Génération Z vs Code du travail : le choc des valeurs

Bien souvent incomprise au sein des entreprises, la génération Z est vectrice de réels bouleversements dans l’organisation du travail et le principe de subordination hiérarchique inscrit dans le Code du travail.

La quête de sens dans le milieu professionnel ainsi que le désir de conditions de travail plus flexibles incitent au dialogue entre employeurs, responsables RH et cette nouvelle génération de salariés…

Génération Z vs Code du travail : le choc des valeurs
Et si la génération Z était en train de réécrire les règles du travail ? Découvrez comment leurs valeurs bousculent le Code du travail et redessinent les contours du management.

Une génération militante

Nos aînés ont milité pour des droits sociaux qui nous seraient difficiles aujourd’hui de ne plus considérer comme des acquis, tels que les congés payés. La génération Z quant à elle semble vouloir apporter sa pierre à l’édifice, en militant pour une meilleure reconnaissance de leur travail et des conditions de travail plus flexibles.

Selon une étude de l’entreprise de sondage Ipsos du 18 juin 20241, les chefs d’entreprise considèrent que seulement 4 % de cette génération de salariés sont prêts à effectuer des heures supplémentaires qui ne sont pas payées en cas de pic d’activité. À côté de ce constat, ces mêmes chefs d’entreprises estiment que 72 % de ces jeunes travailleurs sont particulièrement attentifs à respecter un équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle.

Cette quête vers une carrière professionnelle épanouissante est de plus en plus relayée par cette génération maîtrisant parfaitement les codes des réseaux sociaux. Ce partage massif de revendications contre le patronat « à l’ancienne » ne fait qu’accroître ce phénomène.

Pour ne citer qu’une influence parmi tant d’autres qui se revendique militante du bien-être au travail, Laurène Lévy (154 k d’abonnés sur Instagram et 360 k d’abonnés sur Tik Tok) partage sans détour sa vision du salariat jugé obsolète et parfois toxique. « Si tu travailles très dur, tu vas forcément réussir… moi je n’y crois pas », voici un exemple de propos qui atteste d’un certain désenchantement de la génération Z face au principe de la méritocratie.

Mais derrière cette quête de reconnaissance se cache un paradoxe : le contrat de travail en France repose sur un lien de subordination. L’obligation pour le salarié d’exécuter les instructions de son employeur peut ainsi créer des tensions, autant sur le plan juridique que managérial.

Le Code du travail : un modèle construit sur la subordination

Le lien de subordination est le pilier fort du salariat. La Cour de cassation le définit depuis 1996 comme « l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements du subordonné ». La contrepartie à ce lien de subordination est le versement d’un salaire accompagné des avantages sociaux qui s’y attachent (protection sociale, mutuelle d’entreprise, congés payés, chômage…). C’est notamment cette relation hiérarchique qui distingue le salarié du travailleur indépendant.

Or, les salariés de cette génération souhaitent être considérés davantage comme des partenaires de leur employeur plutôt que des exécutants. Ces derniers souhaitent ainsi négocier des conditions de travail à mi-chemin entre le prestataire indépendant et le salarié. Ce tournant déstabilise bien des dirigeants d’entreprises appartenant pour la plupart aux générations précédentes.

Peut-on diriger efficacement une entreprise sans lien de subordination ?

L’idée paraît séduisante pour les salariés nouvelle génération : travailler en équipe, sur la base de la confiance et sans hiérarchie formelle. Certaines entreprises s’y essaient, inspirées par des multinationales se revendiquant avant-gardistes sur ce sujet (ex. : Google qui a mis en place un programme bien-être de ses salariés).

Cependant — sur le plan juridique — le lien de subordination demeure. Même dans les structures les plus flexibles, un supérieur hiérarchique est toujours désigné, ne serait-ce que pour attribuer les postes de travail, appliquer des sanctions disciplinaires…

Le management peut néanmoins s’exprimer autrement, avec notamment :

  • une responsabilisation accrue des salariés face à leur initiative, pour une meilleure reconnaissance de leurs compétences ;
  • une plus grande autonomie dans la gestion de leur mission quotidienne ;
  • des feedback basés sur un rapport horizontal ;
  • la prise de co-décisions sur les objectifs à atteindre, afin d’intégrer pleinement les salariés dans la réussite de l’entreprise et ainsi encourager la fidélité des employés.

Pour certains, l’avenir du contrat de travail s’orienterait davantage vers un contrat de collaboration salariale, à mi-chemin entre le contrat de travail et le contrat de prestation de services.

Flexibilité au travail : la quête d’un nouveau pacte social

La génération Z réclame plus de souplesse dans leurs conditions de travail :

  • horaires aménageables ;
  • télétravail ;
  • possibilité de travailler en remote depuis l’étranger ;
  • cumuler plusieurs activités professionnelles (ex. : emploi salarié pour la sécurité de l’emploi et gestion d’une entreprise individuelle pour concrétiser un projet entrepreneurial).

Le Code du travail, conçu à l’ère industrielle du XXᵉ siècle, peine parfois à suivre. Le télétravail massivement utilisé pendant la pandémie a été un tournant. Le recours au télétravail est encadré par l’accord national interprofessionnel de 2020, mais reste basé sur le principe de la réversibilité et la négociation.

Or, pour de nombreux jeunes salariés, le télétravail devrait être perçu comme une norme et non un avantage.

Les entreprises s’adaptent tant bien que mal. Certaines proposent une semaine hybride, d’autres des contrats de mission, voire un statut de « digital nomad salarié » dans les groupes internationaux.

