Partager la publication "RH : osez recruter des seniors et réinventer votre culture d’entreprise "
Face à ce constat, les entreprises et les responsables RH sont donc invités — pour ne pas dire contraints — à revoir leur politique de recrutement. Loin d’être un effort pour une meilleure inclusivité, recruter des seniors représente une véritable stratégie permettant d’améliorer la performance globale d’une entreprise. Pour celles et ceux qui en douteraient, voici plusieurs arguments permettant de mettre un terme aux idées reçues contre-productives.
Les idées reçues à propos de l’employabilité des seniors
Les idées reçues sur l’employabilité des seniors contribuent fortement à leur exclusion du marché de l’emploi. Face aux difficultés à recruter dans un certain nombre de secteurs d’activité, les entreprises et les RH tendent progressivement à revoir leur politique sur ce sujet…
Des difficultés à s’adapter aux nouvelles technologies
Les seniors sont perçus comme des experts dans leur domaine de compétence. Ce sont les mentors, les sages de l’entreprise qui performent par leurs années d’expérience professionnelle. Cette image est bien souvent entachée d’idées reçues moins valorisantes : les seniors seraient moins flexibles et présenteraient des difficultés à s’adapter aux nouvelles technologies. Résultat : la majorité des entreprises sont réticentes à recruter des seniors et cantonnent au rôle de mentors ceux déjà présents au sein des employés.
Dès lors, la majorité des seniors admettent se sentir en décalage avec la culture d’entreprise et perdent en motivation au niveau de leur performance au travail. Pourtant, ce fossé générationnel quant aux usages du numérique n’est plus aussi perceptible qu’il y a quelques années.L’usage de l’informatique s’est fortement démocratisé comme l’atteste une étude de Pro Senectute Suisse datant de 20253. Rares sont les seniors qui n’utilisent pas régulièrement les nouvelles technologies dans un cadre privé. De ce fait, les seniors ne présentent pas plus de difficultés que les jeunes actifs à s’adapter aux outils numériques de l’entreprise. Cette idée reçue n’est plus d’actualité en 2025.
Un coût élevé pour l’entreprise
La principale crainte des entreprises au moment de recruter un senior s’oriente inévitablement vers le coût économique d’une telle décision. En effet, un actif âgé de plus de 50 ans présente des compétences et une expérience professionnelle qui justifient un salaire plus élevé qu’un jeune actif. De même, ce dernier peut présenter des faiblesses physiques dues à l’âge pouvant entraîner un absentéisme plus important selon la nature de l’activité.
Ce constat est à relativiser. Les bonnes pratiques de sécurisation et de bien-être au travail permettent aujourd’hui de réduire significativement les arrêts de travail pour maladie. D’après une étude de la Dares datant de 20174, le nombre d’arrêts maladie est à peine supérieur chez les seniors que chez les autres tranches d’âges (4 % chez les seniors, 3,5 % chez les autres actifs). Cependant, il est vrai que la durée des arrêts maladie est plus élevée chez les seniors. Ce « surcoût » est généralement compensé par le faible turn-over et l’opérationnalité immédiate des seniors (absence ou courte période d’adaptation).
Qu’en est-il du salaire ? Le salaire moyen d’un senior en 2021 selon une étude de l’Insee de 20235 est de 2 990 € net par mois. À titre de comparaison, le salaire net mensuel moyen d’un actif de moins de 25 ans est de 1 640 €.
Là encore, nous vous invitons à changer de prisme sur ce coût. Recruter un senior, c’est avant tout un investissement. Un senior présente une expertise, un recul sur l’évolution de son métier et des softs skills (gestion du stress, résilience, leadership, écoute et communication) qui apportent une vraie valeur ajoutée dans le développement économique d’une entreprise.
Comment intégrer les seniors en entreprise ?
C’est un fait : l’intégration d’un senior ne répond pas aux mêmes exigences que celle d’un « junior ». Les responsables RH sont ici en première ligne pour adapter les pratiques de l’entreprise.
Le mentorat inversé pour décloisonner les barrières générationnelles
Au-delà des craintes au moment du recrutement, les responsables RH doivent traiter les problèmes d’intégration des seniors. Les jeunes actifs devant faire leurs preuves et souhaitant monter en compétence peuvent également avoir des a priori vis-à-vis de leurs pairs plus âgés. De là, un fossé peut rapidement se creuser au sein même des équipes, pouvant diminuer la productivité et créer des frictions délétères pour la culture d’entreprise.
Les RH ont ici un rôle important à jouer. Si le concept de mentoring est naturellement présent, avec les seniors qui se positionnent comme tuteur des plus jeunes, un autre concept tend à émerger en France : le mentorat inversé (reverse mentoring). En d’autres termes, il est question ici de faire participer les jeunes actifs à l’intégration de leurs aînés au sein de l’entreprise. Ces derniers ont en effet plusieurs compétences qu’ils peuvent transmettre aux seniors, notamment au niveau des nouvelles technologies.
L’entreprise y est 100 % gagnante, avec une culture d’entreprise renforcée et un coût de formation drastiquement réduit grâce au partage de connaissances intergénérationnel.
Cette stratégie a déjà fait ses preuves chez de grands groupes, tels que BNP Paribas, Danone, EDF ou bien encore Axa.
