Actualité jurisprudentielle relative à la fonction publique

Sont présentées ci-dessous, quelques décisions, jugement et un avis du Conseil d’Etat, récents relatifs à l’actualité du contentieux de la fonction publique.

Actualité jurisprudentielle relative à la fonction publique

La décision d’une administration mettant fin à un accord sur le télétravail peut-elle faire l’objet d’un recours en annulation devant le juge administratif ?

La décision mettant fin à l’accord de télétravail constitue une mesure d’ordre intérieur, ne faisant pas grief et donc insusceptible d’un recours pour excès de pouvoir, à moins qu’elle ne traduise une discrimination ou une sanction.

En l’espèce, cette mesure, motivée par la nécessité d’une plus grande disponibilité de l’agent dans l’intérêt du service et d’un traitement inéquitable envers les autres agents, avait, pour le juge, pour seul objet de modifier les modalités d’exercice des fonctions, sans porter atteinte à son statut et à ses droits et libertés fondamentaux et sans incidence sur ses responsabilités ou sa rémunération.

(TA de Châlons-en-Champagne, 4 octobre 2022, M. A., requête n° 2101983).

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Dans quels cas une administration peut-elle demander le remboursement d’une indemnité pour rupture conventionnelle ?

En application des dispositions du I de l’article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019, « de transformation de la fonction publique », les sommes perçues au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle doivent être remboursées par le fonctionnaire si, dans les six années suivant la rupture conventionnelle, s’il est recruté en tant qu’agent public pour occuper un emploi :

  • au sein de la collectivité territoriale avec laquelle il a convenu de la rupture ou auprès de tout établissement public en relevant ou auquel appartient la collectivité ;
  • ou au sein de l’établissement avec lequel il a convenu de la rupture conventionnelle ou d’une collectivité territoriale qui en est membre.

Le remboursement doit alors s’effectuer au plus tard dans les deux ans qui suivent le recrutement.

Toutefois, lorsqu’un agent, après une rupture conventionnelle, a occupé un emploi au sein de plusieurs collectivités mais n’a pas été recruté au sein de la commune avec qui il a conclu la convention ou auprès d’un établissement public en relevant ou auquel appartient celle-ci, la commune ne peut légalement lui demander le remboursement de l’indemnité de rupture conventionnelle.

(TA de Strasbourg, 4 avril 2023, Mme A., requête n° 2106793).

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Quelles règles contentieuses s’appliquent en cas de retenue pour service non fait ?

Le fait de procéder à une retenue pour absence de service fait constitue une mesure purement comptable, qui est donc affranchie, notamment, des règles liées à la procédure disciplinaire ; ainsi :

  • l’agent n’a pas à faire l’objet d’une information préalable ni à être mis à même d’assurer sa défense (CE, 18 avril 1980, M.M., requête n° 10892) ;
  • en outre, aucune mise en demeure préalable n’est exigée (CE, 15 janvier 1997, INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHES EN INFORMATIQUE ET EN AUTOMATIQUE – INRIA, requête n° 135693) ;
  • par ailleurs, aucune mention spécifique ne doit obligatoirement figurer sur le bulletin de paie (CAA, Paris, 1er février 2000, Mme B., requête n° 97PA01328) ;
  • et, un ordre de recette n’est pas requis (CE, 12 novembre 1975, ministre de l’Economie et des Finances c/ Dame Bourg, requête n° 90611 ;
  • enfin, la retenue n’a pas à être motivée (CE, 2 novembre 2015, M.B., requête n° 372377).

A noter que, si la nature du recours dirigé contre un titre de perception relève par nature du plein contentieux, la lettre informant un agent public que des retenues vont être effectuées sur son traitement pour absence de service fait ne peut être assimilée à une telle décision lorsqu’elle ne comporte pas l’indication du montant de la créance ou qu’elle émane d’un organisme employeur qui n’est pas doté d’un comptable public. Ainsi, les conclusions tendant à l’annulation de cette décision et du rejet du recours gracieux formé contre celle-ci doivent être regardées comme présentées en excès de pouvoir.

 (Avis CE, 25 mai 2023, requête n° 471035).

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Dans quelles conditions un employeur peut-il prouver la faute commise par un agent au moyen d’un dispositif de vidéosurveillance ?

En présence d’un moyen de preuve illicite, issu d’un dispositif de vidéosurveillance installé sur le lieu de travail, le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin, le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

En l’espèce, l’employeur, d’une part, n’avait informé la salariée ni des finalités du dispositif de vidéosurveillance ni de la base juridique qui le justifiait, et, d’autre part, n’avait pas sollicité pour la période considérée l’autorisation préfectorale préalable nécessaire, les enregistrements extraits de la vidéosurveillance constituaient donc un moyen de preuve illicite. Il résulte des justifications apportées par l’employeur que la production de ces enregistrements n’était pas indispensable à l’exercice de son droit à la preuve, dès lors qu’il disposait d’un autre moyen de preuve qu’il n’avait pas versé aux débats. Ces enregistrements étaient donc irrecevables à l’appui d’un licenciement pour faute grave. Cette décision de la Cour de cassation est transposable aux employeurs publics.

