Partager la publication "Mobilité internationale en entreprise : une nouvelle vision ?"
La mobilité professionnelle internationale d’un salarié peut se diviser en deux catégories principales : le salarié détaché à l’étranger et le salarié expatrié. Juridiquement ce sont deux notions distinctes qu’il convient d’éclaircir tant pour le salarié français, qu’étranger.
Détachement ou expatriation du salarié français : un régime juridique à connaître
Le salarié français détaché
Si la législation ne donne pas de définition stricte du salarié détaché à l’étranger, elle encadre le régime juridique auquel est soumis ce dernier. Le salarié détaché s’entend en fait d’un salarié qui va travailler à l’étranger, par l’intermédiaire de son employeur d’origine, pour une durée spécifique. Il ne doit pas être confondu avec le salarié expatrié.
Contrairement à un salarié expatrié, pour lequel le contrat est souvent suspendu ou rompu pour privilégier un contrat local, le salarié détaché conserve le lien de subordination avec son employeur en France. Les modalités du détachement sont formalisées par un avenant au contrat de travail qui détermine les rapports entre le salarié, son employeur et l’entreprise d’accueil pendant la mission.
Attention : le pays d’accueil peut parfois exiger un contrat de travail local pour autoriser le salarié détaché à travailler sur place.
Cet avenant vient définir les conditions du détachement et notamment :
- la rémunération du salarié, la prise en charge des déplacements et des frais sur place (hébergement ou repas par exemple) ;
- la durée du détachement : il est nécessairement temporaire et peut aller de quelques mois à plusieurs années ;
- le droit applicable (droit français ou du pays d’accueil) ;
- les conséquences fiscales du détachement pour le salarié (imposition en France ou à l’étranger) ;
- les modalités de réintégration dans l’entreprise à la suite de la mission.
Lorsque le détachement est fait dans un pays de l’UE, de l’espace Schengen, en Suisse ou au Royaume-Uni, le salarié détaché cotise au régime général ou agricole français, selon sa qualification. Les modalités de calcul des cotisations sont identiques à celle d’un salarié travaillant en France. L’employeur devra compléter un certificat de détachement pour le régime général ou le questionnaire de maintien au régime de sécurité sociale de la MSA, pour le régime agricole.
Après accord de l’organisme de sécurité sociale, le salarié détaché bénéficie de ce régime pendant 24 mois et ne peut être de nouveau détaché avant que 2 mois ne se soient écoulés.
Si le détachement a lieu hors des pays précités et dure plus de 3 mois, l’employeur devra également demander ce certificat. Dans ce cas, la durée de détachement ne pourra excéder 3 ans, et sera renouvelable une fois.
Attention : au titre du principe de non-discrimination, il convient pour l’employeur de veiller à ce que le statut de travailleur détaché ne vienne pas créer une discrimination à l’égard de celui-ci par rapport aux autres salariés de l’entreprise. Ce qui peut parfois s’avérer complexe, en cas de doute, il peut être pertinent de s’adresser à un professionnel du droit.
Le salarié français expatrié
À la différence du salarié détaché, le salarié expatrié n’est plus affilié au régime de sécurité sociale français. Le lien de subordination disparait même si d’autres subsistent, notamment lorsque l’employeur d’origine est français. Le contrat de travail est alors suspendu ou rompu pour en établir un nouveau avec l’employeur à l’étranger. Il doit notamment indiquer les dates de début et de fin d’expatriation, les conditions de travail et de rapatriement, la devise de la rémunération et les divers avantages du salarié expatrié (hébergement ou frais de restauration sur place par exemple).
Il est essentiel de noter que des obligations persistent pour l’employeur d’origine, qui est responsable de la santé et de la sécurité de l’expatrié, que ce soit au travers des informations qu’il va lui communiquer avant le départ (situation politique du pays, attitude à tenir en cas de crise) ou des outils qu’il met à sa disposition pendant l’expatriation (procédure de rapatriement).
Il s’agit d’une obligation de résultat, c’est-à-dire que ce sera à l’employeur d’origine de démontrer qu’il a tout fait pour que le salarié soit en sécurité. Il doit aussi affilier le salarié expatrié au régime expatrié français de l’assurance chômage.
Sur le plan de l’imposition, c’est la résidence fiscale du salarié qui sera prise en compte, sauf convention fiscale internationale contraire.
Le saviez-vous ? Il est possible pour le salarié expatrié de cotiser à l’assurance maladie française en adhérant à la Caisse des Français de l’étranger (CFE).
Détachement ou impatriation du salarié étranger : un modèle français très encadré
Le salarié étranger détaché : les modalités pour y avoir recours
Il est aussi envisageable pour une entreprise française de faire appel à des travailleurs détachés étrangers dans des cas de figure spécifiques comme :
- un contrat de prestation de service international avec une entreprise établie hors de France ;
- une mobilité interne ou intragroupe pour réaliser une prestation de service entre établissements d’un même groupe ;
- un prêt de main d’œuvre transnational entre établissements d’une même entreprise ou d’un même groupe (le salarié sera payé par l’entreprise utilisatrice) ;
- un contrat de mise à disposition de salariés entre l’entreprise utilisatrice française et une entreprise de travail temporaire étrangère.
Le salarié impatrié : une législation complexe
Les modalités vont différer selon que le salarié est ressortissant européen ou non. L’intérêt d’embaucher un ressortissant européen est qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir une autorisation de travail et que les formalités d’embauche sont celles du droit français. Il faudra simplement faire une demande d’immatriculation auprès de la CPAM ou de la MSA, si le salarié n’a pas déjà été immatriculé en France. Il en est de même pour la Suisse, Monaco, Andorre et Saint-Marin.
