Inclusion & handicap : sortir enfin de la communication pour passer à l’action

62% des dirigeants affirment que l'inclusion du handicap est stratégique. Pourtant, dans les faits, seulement 3,6% de taux d'emploi réel dans les entreprises de plus de 20 salariés – bien loin des 6% imposés par la loi. Vingt ans après la loi de 2005, la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées (SEEPH) revient avec son cortège habituel : discours inclusifs, webinaires inspirants, campagnes de communication bien huilées.

Mais entre les intentions affichées et la réalité du terrain, le fossé reste vertigineux. 76% du grand public perçoit l'embauche de personnes handicapées comme difficile, et 30% des entreprises concernées n'emploient strictement aucun travailleur handicapé. Pire encore : le taux de chômage des personnes handicapées plafonne à 12%, soit près du double de la moyenne nationale.

Alors, cette année, plutôt que de refaire le tour des bonnes intentions, passons aux actes. Comment transformer enfin ces 62% de dirigeants convaincus en 62% d'entreprises qui agissent vraiment ?

Inclusion & handicap : sortir enfin de la communication pour passer à l'action
Inclusion et handicap : pourquoi, 20 ans après la loi, les entreprises restent bloquées au stade des intentions ? Découvrez les leviers concrets pour passer enfin à l’action.

Pourquoi l’inclusion handicap reste-t-elle au stade de l’intention ? 

Le décalage entre discours et réalité ne tombe pas du ciel. Il s’explique par une série de blocages qui se renforcent mutuellement et paralysent l’action.

Premier frein : la stigmatisation qui ne recule pas. Malgré vingt ans de sensibilisation, 76% du grand public considère toujours l’embauche d’une personne handicapée comme difficile. Cette représentation façonne les décisions RH bien plus sûrement que n’importe quelle politique d’inclusion affichée. Résultat : face à deux CV équivalents, le candidat sans mention de handicap l’emporte neuf fois sur dix.

Deuxième obstacle : les handicaps invisibles, angles morts du management. Maladies chroniques, troubles psychiques, handicaps cognitifs – ils représentent 80% des situations de handicap mais demeurent largement incompris dans les organisations. Les managers, démunis face à ces réalités qu’ils ne voient pas, préfèrent souvent ne rien faire plutôt que de mal faire. Cette paralysie se traduit par un refus d’adaptation pourtant légalement obligatoire.

Troisième frein : l’adaptation des postes reste théorique. Seulement 36% des entreprises vérifient systématiquement l’accessibilité de leurs logiciels, alors même que le télétravail est identifié comme levier d’inclusion par 56% d’entre elles. Les aménagements ergonomiques ? Souvent perçus comme coûteux alors que l’Agefiph finance jusqu’à 80% des adaptations.

Dernier blocage : le fossé entre grandes entreprises et PME. 70% des grandes entreprises disposent d’un référent handicap contre seulement 18% des PME. Or ce sont précisément ces PME qui créeront la majorité des emplois dans les prochaines années. Sans accompagnement dédié, l’inclusion y reste un vœu pieux coincé entre urgences opérationnelles et méconnaissance des dispositifs d’aide.

Cette accumulation de freins transforme l’obligation légale en simple ligne budgétaire : plutôt que d’embaucher, 30% des entreprises préfèrent payer la contribution. Pourtant, des organisations prouvent chaque jour qu’agir concrètement n’est ni complexe ni ruineux. Et que ça marche.

Quand les entreprises passent vraiment à l’action : 4 exemples concrets 

Pendant que certains organisent leur énième webinaire sur l’inclusion, d’autres agissent. Voici quatre entreprises qui ont transformé leurs intentions en résultats mesurables – avec des approches radicalement différentes mais tout aussi efficaces.

Auticon : le modèle radical qui fonctionne

Auticon a choisi la stratégie du 100% : l’entreprise emploie exclusivement des personnes autistes comme consultants en informatique. Pas de quota, pas de politique d’inclusion à la marge – le handicap devient le cœur du modèle économique.

Concrètement ? Adaptation complète des processus de recrutement (entretiens structurés, tests techniques plutôt que discussions informelles), aménagements sur mesure (environnement de travail adapté, horaires flexibles, espaces de décompression), et formation systématique des équipes clients. 

