Partager la publication "Quelles compétences spécifiques les formateurs doivent-ils développer pour complémenter l’IA, et non la reproduire ?"

Impact de l’IA sur le métier de formateur
Tout d’abord, il est intéressant de comprendre le lien entre l’IA et le métier de formateur.
L’IA peut venir bousculer la légitimité des formateurs à transmettre des informations.
Les formateurs professionnels ont un rapport particulier au savoir et à la connaissance. Ils maîtrisent les sujets qu’ils traitent dans leurs modules de formation.
Mais aucun savoir n’est exhaustif et l’IA nous le rappelle. L’étendue de ce que l’on ne connait pas d’un sujet qu’on pense maîtriser est vaste.
Ainsi, quid de la légitimité du formateur par rapport à ses apprenants, si ceux le prennent à défaut grâce à l’IA ?
Cette technologie nous apprend qu’il faut accepter ses limites, accepter que l’on ne sait pas tout.
C’est une leçon d’humilité.
Vue sous un autre angle, l’IA valorise le métier du formateur.
En effet, celui-ci n’est pas un enseignant, ce n’est pas non plus un conférencier. C’est un chef d’orchestre.
C’est un professionnel de l’apprentissage et de l’humain, qui compose en partie sur l’instant. La partition est préparée et répétée, mais la jouer en direct est un autre exercice. Le formateur doit composer avec l’humeur et la motivation de ses stagiaires, les conditions logistiques fluctuantes, les contraintes de temps, les niveaux de connaissance inégaux. Il doit s’adapter en permanence et en direct.
L’IA est massivement utilisée pour la génération de contenus et la collection d’informations. Mais quid de l’orchestration, la scénarisation de ces informations, pour en faire un contenu qui s’intègre et se retient ?
Cet usage de l’IA met en valeur les qualités autres des formateurs, non réplicables par l’IA, et qui sont indispensables à ce métier.
Comment le formateur peut utiliser l’IA dans son métier au quotidien
Un projet de formation se compose de différentes phases.
Voyons comment, pour chacune d’elles, le formateur peut s’appuyer sur l’IA.
L’évaluation du besoin
A cette étape, le formateur recueille le besoin du commanditaire :
- Contexte de la formation
- Public ciblé
- Attentes
- Compétences à développer
- Durée de la formation
- Modalités de la formation (présentiel, distanciel, hybride)
Ici, l’IA peut être utile pour construire un formulaire type de recueil du besoin.
Elle peut aussi aider pour aller plus loin dans les questions posées au commanditaire.
Enfin, elle peut analyser les réponses apportées et en faire une synthèse pertinente.
La conception de la formation
Une fois le besoin de formation clairement défini, vient la phase d’ingénierie pédagogique. Elle inclut la définition des objectifs de formation et objectifs pédagogiques, la réalisation du scénario ou déroulé pédagogique, la création des activités et la conception des supports pédagogiques.
L’IA peut intervenir pour aider sur ces éléments, en s’appuyant sur le recueil du besoin qui a été fait en amont. Elle peut aussi permettre de créer des quiz, des mises en situations, des activités ludopédagogiques…
L’animation de la formation
Pour cette phase, le rôle de l’IA est moins évident.
Mais le formateur pourrait l’utiliser comme un super assistant pendant sa formation, au cas où il aurait besoin d’ajuster son animation, de modifier un exercice…
Pendant les activités, l’IA pourrait aussi jouer le rôle d’un coach en direct ou être un participant à un jeu de rôle par exemple.
L’évaluation de la formation
Enfin, une fois la formation conçue puis animée, il est temps de l’évaluer.
L’IA peut aider à concevoir des questionnaires de satisfaction et des questionnaires d’évaluation à chaud (à l’issue de la formation) et à froid (trois mois au moins après la formation) qui soient pertinents.
On peut ensuite lui demander d’analyser les résultats, d’en faire une synthèse et d’identifier des pistes d’amélioration pour les sessions suivantes.
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Quelles compétences pour compléter les apports de l’IA ?
Nous venons de le voir, l’IA est une aide efficace pour le formateur. Elle lui permet de gagner du temps et d’enrichir ses réflexions et sa pratique.
Mais les compétences nécessaires pour être un formateur au-dessus du lot ne se retrouvent pas chez l’IA.
Certaines sont d’ordre techniques. Mais la plupart sont des soft skills, des compétences profondément liées à notre condition d’être humain.
Il est possible de les classer en plusieurs catégories : les compétences reliées à l’intelligence émotionnelle, celles reliées à l’intelligence sociale et des compétences plus techniques.
