Partager la publication "Fusion-acquisition : et si les RH étaient les vrais architectes de la réussite ?"
Une étude révèle un constat sidérant : 70% des fusions-acquisitions échouent, principalement à cause de la mauvaise gestion des aspects humains. Dans le même temps, seulement 7% des acquéreurs font du capital humain une priorité, et à peine 3% du budget d’intégration est consacré aux ressources humaines selon Mercer.
Paradoxe troublant : jamais les entreprises n’ont autant investi dans les opérations de croissance externe – et jamais elles n’ont autant négligé l’élément qui détermine leur réussite. Car pendant que les directions générales orchestrent la mécanique financière, ce sont les RH qui tiennent entre leurs mains le véritable succès de l’opération.
Cette contradiction révèle un angle mort majeur dans la conduite des fusions-acquisitions. Et si nous nous étions trompés sur toute la ligne ? Et si, plutôt que de cantonner les RH au rôle de « gestionnaires des conséquences », nous en faisions les vrais architectes de la transformation ?
Le grand malentendu : les RH, pompiers de service ou architectes stratégiques ?
Le mythe de la « gestion administrative »
Nous voilà face à l’un des plus tenaces malentendus du monde des affaires : l’idée que les RH « gèrent les conséquences » pendant que les autres « font la stratégie ». Cette vision réductrice transforme chaque DRH en pompier de service, appelé après l’incendie pour « rassurer les troupes » et « gérer les résistances ».
Mais attention au piège ! Les chiffres démolissent cette représentation fausse. Selon Mercer, 60% des échecs de fusion-acquisition sont directement attribuables aux enjeux liés à la main-d’œuvre : mauvaise communication, cultures négligées, talents qui partent. Dans le même temps, 55% des employés se déclarent anxieux durant une fusion, et 40% se sentent déstabilisés après l’opération.
Cette équation révèle une vérité dérangeante : les RH ne subissent pas la fusion, ils la font réussir ou échouer. Leur intervention n’est pas corrective mais déterminante.
L’erreur stratégique des directions générales
L’exemple le plus frappant ? La fusion entre sennder et Everoad, deux entreprises du transport routier. Selon un article des Echos, lorsque ces 270 et 80 collaborateurs respectifs ont dû fusionner, la direction a d’abord misé sur les synergies techniques. Résultat : incompréhensions culturelles, tensions franco-allemandes sur des détails apparemment anodins (réunions entre 12h et 14h acceptables outre-Rhin, pas en France), et un climat social qui se dégradait.
Le déclic ? La mise en place d’une PMI (Post Merger Integration) de huit mois, pilotée par les RH. Cette approche méthodique a transformé l’échec annoncé en succès reconnu, prouvant que l’investissement humain initial détermine la rentabilité finale de l’opération.
Car voici la réalité que les directions générales peinent à accepter : dans un monde où les entreprises « people-centric » affichent un retour sur actifs supérieur de 17 points à la moyenne, négliger l’humain revient à saborder sa propre croissance.
Les trois missions secrètes que les RH mènent déjà
Pendant que les comités de direction théorisent encore sur « l’importance du facteur humain », les RH les plus aguerris ont déjà révolutionné leur approche. Ils ne gèrent plus : ils anticipent, expérimentent et transforment. Trois missions émergent des réussites les plus spectaculaires.
Mission #1 : Détectives culturels
La première révolution se joue en amont, bien avant la signature des accords. Les RH deviennent des « détectives culturels » qui traquent les incompatibilités invisibles. Car derrière chaque échec de fusion se cache une méconnaissance des codes non-écrits qui régissent réellement le fonctionnement des organisations.
L’exemple le plus frappant ? Le rachat d’OCTO Technology par Accenture en 2017. Face à un géant de 400 000 salariés, cette PME de 300 collaborateurs aurait pu être broyée. Mais la DRH Nathalie Avramesco a mené une enquête minutieuse : « Comment les décisions sont-elles prises ? En associant les salariés ? Comment l’info circule-t-elle ? Par la voie hiérarchique ? Tous ces détails ont leur importance car ils décrivent comment fonctionne l’entreprise. »
Résultat de cette investigation ? Deux ans de travail pour construire un « modèle spécifique d’acquisition », une première dans la politique de rachat d’Accenture. OCTO a conservé sa marque, son nom, sa culture, et continue de croître (750 salariés aujourd’hui).
Cette mission révèle une vérité dérangeante : l’audit RH découvre ce que les due diligences financières ne voient jamais. Les vraies synergies ou les incompatibilités rédhibitoires se nichent dans les habitudes quotidiennes, pas dans les organigrammes.
Mission #2 : Architectes de l’intégration
Exit le mythe de la « transmission descendante » où l’entreprise absorbante impose ses méthodes. Les RH innovants créent de véritables laboratoires d’expérimentation pour faire émerger « le meilleur des deux mondes ».
Chez sennder, cette approche a pris la forme d’une PMI révolutionnaire. « L’idée était de prendre le meilleur de chaque côté et d’établir des lignes conductrices communes », explique Laura Corcos, DRH France. Concrètement ? Un audit complet des manières de travailler, processus et outils, « étape par étape », pour identifier la nouvelle organisation de demain.
Cette méthode chamboule les codes traditionnels. Plutôt que de plaquer la culture dominante, elle transforme la fusion en co-création. Les équipes passent du temps ensemble via des activités de cohésion (cours de cuisine, yoga), découvrent les bureaux berlinois lors d’un onboarding immersif, et participent à une « sennder academy » où les fondateurs partagent l’ADN de l’entreprise.
Le résultat ? Une intégration réussie où les collaborateurs d’Everoad se sont approprié la culture sennder sans renier leur identité française. L’innovation organisationnelle naît de cette hybridation assumée.