Le résultat ne se limite pas à de bons sentiments : cette approche a amélioré la communication interne et renforcé la coopération, tout en valorisant des compétences spécifiques (attention aux détails, rigueur analytique) particulièrement recherchées dans le secteur IT.

Decathlon : 25 ans d’engagement, pas un coup de com’

Depuis 1999, Decathlon déploie une Mission Handicap qui ne se contente pas d’affichage. L’objectif ? Rendre tous les postes accessibles, du vendeur en magasin au chef de rayon en passant par les équipes logistiques.

La méthode : adaptation systématique des outils de travail, formation continue des managers, et surtout, une culture d’entreprise qui considère le handicap comme une dimension normale de la diversité des équipes. Résultat tangible : un taux d’emploi qui dépasse largement l’obligation légale, et une réputation d’employeur inclusif qui facilite désormais les recrutements.

Le Carré : la PME qui maintient dans l’emploi 

Dans cette entreprise du Pays de Château-Gontier, la direction a aménagé le poste d’un régisseur de plateau en partenariat avec l’Agefiph et la Carsat. Le cas d’école du maintien dans l’emploi réussi.

L’approche pragmatique : achat de matériel ergonomique, réorganisation des tâches, ajustements d’horaires. Le coût réel pour l’entreprise ? Minime, grâce aux financements de l’Agefiph. Le bénéfice ? Spectaculaire : non seulement le collaborateur concerné a conservé son emploi, mais les adaptations ont profité à l’ensemble de l’équipe. Amélioration des conditions de travail pour tous, renforcement de la cohésion, et un message clair : ici, on ne lâche personne.

ADP GSI : l’accompagnement par des professionnels

ADP GSI a créé une Mission Handicap qui travaille main dans la main avec Cap Emploi pour le recrutement et le suivi des collaborateurs handicapés. Pas de bricolage : un partenariat structuré avec des experts.

Cap Emploi intervient dans la sélection des candidatures, accompagne l’intégration, puis assure un suivi régulier avec des visites sur site. Cette externalisation partielle du dispositif rend les démarches de maintien dans l’emploi bien plus efficaces. Les RH internes ne sont pas seules face aux difficultés, et les collaborateurs handicapés disposent d’un interlocuteur neutre en cas de besoin. 

Comme le résume Jean-François Dufresne, ancien DG d’Andros qui a intégré des personnes autistes en usine : « L’entreprise est gagnante économiquement et socialement ».

Ces quatre exemples partagent un point commun : ils ont tous dépassé le stade des déclarations d’intention pour construire des dispositifs opérationnels. Reste à transformer ces bonnes pratiques en leviers d’action réplicables pour les RH qui veulent vraiment agir.

Les 5 leviers d’action pour les RH qui veulent vraiment agir  

Assez parlé des autres. Passons aux outils concrets que vous pouvez déployer dès demain dans votre organisation. Pas de grandes théories, juste des leviers qui ont fait leurs preuves.

Levier 1. Sensibiliser avant tout (et après aussi)

Impossible d’avancer sans déconstruire les représentations. La Fresque de l’inclusion, inspirée de la Fresque du climat, propose un dispositif ludique de 2h30 pour 5 à 7 personnes. Six phases progressives : formes de handicap, réalités vécues, ressentis des personnes concernées, innovations du quotidien, actions en entreprise, engagements individuels.

Autre option : le Duoday, qui fait découvrir les métiers en binôme. L’objectif ? Briser la glace, démystifier le handicap, et prouver par l’exemple que c’est possible. Mais attention : la sensibilisation n’est pas un événement ponctuel. Elle doit irriguer les formations management, les onboarding, les rituels d’équipe. Un manager qui n’a jamais été formé à ces sujets ne peut pas agir efficacement.

Levier 2. S’appuyer sur les acteurs spécialisés (vous n’êtes pas seuls)

Arrêtez de réinventer la roue. Cap Emploi accompagne gratuitement le recrutement et le suivi, l’Agefiph finance jusqu’à 80% des adaptations de postes, et les services de santé au travail proposent des diagnostics ergonomiques. Ces organismes existent précisément pour mutualiser les ressources et simplifier vos démarches.

Le partenariat avec Cap Emploi s’avère particulièrement efficace : ils présélectionnent les candidatures, facilitent l’intégration, puis assurent un suivi régulier. Pour les PME qui n’ont ni les moyens ni l’expertise d’un référent handicap à temps plein, cette externalisation partielle change radicalement la donne.