(Cass. Soc., 8 mars 2023, SOCIETE 3A GRENELLE, pourvoi n° 21-17.802).

Une administration peut-elle sanctionner un agent public à raison de discussions sur un réseau social ?

Constituent des manquements caractérisés d’un policier à ses obligations statutaires et déontologiques et en particulier aux devoirs de dignité, d’intégrité et d’exemplarité, le fait de tenir des propos racistes et discriminatoires dans une discussion sur un réseau social, au sein d’un groupe composé notamment de plusieurs collègues, en partie sur son temps de travail, dont notamment un de ses collègues faisait l’objet. De plus, il n’a eu aucun comportement modérateur ou dissuasif des commentaires comportant des propos violemment racistes, misogynes, antisémites et discriminatoires émis par les autres membres du groupe. La circonstance que le groupe « WhatsApp » sur lequel s’échangeaient les messages écrits incriminés ait eu un caractère privé et non public et que ces échanges soient intervenus, en partie, en dehors du service n’empêchait pas l’autorité administrative de les prendre en compte pour apprécier le comportement de son agent et son caractère fautif.  Ces faits ayant porté une atteinte grave à l’image du service public de la police nationale, la sanction de révocation de l’agent est justifiée et proportionnée.

(CAA, Douai, 23 mars 2023, ministre de l’Intérieur et des outre-mer, requête n° 21DA02968).

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Un fonctionnaire peut-il être sanctionné disciplinairement à raison de fait commis antérieurement à sa nomination ?

Lorsque l’administration estime que des faits, antérieurs à la nomination d’un fonctionnaire mais portés ultérieurement à sa connaissance, révèlent, par leur nature et en dépit de leur ancienneté, une incompatibilité avec le maintien de l’intéressé dans la fonction publique, il lui revient d’en tirer les conséquences en engageant une procédure disciplinaire en vue de procéder à la révocation de ce fonctionnaire, à raison de cette incompatibilité.

(CE, 3 mai 2023, M.A., requête n° 438248).

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Quelles sont les règles applicables en matière de licenciement pour insuffisance professionnelle d’un fonctionnaire ?

En application des dispositions de l’article L. 553-2 du code général de la fonction publique, le fonctionnaire qui fait preuve d’insuffisance professionnelle peut être licencié, après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire. La commission administrative paritaire (CAP) est doit donc être obligatoirement consultée en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle.

En premier lieu, aucune disposition n’impose le respect d’un délai raisonnable entre le constat des carences de l’agent et le prononcé du licenciement pour insuffisance professionnelle (CAA Nantes, 30 novembre 2018, Mme D., requête n° 17NT02410).

En outre, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe n’impose à l’administration, préalablement à un licenciement pour insuffisance professionnelle, de chercher à reclasser le fonctionnaire sur d’autres fonctions (CE, 18 janvier 2017, M. A., requête n° 390396).

Par ailleurs, l’administration est tenue d’informer, par écrit, le fonctionnaire de la procédure engagée à son encontre. Elle doit lui préciser les faits qui lui sont reprochés et l’informer de son droit à communication de son dossier et de la possibilité de se faire assister des défenseurs de son choix. L’agent doit pouvoir obtenir avant le licenciement, dans un délai suffisant, communication non seulement de son dossier, mais aussi de toute autre pièce sur laquelle l’administration se fonde, même si elle ne figure pas au dossier (CE, 24 octobre 2012, M. B., requête n° 338290). Ainsi, la communication du dossier de l’agent le lendemain de la réunion du conseil de discipline le prive d’une garantie entachant d’illégalité la décision de licenciement (CAA Nancy, 10 mai 2016, M. A., requête n° 15NC01035).

Cependant, aucune disposition législative ou règlementaire n’impose à l’administration de convoquer un fonctionnaire à un entretien préalable à l’engagement de cette procédure (CAA Nancy, 3& janvier 2013, M. T., requête n° 12NC00246).

L’administration doit, par ailleurs, saisir le conseil de discipline d’un rapport précisant les faits reprochés, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance de ce rapport. Ce conseil de discipline émet, alors, un avis qui doit être motivé. L’administration n’étant pas tenue de suivre cet avis.

A noter que : lors de la consultation du conseil de discipline, à défaut de réunir l’accord d’une majorité des membres présents sur la proposition de licenciement pour insuffisance professionnelle, l’instance doit être regardée comme ayant été consultée et comme ne s’étant pas prononcée en faveur de cette proposition. Un tel avis ne fait toutefois pas obstacle à ce que l’autorité administrative puisse décider de licencier l’intéressé.

(CE, 3 mai 2023, Garde des sceaux, ministre de la Justice, requête n° 466103).

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