Mission #3 : Communicants de crise nouvelle génération
La troisième mission dépasse largement la communication RH classique. Les RH deviennent des « gestionnaires d’anxiété collective » qui transforment l’incertitude en énergie positive.
L’arme secrète de sennder ? L’outil Peakon qui mesure l’engagement via un Net Promoter Score adapté à l’intégration post-fusion. « Nous avons conçu des questions spécifiques liées à l’intégration pour suivre les ressentis des employés dans ce contexte bien particulier », détaille Laura Corcos.
Mais voici le génie de cette approche : quand les réponses ont révélé un besoin accru de communication, l’équipe RH a immédiatement réagi. Newsletters internes, réunions collectives, sessions de questions-réponses, entretiens trimestriels supplémentaires…
Cette sur-communication assumée révolutionne la gestion de crise. Plutôt que de « rassurer » par des messages convenus, elle crée un dialogue permanent qui transforme les résistances en adhésion active.
Mode d’emploi : les trois leviers qui changent tout
Mais comment concrètement transformer ces missions secrètes en avantage concurrentiel ? Trois leviers émergent des entreprises les plus innovantes, testés et approuvés par ceux qui ont réussi là où d’autres ont échoué.
Révolutionner le timing d’intervention : fini l’after
Première révolution organisationnelle : impliquer les RH dès la due diligence, pas après la signature. Cette approche chamboule les habitudes où les RH découvrent l’opération en même temps que les salariés dans le communiqué de presse officiel.
Les entreprises pionnières ont compris l’équation : chaque jour d’avance pris par les RH évite des semaines de rattrapage post-fusion. Concrètement ? Participer aux comités de pilotage, auditer les cultures en parallèle des finances, identifier les talents clés à retenir avant qu’ils ne reçoivent des offres de la concurrence.
Le ROI de cette anticipation ? Spectaculaire. Les entreprises « people-centric » qui investissent massivement dans l’humain dès le démarrage affichent un retour sur actifs supérieur de 17 points à la moyenne. L’investissement initial se transforme en performance durable.
Créer des outils de mesure révolutionnaires
Exit l’intuition et les « ressentis » pour piloter l’intégration. Les RH les plus aguerris développent des baromètres sur-mesure qui transforment l’anxiété collective en données actionnables.
L’exemple le plus frappant reste l’outil Peakon chez sennder, détourné de son usage classique pour créer un véritable « NPS d’intégration ». Des questions spécifiques mesurent la perception de la fusion toutes les deux semaines : soutien managérial, clarté de la communication, confiance dans l’avenir…
Mais voici le génie de cette approche : ces outils ne se contentent pas de mesurer, ils orientent l’action. Quand les scores révèlent un besoin accru de communication, les initiatives se déploient immédiatement. Newsletters dédiées, sessions Q&A, entretiens trimestriels supplémentaires… Le feedback devient prédictif plutôt que réactif.
Cette transformation du pilotage génère un avantage concurrentiel redoutable : pendant que les autres découvrent leurs problèmes RH dans les sondages de fin d’année, ces entreprises ajustent en temps réel.
Transformer les contraintes légales en atouts stratégiques
Troisième levier méconnu : faire de l’obligation légale un levier d’adhésion. Car derrière chaque contrainte réglementaire se cache une opportunité de créer de la valeur.
L‘article L1224-1 du Code du travail, qui impose le maintien automatique des contrats ? Il devient un message rassurant pour sécuriser les équipes inquiètes. La consultation obligatoire du CSE ? Elle se transforme en moment d’écoute privilégié pour identifier les vraies préoccupations et ajuster la stratégie d’intégration.
Votre formation sur ce thème
CONDUIRE UNE MISSION D’AUDIT RH
2 jours – En présentiel ou à distance
- Conduire une mission d’audit RH en utilisant une méthodologie rigoureuse.
- Préciser les attentes des commanditaires pour élaborer et finaliser le cahier des charges de l’audit.
- Prioriser les principaux risques RH dans l’entreprise.
- Formuler des objectifs d’audits RH (Recrutement, GEPP, formation, contrat de travail, paie).
- Définir le dispositif de recueil et d’analyse des informations nécessaires (entretiens, tests, analyse causale).
Une vérité qui dérange
L’équation implacable des coûts cachés
Voici la réalité que personne n’ose formuler dans les comités de direction : une fusion mal accompagnée coûte plus cher qu’un accompagnement RH renforcé. Combien d’entreprises découvrent six mois après la fusion que leurs meilleurs éléments sont partis chez la concurrence ? Combien mesurent trop tard l’impact de la démotivation sur la productivité ? L’innovation frugale des RH – faire mieux avec moins – génère un retour sur investissement que les cabinets de conseil facturent dix fois plus cher.
L’urgence générationnelle que tout le monde ignore
Mais voici la vérité qui dérange vraiment : la génération qui arrive sur le marché du travail ne tolérera plus l’amateurisme managérial. Ces jeunes talents, qui considèrent qu’« aimer son travail constitue un prérequis absolu au bonheur », scrutent la gestion des fusions comme un révélateur de la maturité RH de leur futur employeur.
Dans un contexte où 800 000 postes seront à pourvoir chaque année d’ici 2030, les entreprises qui bâclent leurs intégrations humaines se privent des talents de demain. Car cette génération partage une exigence commune : travailler dans des organisations qui savent conduire le changement avec bienveillance et professionnalisme.
L’ironie de la situation ? Pendant que les directions générales se battent pour attirer les meilleurs profils avec des packages salariaux toujours plus attractifs, elles sabordent leur marque employeur en négligeant la dimension humaine de leurs transformations. Les RH ne sont plus les pompiers de service : ils deviennent les garants de l’attractivité future de l’entreprise