Levier 3. Adapter les postes (vraiment, pas sur le papier) 

L’adaptation ne se limite pas au fauteuil roulant et à la rampe d’accès. Elle concerne aussi – et surtout – les outils numériques, l’organisation du temps de travail, et l’ergonomie cognitive. Seulement 36% des entreprises vérifient l’accessibilité de leurs logiciels, alors que cette vérification prend deux heures et coûte zéro euro.

Le télétravail, identifié comme levier d’inclusion par 56% des entreprises, nécessite lui aussi des ajustements : vérifier la qualité de connexion, adapter les outils de visio, prévoir des aménagements d’horaires pour les rendez-vous médicaux. Rien d’insurmontable – mais ça ne se fait pas tout seul. L’adaptation réelle commence par une question simple : « De quoi avez-vous besoin pour travailler dans de bonnes conditions ? » Et surtout : écouter vraiment la réponse.

 Levier 4. Nommer un référent handicap (surtout dans les PME)

70% des grandes entreprises ont un référent handicap, contre 18% des PME. Ce fossé explique en partie pourquoi l’inclusion avance à deux vitesses. Le référent handicap n’est pas un luxe de grand groupe : c’est un point de contact identifié pour les collaborateurs et candidats, une personne légitime pour porter le sujet en interne, et un interlocuteur formé face aux organismes externes.

Dans les structures de moins de 50 salariés, cette mission peut être portée à temps partiel par un RH généraliste formé. L’essentiel ? Que quelqu’un endosse officiellement cette responsabilité et dispose du temps nécessaire pour la mener. En matière de droits des salariés handicapés et le rôle des RH dans leur application, les obligations légales restent le socle minimal de toute politique d’inclusion.

Votre formation sur ce thème

 DE L’INTÉGRATION AU MAINTIEN DANS L’EMPLOI DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP 

2 jours – En présentiel ou à distance

  • Analyser le cadre législatif de l’intégration et du maintien dans l’emploi des collaborateurs en situation de handicap.
  • Distinguer le rôle de chacun des acteurs dans l’accompagnement et le maintien de l’employabilité des personnes handicapées.
  • Intégrer les spécificités du management d’équipe afin d’anticiper les difficultés potentielles.
  • Identifier toutes les composantes de la situation pour être force de proposition de solutions.

Levier 5. Intégrer le handicap dans la politique RH globale (pas un sujet annexe) 

Le handicap n’est pas une problématique à traiter en silo lors de la SEEPH. Il s’intègre naturellement dans les accords d’entreprise, les plans de formation, les processus de recrutement, les entretiens annuels. Une politique emploi handicap ne peut se faire qu’en concertation collective, impliquant managers, représentants du personnel, et collaborateurs concernés.

Le job coaching, dispositif d’accompagnement personnalisé, s’inscrit parfaitement dans cette logique. Il permet de soutenir l’évolution professionnelle des personnes handicapées au même titre que n’importe quel collaborateur. La formation continue joue un rôle crucial dans le maintien dans l’emploi : les compétences évoluent, les outils changent, les postes se transforment. Accompagner ces transitions pour les salariés handicapés n’est pas de la charité – c’est de la bonne gestion RH.

2026, année de l’action ou du statu quo ? 

La SEEPH 2025 démarre dans quelques jours. Comme chaque année ? Ou comme un point de bascule ? Les 1,35 million de personnes handicapées en emploi prouvent que c’est possible. Les entreprises comme Auticon, Decathlon, Le Carré ou ADP GSI montrent que ça fonctionne. Les outils existent – Fresque de l’inclusion, partenariats Cap Emploi, financements Agefiph. Les partenaires aussi.

Reste à savoir si les 62% de dirigeants qui affirment que c’est stratégique vont enfin transformer leurs convictions en budget, en temps managérial, en actions mesurables. 

Parce qu’au-delà de l’obligation légale des 6%, l’inclusion est un pari sur l’innovation et la performance. Les organisations qui attendent encore perdent bien plus qu’une ligne budgétaire : elles ratent des talents, de la créativité, et la possibilité de prouver que leurs valeurs ne sont pas que du papier.

La balle est dans votre camp. À vous de jouer.

 

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