Compétences techniques
Les formateurs doivent en priorité s’assurer qu’ils sont au fait des innovations pédagogiques. Quelles sont les nouvelles pratiques pour capter et maintenir l’attention des apprenants ? Ils peuvent ainsi explorer la ludopédagogie, le mobile learning, l’adaptive learning. Maîtriser ces techniques permet de proposer des programmes qui sont mieux adaptés aux nouvelles attentes et comportements d’apprentissage des apprenants.
L’IA sera un parfait assistant pour fournir des propositions au formateur. Mais seul lui sait à quel moment du programme insérer telle ou telle activité pour servir la progression pédagogique et construire une véritable expérience d’apprentissage. Le formateur est aussi à même de proposer des parcours personnalisés, selon les besoins de chaque apprenant.
La maitrise de ces nouvelles techniques, inspirées par l’IA mais orchestrées par le formateur permet d’offrir aux apprenants une expérience augmentée.
Compétences reliées à l’intelligence émotionnelle
Les neurosciences ont prouvé que l’apprentissage est renforcé lorsque des émotions y sont associées. Cela peut être la surprise, par rapport à un fait étonnant appris pendant la formation. Ou encore, l’amusement et l’excitation induites par des activités ludopédagogiques.
Le formateur, contrairement à l’IA, est capable de générer et d’appuyer sur ces émotions pour optimiser l’apprentissage.
Le formateur doit aussi s’adapter à son audience afin de réajuster le déroulé de la formation, décider de passer plus de temps sur une partie ou en passer moins sur une autre. Il s’assure que tous ses apprenants arrivent à suivre la formation. Pour cela, il doit faire preuve d’empathie et d’observation, afin de repérer les émotions et les signaux faibles chez ses apprenants : déconcentration, baisse d’énergie, discussions parallèles…
Le formateur peut aussi utiliser son écoute active et sa capacité à reformuler pour s’assurer que les apprenants ont bien compris et intégré les messages délivrés.
Il doit être capable d’évaluer l’atmosphère, de repérer les tensions possibles, les décrochages, les dynamiques de groupe et savoir faire avec, s’appuyer dessus ou les déjouer.
Par ailleurs, à certains moments, les traits d’humour peuvent être des outils précieux pour subtilement recarder l’auditoire ou faciliter l’apprentissage.
Globalement, le formateur, pour proposer une valeur ajoutée par rapport à l’IA, doit développer son intelligence émotionnelle. De cette manière, il est capable d’être en connexion avec ses apprenants et d’ajuster son programme pour les accompagner à l’atteinte des objectifs pédagogiques.
Compétences reliées à l’intelligence sociale
En plus de l’intelligence émotionnelle, un autre atout du formateur va être de savoir animer l’intelligence collective. C’est-à-dire accompagner le groupe au travers d’activités pour les faire collaborer et progresser ensemble vers l’atteinte des objectifs pédagogiques. Le formateur n’est pas le seul à amener de la matière. Le groupe, par ses expériences, son vécu, ses partages et ses réflexions collectives, co-construit la formation.
Ce sont des éléments qui peuvent être préparés mais c’est à l’instant T que le formateur peut évaluer si cela fonctionne ou pas.
Le formateur est celui qui peut aider les apprenants à contextualiser une information donnée, à faciliter les analogies (qui sont clés dans l’apprentissage). Il sera capable de s’inspirer de son expérience terrain et de son vécu pour venir illustrer des propos théoriques. Et d’adapter son discours au contexte spécifique de l’entreprise pour être plus percutant.
Le formateur doit aussi être capable de faire preuve d’esprit critique sur sa propre pratique et de prendre du recul. Le formateur est un éternel apprenant et doit être capable de faire évoluer son contenu pour être à jour au maximum. De même, si certaines activités n’ont pas atteint les objectifs fixés, il doit pouvoir les remplacer. Seul lui peut évaluer si l’activité prévue a atteint son but ou si elle doit être modifiée.
Enfin, plusieurs travaux l’ont montré, l’IA présente un risque de reproduction de nos biais. Biais cognitifs que nous avons tous. Mais, au contraire de l’IA, le formateur est capable de les identifier et de reconnaître l’impact de ses biais sur son comportement. Il peut donc aussi travailler dessus et se corriger.
L’IA ne doit pas être considérée par les formateurs comme une menace. Ils ne doivent pas non plus tenter de la concurrencer. Sur certains aspects, l’IA est définitivement plus performante et continuera à s’améliorer. En revanche, le formateur est invité à considérer l’IA comme un véritable outil lui permettant d’être plus efficace dans son activité. Il a donc tout intérêt à se former aux bons usages de l’IA. Et à continuer à cultiver ses softs skills en matière d’intelligence émotionnelle et d’intelligence sociale. Ses formations n’en seront que plus transformatrices pour ses apprenants.