Indemnités prud’homales : Quelle actualité ? Comment sont-elles fixées ? Quelles limites ?

Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement tente de réformer les indemnités prud’homales. En effet, même si le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif est aujourd’hui au cœur de la réforme, la loi Macron de 2015 et la loi El Khomri de 2016 avaient déjà tenté de mettre en place cette mesure.

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Ces deux tentatives ont abouti à deux échecs ! En effet, en 2015, le Conseil constitutionnel a rejeté le projet considérant qu’il favorisait davantage les salariés des grands groupes et en 2016, le gouvernement a finalement renoncé à la mesure dans le cadre des négociations avec les partenaires sociaux.

Enfin, avec la signature des ordonnances vendredi 22 septembre 2017, le nouveau Président de La République, Emmanuel Macron, semble être parvenu à ses fins. En effet, la mesure principale de la réforme concerne le plafonnement des indemnités prud’homales dues en cas de licenciement abusif.

Notons qu’en contrepartie du plafonnement, les indemnités légales de licenciement seront portées à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté (contre 1/5 aujourd’hui) pour les seules 10 premières années d’ancienneté, avec une condition d’ancienneté pour en bénéficier de 8 mois seulement (contre un an aujourd’hui).

Par ailleurs, le délai pour saisir les prud’hommes après un licenciement sera limité à 1 an pour tous les types de licenciements. Aujourd’hui, il est d’1 an pour les licenciements économiques et de 2 ans pour les autres licenciements.

Précisons également que si ces ordonnances ont été publiées au Journal officiel le 23 septembre 2017, elles n’auront force de loi qu’une fois que le projet de loi de ratification sera adopté par le Parlement…. D’ici quelques semaines !

Après un rappel des règles actuellement applicables, nous allons donc étudier dans ce dossier les mesures relatives aux indemnités prud’homales après la mise en place de la réforme : Quelles sont les indemnités concernées ? Quel est le plafonnement mis en place ? Quels sont les montants maximaux ? Quels sont les montants minimaux ? Etc.

Indemnités prud’homales : les règles applicables actuellement

Actuellement, en cas de licenciement abusif, l’indemnité accordée au salarié est déterminée par le Conseil de prud’hommes. Son montant peut varier en fonction :

  • de l’âge du salarié
  • de l’ancienneté du salarié,
  • de la taille de l’entreprise
  • des difficultés rencontrées pour retrouver un emploi.

Un plancher minimal existe déjà. En effet, si le salarié compte 2 ans d’ancienneté et travaille dans une entreprise de 11 salariés au moins, il ne peut obtenir moins de 6 mois de salaire brut en cas de licenciement abusif.

Toutefois, depuis fin 2016, il existe deux barèmes d’indemnisation aux prud’hommes : un barème applicable durant la phase de conciliation et un barème applicable durant la phase de jugement. Ces deux barèmes n’ont qu’une valeur indicative. Ils ne s’imposent ni aux parties, ni aux juges. Par conséquent, les montants qui y sont indiqués ne constituent pas des plafonds. Des indemnités supérieures peuvent donc être librement définies par les parties.


Le barème durant la phase de conciliation

Lorsque l’employeur et le salarié parviennent à s’accorder sur le montant des indemnités, il existe un barème de calcul pouvant servir de grille de référence pour fixer le montant versé par l’entreprise.

Le barème, actualisé par décret n° 2016-1582 du 23 novembre 2016, est le suivant :

  • 2 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté inférieure à 1 an ;
  • 3 mois de salaire à partir d’1 an d’ancienneté, auxquels s’ajoute 1 mois de salaire en plus par année supplémentaire jusqu’à 8 ans d’ancienneté ;
  • 10 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre 8 ans et moins de 12 ans ;
  • 12 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre 12 ans et moins de 15 ans ;
  • 14 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre 15 ans et moins de 19 ans ;
  • 16 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre 19 ans et moins de 23 ans ;
  • 18 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre 23 ans et moins de 26 ans ;
  • 20 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre 26 ans et moins de 30 ans ;
  • 24 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté de 30 ans ou plus.


Le barème durant la phase de jugement

Le juge prudhommal peut se référer au barème ci-dessous lorsqu’il fixe les indemnités à verser à un salarié dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse. Ce barème est lui aussi facultatif. Le juge n’est pas obligé de l’appliquer, sauf si l’employeur et le salarié le demandent.

Ancienneté
en années complètes
Indemnités
en mois de salaire
0 1
1 2
2 3
3 4
4 5
5 6
6 6,5
7 7
8 7,5
9 8
10 8,5
11 9
12 9,5
13 10
14 10,5
15 11
16 11,5
17 12
18 12,5
19 13
20 13,5
21 14
22 14,5
23 15
24 15,5
25 16
26 16,5
27 17
28 17,5
29 18
30 18,25
31 18,5
32 18,75
33 19
34 19,25
35 19,5
36 19,75
37 20
38 20,25
39 20,5
40 20,75
41 21
42 21,25
43 et plus 21,5

Une majoration d’un mois supplémentaire s’applique si le salarié a au moins 50 ans lors de la rupture de son contrat de travail.

Cette majoration s’applique également en cas de difficultés particulières de retour à l’emploi tenant à la situation personnelle et au niveau de qualification du salarié au regard de la situation du marché du travail au niveau local ou dans le secteur d’activité considéré.