Mais cette flexibilité n’est pas forcément adaptée aux contraintes légales : lieu d’exécution du contrat, obligations de sécurité de l’employeur, assurance…

Le rêve d’un salariat « à la carte » se heurte donc à une réalité : la loi française protège le salarié, mais encadre l’exécution du contrat de travail.

Droit à la déconnexion : un équilibre fragile sujet aux controverses

L’un des combats de cette nouvelle génération est le respect de la frontière entre vie pro et vie perso. La génération Z veut pouvoir totalement se déconnecter du travail pendant les jours de repos. Ce droit est reconnu par l’article L.2242-17 du Code du travail, mais ses conditions d’application restent sujettes à interprétation avec les nouveaux modes de communication (CRM, Slack avec notifications sur smartphone, etc.).

Les entreprises sont invitées à négocier des chartes de déconnexion, mais leur efficacité dépend de la culture interne de l’entreprise et du plan de continuité d’activité (PCA).

La génération Z — hyperconnectée — oscille donc entre la liberté de communiquer facilement en ligne avec les collègues et la charge mentale qui peut en découler. 

Liberté d’expression au travail : un nouveau terrain de tension

Les jeunes salariés ne souhaitent plus uniquement répondre aux ordres de leur supérieur. Ces derniers veulent également pouvoir s’exprimer, débattre et même contester certaines directives sans que cela soit mal perçu.

Si la liberté d’expression au travail est garantie par la Constitution (article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen) et le Code du travail (article L.1121-1 du Code du travail), cette dernière connaît également des limites. Les propos d’un salarié ne doivent pas être abusifs, diffamatoires ou nuire à l’entreprise.

La Cour de cassation dans un arrêt du 11 avril 2018 rappelle ainsi que « (…) l’exercice de cette liberté ne peut justifier une sanction disciplinaire que s’il est établi qu’il a dégénéré en abus par l’emploi de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs (…) ».

Les réseaux sociaux compliquent la donne. Entre posts militants, dénonciations de comportements managériaux ou prises de position publiques, les frontières entre vie privée et vie professionnelle se floutent et les litiges se multiplient. 

L’entreprise face à la quête de sens de ses salariés

Pour les 18-28 ans, le travail n’est plus seulement un moyen de subvenir à ses besoins financiers. Le choix de l’entreprise qui les emploie est également un moyen à part entière de s’épanouir en tant qu’individu, dans le respect des valeurs qu’ils prônent. Ce constat est particulièrement marqué concernant la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

Selon une enquête réalisée par Harris Interactive Toluna pour Challenges en ligne du 11 au 14 mars 20222, 70 % des moins de 30 ans refuseraient un poste qui contredirait leurs valeurs écologiques ou sociales.

Certaines entreprises ont donc pris le parti d’associer des salariés volontaires à certaines décisions prises en interne, favorisant le mentorat plutôt que la hiérarchie.

Ce mouvement reste néanmoins marginal. Nombreuses sont les entreprises qui peinent à concilier valeurs humaines, contraintes écologiques et contraintes économiques.

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Le futur du travail : mutation ou véritable rupture ?

Face à ces bouleversements sociétaux, le droit du travail tente de s’adapter.

Certains experts plaident pour une évolution du contrat de travail vers plus de souplesse, sans pour autant renoncer à la protection offerte par le salariat. Le lien de subordination pourrait ainsi être remplacé par un lien de coopération. Le salarié conserve ses droits tout en participant à la gouvernance s’il le souhaite. Cette évolution supposerait un changement culturel autant que juridique.

Par ailleurs, les représentants de cette génération Z clament haut et fort ne pas rejeter le travail en tant que tel, mais souhaitent le réinventer. Les jeunes salariés sont de plus en plus nombreux à refuser le rapport de verticalité imposé par le Code du travail, mais pas l’engagement auprès de leur employeur. Ces derniers veulent devenir acteurs à part entière du développement de l’entreprise qui les emploie, non de simples exécutants.

Les DRH sont donc invités à comprendre cette nouvelle dynamique. D’après le témoignage de Elizabeth Faber – DRH monde du géant de l’audit Deloitte — lors d’un entretien avec le média Les Échos3, « Les jeunes générations attendent de leurs managers que la culture de la performance mise en place leur permette de conserver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Ils veulent aussi que leurs chefs soient des “coachs” qui les guident et les motivent. Et ils regrettent que, la plupart du temps, les managers soient surtout là pour les superviser sur les tâches quotidiennes »

Génération Z : le grand malentendu… ou une réelle opportunité ?

Le face-à-face entre la génération Z et leurs aînés au sein des entreprises peut occasionner des tensions.

Les moins de 28 ans cherchent de plus en plus de sens dans l’exercice d’une profession, ainsi que de la flexibilité dans l’exécution de leur emploi. Le droit quant à lui garantit la sécurité, la prévisibilité et la responsabilité.

 L’enjeu qui se dessine n’est pas de supprimer le lien de subordination, mais de le redéfinir sur la base d’une relation professionnelle plus collaborative et horizontale.


Références :

  1. Quel rapport la Gen Z entretient-elle avec l’entreprise ? (2024, 18 juin). Ipsos.
  2. Toluna & Harris Interactive. (2023, juillet). Les jeunes et la prise en compte des enjeux écologiques dans les études et le monde du travail. Pour un Réveil Écologique.
  3. Dumeau, S. (2025, 25 juin). Les jeunes générations veulent des coachs qui les guident et qui les motivent, pas des managers qui les supervisent au quotidien. Les Echos.

 

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