Par exemple, le groupe BNP Paribas a publié sur son site différents témoignages concernant sa stratégie de Digital Reverse Mentoring6. L’on peut notamment y lire un témoignage d’un senior ayant bénéficié de ce mentorat inversé : « Personnellement, j’ai appris beaucoup de choses. J’utilise très peu les réseaux sociaux dans le domaine professionnel et encore moins en dehors. (…) J’ai découvert la manière dont fonctionnent les différentes communautés d’utilisateurs sur les différentes plateformes. J’ai compris, par exemple, que pour joindre un service client, il valait mieux passer par Twitter que de perdre 20 minutes à essayer de joindre une entreprise par téléphone. »
Adapter l’intégration au profil senior
Les seniors qui intègrent une entreprise n’ont généralement pas besoin d’une phase d’intégration aussi longue que les jeunes recrues. Leurs expériences variées au cours de leur carrière leur permettent de s’adapter facilement à différents cadres de travail. Un accompagnement basé sur la présentation de la culture d’entreprise et sur les process internes suffit bien souvent à garantir leur intégration et leur opérationnalité.
Les RH peuvent dès lors établir un onboarding spécialement adapté aux plus de 50 ans et former les managers à l’intégration des seniors.
De même – dans une optique de politique RSE vertueuse – les entreprises peuvent adapter l’environnement de travail aux besoins des plus âgés (horaires aménagés, temps partiel, télétravail, mobilier ergonomique…).
Proposer des formations et des évolutions professionnelles
L’ennemi de toute motivation en entreprise est l’absence d’évolution professionnelle. Cette absence de perspective fait généralement écho à un manque de formation ou à l’approche d’une fin de carrière.
Les seniors sont donc en première ligne face à cette exclusion progressive. La formation continue permet de maintenir l’employabilité des seniors, tout en renforçant leur estime de soi.
Les perspectives d’évolution professionnelle permettent également de maintenir la motivation des seniors. Les propositions à leur soumettre ne sont pas forcément des évolutions verticales (promotion) au vu du profil de ses actifs. Les entreprises peuvent néanmoins proposer des évolutions transversales ou des missions temporaires spécifiques. L’objectif ici est de ne pas restreindre les seniors à des postes figés, pouvant réduire leurs capacités d’adaptation.
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- Mettre en œuvre des solutions pour prévenir ces risques.
Quelles sont les aides proposées pour l’emploi des seniors ?
Au-delà des bonnes pratiques en interne, différents dispositifs proposés par l’État ont aussi pour objectif de favoriser l’insertion des plus de 50 ans sur le marché du travail.
Le CDD senior
Toutes les entreprises dans le secteur privé peuvent recourir au CDD senior (article L1242-3 et D1242-2 du Code du travail). Les principales conditions à respecter sont les suivantes :
- recruter un salarié âgé de plus de 57 ans ;
- recruter un salarié qui est inscrit depuis plus de 3 mois à France Travail ou bénéficiaire d’un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) après un licenciement ;
- respecter une durée de contrat de 18 mois maximum, avec un renouvellement possible qui ne peut excéder au total 36 mois cumulés au contrat initial.
Le principal avantage de ce type de contrat pour un employeur est l’absence de motifs légaux pour y recourir (ex. : remplacement d’un salarié absent). En effet — contrairement aux CDD classiques — le CDD senior peut être proposé dans le cadre d’une activité normale au sein de l’entreprise.
Le contrat de professionnalisation des seniors
Pour rappel, le contrat de professionnalisation permet de se former en alternance avec un emploi en entreprise. Bien que ce type de contrat soit généralisé au sein des jeunes actifs, il reste pertinent auprès des seniors soucieux de maintenir leur employabilité.
En contrepartie de leur proposer une formation en interne, les entreprises peuvent bénéficier d’une aide de 2 000 € pour l’embauche d’un salarié de plus de 45 ans sous ce type de contrat (décret n° 2011-524 du 16 mai 2011).
Pour conclure, l’emploi des seniors aujourd’hui ne répond pas uniquement à une exigence de responsabilité sociale. Les entreprises qui saisissent la valeur ajoutée de ces profils peuvent ainsi établir une stratégie d’intégration des seniors au service de la performance collective. Ces profils d’actifs apportent leur expérience, leurs softs skills solidement ancrées et leur détermination à prouver qu’ils ne sont pas sur « la touche ».
Face aux contraintes que peuvent rencontrer les entreprises (coût plus élevé, difficulté d’intégration, nécessité d’adapter les conditions de travail…) différentes pratiques et aides d’État leur sont proposées. Les responsables RH jouent dès lors le rôle d’intermédiaire entre le dirigeant, les salariés déjà en poste et les seniors postulant. Ces derniers doivent faire preuve d’innovation et d’adaptabilité, afin de permettre aux entreprises de tirer pleinement profit de la valeur ajoutée des seniors.
Si vous souhaitez en savoir davantage sur l’emploi des seniors, vous pouvez consulter notre livre blanc « Emploi des seniors : quels enjeux pour les RH ? » dédié à ce sujet et suivre nos formations « Gestion des seniors ».
Références :
- Les seniors sur le marché du travail en 2023 | Dares Résultats, septembre 2024 n°55
- Projections de population active : le nombre d’actifs diminuerait à partir de 2040 − Emploi, chômage, revenus du travail | Insee. (s. d.).
- Magnolia International Ltd. (s. d.). Digital Seniors 2025. Pro Senectute Suisse
- Les seniors au travail – La durée du travail est-elle plus faible à l’approche de la retraite ? | Dares Analyses, août 2017 n°050
- Salaires dans le secteur privé : caractéristiques des individus − Emploi, chômage, revenus du travail | Insee. (s. d.).
- BNP Paribas Personal Finance. (2019, 23 avril). Le Digital Reverse Mentoring est LA solution pour sortir du clivage digital générationnel