaut avis de compatibilité.
Conformément aux dispositions de l’article L.124-12 du CGFP, la HATVP examine, notamment, si l’activité qu’exerce le fonctionnaire risque :
- de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service ;
- de méconnaître tout principe déontologique mentionné aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du CGFP (10) ;
- ou encore de placer l’intéressé en situation de prise illégale d’intérêts dans les conditions prévues par les articles 432-12 et 432-13 du code pénal.
La HATVP peut demander à l’agent ou à l’administration dont il relève ou dont il a relevé précédemment, toute information ou tout document nécessaire à l’exercice de ses missions. Elle peut recueillir auprès des personnes publiques et privées toute information nécessaire à l’accomplissement de sa mission. Elle peut entendre ou consulter toute personne dont le concours lui paraît utile. Le cas échéant, la Haute Autorité est informée par la ou les autorités dont relève le fonctionnaire dans son corps ou dans son cadre d’emplois d’origine des faits relatifs à une situation de conflit d’intérêts qui ont été relatés ou ont fait l’objet d’un témoignage, dès lors que ces faits concernent les fonctions exercées ou ayant été exercées au cours des trois années antérieures par ce fonctionnaire, comme le précisent les dispositions de l’article L. 124-13 du CGFP.
Quel est le contenu de l’avis rendu par la HATVP ?
En application des dispositions de l’article L. 124-14 du CGFP, la HATVP rend un avis :
- de compatibilité ;
- de compatibilité avec réserves, qui sont prononcées pour une durée de trois ans ;
- ou d’incompatibilité.
Elle peut rendre un avis d’incompatibilité lorsqu’elle estime ne pas avoir obtenu de la personne concernée les informations nécessaires.
En outre, comme l’indiquent les dispositions de l’article L. 124-14 du CGFP, le président de la Haute Autorité peut rendre, au nom de celle-ci, un avis de compatibilité, éventuellement assorti de réserves, lorsque l’activité envisagée est manifestement compatible avec les fonctions antérieures ou actuelles de l’intéressé. Il est également habilité à rendre au nom de celle-ci des avis d’incompétence, d’irrecevabilité ou constatant qu’il n’y a pas lieu à statuer.
Par ailleurs, un deuxième avis peut être sollicité par l’administration, dans le délai d’un mois suivant la notification de l’avis initial. La HATVP doit alors rendre un nouvel avis dans le délai d’un mois à compter de la réception de la sollicitation, comme l’indiquent les dispositions de l’article L. 124-17 du CGFP.
Quelles sont les conséquences de l’avis de la HATVP ?
En premier lieu, l’administration est liée par les avis de compatibilité avec réserves et d’incompatibilité ; ceux-ci s’imposent à l’agent. Et ils doivent être notifiés à l’administration, à l’agent et à l’entreprise ou l’organisme de droit privé d’accueil de l’agent, comme le prévoient les dispositions de l’article L. 124-15 du CGFP.
En outre, la HATVP peut rendre publics les avis rendus portant sur le projet de création ou de reprise d’une entreprise par un fonctionnaire, après avoir recueilli les observations de l’agent concerné (article L. 124-16 du CGFP). Ces avis doivent être publiés dans le respect des garanties prévues pour la communication des documents administratifs (11).
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Quelles sont les sanctions en cas de non-respect de l’avis de la HATVP ?
En application des dispositions de l’article L. 124-20 du CGFP, lorsque l’avis d’incompatibilité ou de compatibilité avec réserves de la Haute Autorité n’est pas respecté :
- l’agent public peut faire l’objet de poursuites disciplinaires ;
- le fonctionnaire retraité peut faire l’objet d’une retenue sur pension, dans la limite de 20 % du montant de la pension versée, pendant les trois ans suivant la cessation de ses fonctions ;
- l’administration ne peut procéder au recrutement de l’agent contractuel intéressé au cours des trois années suivant la date de notification de l’avis (12) ;
- il est mis fin au contrat dont est titulaire l’agent à la date de notification de l’avis, sans préavis et sans indemnité de rupture.
A noter que le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution. Il considère en effet que l’interdiction de recrutement de l’agent contractuel pour une durée de trois ans, prévue en cas de manquement de l’agent, y compris en l’absence de saisine préalable de l’autorité hiérarchique, constitue une sanction ayant le caractère d’une punition. Cette sanction s’appliquant automatiquement, sans que l’administration ne la prononce en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce, ces dispositions méconnaissent le principe d’individualisation des peines consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Leur abrogation est fixée au 31 janvier 2026. Jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de cette abrogation, l’administration peut écarter la sanction prévue par ces dispositions ou en moduler la durée pour tenir compte des circonstances propres à chaque espèce. La déclaration d’inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement au 25 janvier 2025 (13).
Quels contrôles la HATVP peut-elle exercer ?
Durant les trois années qui suivent le début de l’activité privée lucrative, l’agent qui a fait l’objet d’un avis doit fournir, à la demande de la HATVP, toute explication ou tout document justifiant qu’il respecte cet avis. En l’absence de réponse, la Haute Autorité met en demeure l’agent de répondre dans un délai de deux mois, en application des dispositions de l’article L. 124-18 du CGFP.
Si elle n’a pas obtenu les informations nécessaires ou qu’elle constate que son avis n’a pas été respecté, la Haute Autorité informe l’autorité dont relève l’agent en vue de permettre la mise en œuvre de poursuites disciplinaires, comme le prévoient les dispositions de l’article L. 124-19 du CGFP.
Enfin, elle peut publier le résultat de ses contrôles et le cas échéant, les observations écrites de l’agent concerné, dans le respect des garanties liées à la communication des documents administratifs (14).
Références :
- Article R. 123-8 du CGFP ;
- Arrêté du 4 février 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique- NOR n°CPAF2003244A ;
- Article L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) ;
- Article R. 123-31 du CGFP ;
- Articles L. 123-8, R. 123-14 et R. 123-16 du CGFP ;
- CAA Toulouse, 23 janvier 2024, requête n° 22TL00082 ;
- Voir note 4 ;
- Voir note 2 ;
- Article R. 123-34 du CGFP ;
- Respect des obligations de dignité, d’impartialité, d’intégrité de probité et des principes de neutralité, de laïcité et d’égalité de traitement des usagers ;
- Articles L. 311-5 et L. 311-6 du CRPA ;
- Ces mesures s’appliquent également en l’absence de saisine préalable de l’autorité hiérarchique par la personne concernée ;
- Cel, décision QPC n° 2024-1120 du 24 janvier 2025 ;
- Articles L. 311-5 et L. 311-6 du CRPA.