En revanche, lorsqu’il s’agit d’un salarié d’une autre nationalité, les démarches sont plus complexes, car le principe est celui de l’obtention d’une autorisation de travail. Il conviendra ainsi de faire le point sur la situation du salarié dont vous envisagez l’embauche. S’il bénéficie de cette autorisation, il faut savoir qu’elle est parfois limitée à certains secteurs d’activité ou à des zones géographiques.
Pour que la demande soit acceptée, il faut notamment que l’emploi soit mentionné sur la liste des métiers en tension et publié auprès d’organisme concourant au service public de l’emploi (France Travail) pendant 3 semaines consécutives dans les 6 mois avant le dépôt de la demande d’autorisation de travail.
De plus, l’employeur ne doit pas avoir été condamné pénalement ou sanctionné pour du travail illégal ou une aide à l’entrée et au séjour irrégulier par exemple.
Notons enfin que le salarié impatrié peut bénéficier d’un régime fiscal de faveur (exonération de la prime d’impatriation ou des revenus de source étrangère par exemple).
Le saviez-vous ? La carte de séjour talent-salarié qualifié permet au salarié d’être dispensé d’une autorisation de travail (sous condition de diplôme, de rémunération ou pour une entreprise innovante par exemple).
Que ce soit pour des salariés français ou étrangers, la législation se révèle ainsi complexe et demande aux RH une attention toute particulière qui doit se conjuguer avec une stratégie d’entreprise globale sur la mobilité internationale.
Mobilité internationale en entreprise : vers une diminution ?
Face à une instabilité géopolitique, environnementale et sanitaire grandissante (pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine, réchauffement climatique), la mobilité internationale française peut se voir freiner. Faisons le point, côté salarié et employeur.
Une faible volonté d’expatriation des salariés français
Une étude réalisée par Cadremploi, Boston Consulting Group et The Network en juin 2024 nous donne les tendances du moment.
Il est d’ores est déjà intéressant de noter que seuls 8 % des talents français cherchent activement à travailler à l’étranger en 2023 contre 23 % au niveau mondial. Ce qui représente un recul de 15 points par rapport à 2020. Un chiffre que l’on retrouve presque à l’identique en Suisse et en Allemagne.
L’intérêt pour la mobilité internationale en France est à son plus haut pour les personnes de moins de 25 ans : 20 % d’entre elles s’y intéressent contre 14 % pour les 26-30 ans. Cette proportion diminue sensiblement pour atteindre seulement 6 à 7 % entre 36 et 65 ans.
Le classement des pays préférés des Français pour travailler à l’étranger place le Canada en première position, suivi sur le podium par la Suisse et les États-Unis. Ce sont ensuite l’Angleterre, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg, l’Australie et l’Allemagne qui suscitent l’intérêt des Français. Les principales raisons de cette volonté de s’expatrier sont financières et économiques, mais aussi la recherche d’une meilleure qualité de vie globale.
Les freins à travailler à l’étranger sont principalement au nombre de trois :
- le fait de ne pas pouvoir emmener sa famille ou son conjoint ;
- l’attachement émotionnel à son pays d’origine ;
- la barrière de la langue.
Enfin 54 % des Français sont ouverts à travailler à distance pour un employeur étranger, tout en domiciliant en France. Cette tendance confirme l’attrait pour le télétravail, voire le « full remote ».
Les salariés interrogés expriment aussi leurs attentes sur l’expatriation avec la volonté de travailler en anglais principalement. Ils veulent également disposer d’un pack salarial de qualité et de l’égalité des chances concernant l’emploi. L’accueil et l’intégration dans le pays où ils vont travailler sont enfin des éléments primordiaux.
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Une mobilité internationale moins plébiscitée également par les employeurs
Selon le baromètre de l’expatriation 2023, la mutation ou le détachement à l’étranger réalisé à l’initiative de l’employeur ne représentent que 16 % des mobilités à l’international, alors que le chiffre était de 20 % en 2014. Notons, en outre, que 29 % des personnes sondées partent à l’étranger avec un contrat local.
De grandes entreprises témoignent de ce recours moindre à l’expatriation depuis quelques années.
Le responsable RH international du Groupe Yves Rocher explique ainsi, dans le magazine L’Usine Nouvelle, qu’en 2024, le nombre d’expatriés est d’une dizaine contre une quarantaine il y a quinze ans. Il justifie cette situation par une volonté de restreindre les mobilités aux métiers que l’entreprise juge les plus importants.
Dans un entretien réalisé par Français dans le Monde en juin 2024, la responsable de la mobilité internationale chez Carrefour explique que sur les 320 000 salariés du groupe, seuls 70 sont expatriés, contre près de 450 il y a une quinzaine d’années.
Une enquête MSH-OpinionWay du 2 novembre 2023 réalisée auprès de plusieurs entreprises françaises et européennes montre enfin que les séjours internationaux sont plus courts, mais aussi plus fréquents. Le travail à distance international se développe également avec deux tiers des entreprises qui y ont recours.
L’exemple de Capgemini est intéressant avec le programme Flex Abroad qui permet aux salariés de télétravailler de 25 pays, 45 jours par an. Cette possibilité de télétravailler depuis l’étranger peut être un véritable levier d’attractivité pour certains talents.
Si l’expatriation semble donc marquer le pas, les contrats courts et le travail à distance pourraient prendre le relai à terme. Il est indispensable pour les entreprises d’évaluer la pertinence de la mobilité internationale, que ce soit sur le plan du recrutement, des besoins stratégiques ou de l’empreinte carbone. Vous souhaitez être formé pour gérer cet enjeu essentiel pour votre entreprise ? GERESO vous accompagne sur les fondamentaux de la mobilité internationale.