Les règles applicables aux indemnités prud’homales suite à la réforme du Code du travail ?

L’ordonnance relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail prévoit que le juge accorde au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés dans des tableaux prédéfinis. Ainsi, le plancher minimal de 6 mois de salaire pour les salariés justifiant de plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de 11 salariés est supprimé.

Pour le nouveau gouvernement, l’instauration d’un plancher doit permettre de protéger les droits des salariés. La mise en place d’un plafond permet également aux entreprises d’avoir une vision claire sur l’éventuel coût d’un licenciement et donc, de lever les éventuels freins à l’embauche d’un salarié en CDI. Ce barème devrait ainsi permettre de désengorger les tribunaux avec des indemnités connues à l’avance. Plus de faux espoirs pour un salarié de toucher de grosses indemnités. La conciliation devrait ainsi être facilitée.


Quelles sont les indemnités prud’homales concernées par le plafonnement ?

La réforme concerne les indemnités et les dommages et intérêts obtenus par un salarié en cas de licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse en réparation du préjudice subi par le salarié. La réforme permet ainsi d’encadrer les sommes octroyées aux salariés aussi bien par le Conseil de prud’hommes que par la Cour d’appel.

En revanche, ne sont pas concernées par ce plafonnement les indemnités de licenciement obligatoirement payées lors de la rupture du contrat de travail. En effet, un employeur qui licencie, sauf cas de faute grave, devra toujours verser au salarié l’indemnité de licenciement prévue par la loi ou la convention collective. L’employeur devra également toujours verser le salaire dû au cours du préavis, l’indemnité de congés payés, les rappels de salaire ou encore, les rappels d’heures supplémentaires.


Quelles sont les situations dans lesquelles le barème ne s’applique pas ?

Attention, il existe des situations dans lesquelles le nouveau barème ne s’applique pas. En effet, le nouveau barème ne s’applique ni aux licenciements notifiés avant le 23 septembre 2017, ni même aux licenciements nuls visés par l’article L1235-3-1 du Code du travail.

Les cas de nullité visés sont ceux liés à (C. trav. art. L1235-3-1) :

  • la violation d’une liberté fondamentale, entendue comme une atteinte au droit de grève, au droit d’ester en justice ou à la liberté syndicale selon le rapport joint à l’ordonnance ;
  • des faits de harcèlement moral ou sexuel ;
  • un licenciement discriminatoire ;
  • un licenciement faisant suite à l’action en justice du salarié en matière d’égalité professionnelle ;
  • un licenciement faisant suite à la dénonciation par le salarié de crimes et délits ;
  • l’exercice d’un mandat par un salarié protégé ;
  • la protection attachée au congé de maternité ou de paternité et au statut de victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

Dans ces cas, l’indemnité ne pourra être inférieure à 6 mois de salaire. Aucun plafond n’est prévu.


Quel barème appliquer en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

Le barème qui s’applique est le suivant :

Ancienneté du salarié
dans l’entreprise
en années complètes

Indemnité minimale
en mois
de salaire brut

Indemnité maximale
en mois
de salaire brut

0 Sans objet 1
1 1 2
2 3 3
3 3 4
4 3 5
5 3 6
6 3 7
7 3 8
8 3 8
9 3 9
10 3 10
11 3 10,5
12 3 11
13 3 11,5
14 3 12
15 3 13
16 3 13,5
17 3 14
18 3 14,5
19 3 15
20 3 15,5
21 3 16
22 3 16,5
23 3 17
24 3 17,5
25 3 18
26 3 18,5
27 3 19
28 3 19,5
29 3 20
30 et au-delà 3 20


Quel barème appliquer dans une entreprise de moins de 11 salariés ?

Pour l’entreprise qui compte moins de 11 salarié, c’est à dire les TPE, un barème différent a été mis en place prévoyant une indemnité minimale. Notons que ces planchers dérogatoires ne s’appliquent que pour un salarié ayant au plus 10 ans d’ancienneté.

Ancienneté du salarié dans l’entreprise
en années complètes
Indemnité minimale
en mois de salaire brut
0 Sans objet
1 0,5
2 0,5
3 1
4 1
5 1,5
6 1,5
7 2
8 2
9 2,5
10 ans et plus 2,5


Quelles sont les mesures prévues en cas de licenciement irrégulier ?

La nouvelle réforme sécurise également la procédure de licenciement au profit des entreprises. En effet, l’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail prévoit un droit à l’erreur pour l’employeur.

Ce droit lui permet de rectifier les erreurs de procédure et de motivation dans la lettre de licenciement. En effet, jusqu’à présent, la lettre de licenciement fixait les limites du litige. Ainsi, l’employeur ne pouvait pas se prévaloir, devant le juge, de faits non mentionnés dans la lettre de licenciement.

Avec la réforme, la lettre de licenciement peut être modifiée, les motifs de licenciement précisés ou complétés, soit par l’employeur, soit à la demande du salarié. La lettre fixera les limites du litige après ces éventuelles modifications.

Notons enfin qu’en cas de vice de forme lors d’un licenciement, la sanction ne pourra plus aller au-delà d’un mois de dommages et intérêts alors qu’aujourd’hui la sanction peut aller jusqu’à la nullité du licenciement (par exemple, en cas de motivation insuffisante de la lettre de licenciement).

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