NBI des IBODE, l’arbre au milieu de la forêt !

Conformément à l’article 27 de la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales, la nouvelle bonification indiciaire (NBI) des fonctionnaires et des militaires institués à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulière dans des conditions fixées par décret.

NBI des IBODE, l’arbre au milieu de la forêt !

Le Conseil d’Etat considère qu’il résulte des termes mêmes de cet article 27 que le bénéfice de la NBI est lié aux seules caractéristiques des emplois occupés, au regard des responsabilités qu’ils impliquent ou de la technicité qu’ils requièrent. Le bénéfice de cette bonification est exclusivement attaché à l’exercice effectif des fonctions (Conseil d’Etat, n°349224, 22 janvier 2013).

En somme, le bénéficie de cette prime est conditionné par l’affectation et l’exercice effectif des fonctions ouvrant droit à la NBI.

Or, les décrets pris en applications de ces dispositions conditionnent, en grande partie, le versement de cette NBI à l’appartenance à un corps, un grade ou à une catégorie, amenant le juge administratif à annuler des décisions de refus d’employeurs de bonne foi, parfois encouragés par leurs tutelles ou référents (DGOS dans le cas des IBODE) s’étant appuyés sur des dispositions réglementaires qui s’avèrent contraire à la loi.

Les cas sont nombreux.

Les attachés affectés en RH et encadrant au moins 5 agents

Le 4° de l’article 4 du décret n°94-140 du 14 février 1994 portant modifications de certaines dispositions relatives à la nouvelle bonification indiciaire et portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique hospitalière, conditionne le versement d’une NBI de 10 points aux agents affectés dans un service de ressources humaines, voire de 25 points pour ceux encadrant au moins 5 agents, à l’appartenance à la catégorie B ou C.

Assez logiquement, le juge suprême a étendu cette NBI aux attachés en RH, l’appartenance à un corps classé dans la catégorie A, ne faisant pas par elle-même obstacle à l’attribution de la NBI (Conseil d’Etat, n°328370 du 18 juillet 2011).

Concernant les IBODE

Le 1° de l’article 1 du décret n°92-112 du 3 février 1992 prévoyait qu’une nouvelle bonification indiciaire de 13 points était attribuée mensuellement, à raison de leurs fonctions, aux infirmiers ou infirmiers en soins généraux dans les deux premiers grades du corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés de la fonction publique hospitalière régi par le décret n° 2010-1139 du 29 septembre 2010, exerçant leurs fonctions, à titre exclusif, dans les blocs opératoires.

Plusieurs établissements publics de santé, soutenus par la DGOS, ne versaient pas cette NBI au motif d’une part, que, dans la mesure où les IBODE font carrière dans les deuxième et troisième grade de ce corps, seuls les IBODE du deuxième grade pourraient bénéficier de la NBI, ce qui entrainerait une différence de traitement et d’autre part, que ces dispositions font référence aux seuls infirmiers – sous-entendu catégorie B- ou infirmiers en soins généraux, sans mentionner les infirmiers spécialisés (IBODE et PUER).

Or, le seul critère à retenir pour l’octroi de la NBI au titre des dispositions du 1° de l’article 1 du décret du 3 février 1992 susmentionné était l’affectation à titre exclusif en bloc opératoire nonobstant le fait que ces dispositions ne fassent référence qu’aux Infirmiers ou infirmiers en soins généraux dans les deux premiers grades du corps des ISG.

C’est sur ce motif que plusieurs tribunaux administratifs ont accordé la NBI à des IBODE des deuxième et troisième grade du corps des ISGS.

Dans la continuité de ces jurisprudences, le décret n°2022-313 du 3 mars 2022 « élargit » le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire aux infirmiers de bloc opératoire du corps des infirmiers et des ISGS entrée en vigueur le 1er avril 2022.

Le Conseil d’Etat saisi de la question pour la période antérieure, applique, sans surprise, sa jurisprudence de principe à la NBI des IBODE en précisant, le 19 juillet 2023, que le bénéfice de cette bonification, exclusivement attaché à l’exercice effectif des fonctions, ne peut ainsi être limité par la prise en considération du corps, du cadre d’emploi ou du grade du fonctionnaire qui occupe un emploi dont les fonctions ouvrent droit à ce bénéfice et en rajoutant que le principe d’égalité exige que l’ensemble des agents exerçant effectivement leurs fonctions dans les mêmes conditions, avec la même responsabilité ou la même technicité, bénéficient de la même bonification (Conseil d’Etat, n°467057 du 19 juillet 2023).

Après les attachés encadrant au moins 5 agents et les cadres de santé, cet énième épisode du « feuilleton » NBI démontre, une fois de plus, l’inadéquation de la rédaction de la loi de 1991 instituant la NBI en fonction du poste occupé et les décrets d’application qui font fréquemment référence à des corps voir, à des grades.

Mais ce n’est pas tout…

En effet, les dispositions réglementaires ne sont parfois pas suffisamment précises en ce qui concerne les notions de « responsabilité » et de « technicité particulières ».

Par exemple, le 5° de l’article 1 du décret n°97-120 du 5 février 1997 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique hospitalière prévoit que bénéficient d’une NBI de 10 points les agents titulaires qui sont affectés à titre principal dans un service de « consultation externe », en contact direct avec le public, chargés d’établir les formalités administratives et/ou financières d’encaissement nécessaires à la prise en charge des soins dispensés aux patients.

Qu’est-ce que sont les formalités administratives et/ou financières d’encaissement nécessaires à la prise en charge des soins dispensés aux patients ?

Pour la CAA de Marseille l’agent qui « exerce les fonctions de secrétaire médicale au secrétariat des consultations externes de cardiologie, chargée de l’accueil des patients, de la préparation des consultations, du traitement du courrier, et de la saisie des actes et de leur cotation ainsi que de la tenue des dossiers des patients » ne peut être regardée comme assurant de façon principale les formalités administratives et/ou financières d’encaissement nécessaires à la prise en charge des soins dispensés aux patients, au sens des dispositions citées du décret du 5 février 1997 (CAA, Marseille, n° 17MA02339, 11 décembre 2018).

Plus compliqué, encore, il arrive que les dispositions réglementaires ne précisent pas les emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulière, ce qui est le cas de…

… La NBI des cadres de santé

Conformément à l’article 1 du décret n°90-989 du 6 novembre 1990, une nouvelle bonification indiciaire est versée mensuellement, à raison de leurs fonctions, aux fonctionnaires hospitaliers nommés, notamment, dans l’un des grades :

  • Du corps des infirmiers anesthésistes cadres de santé et corps des infirmiers anesthésistes cadres de santé paramédicaux
  • Du corps des infirmiers de bloc opératoire cadres de santé et corps des infirmiers de bloc opératoire cadres de santé paramédicaux ;

Or les corps susmentionnés ont été fusionnés dans le corps des cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière régis par le décret n° 2012-1466 du 26 décembre 2012.

Le conseil d’Etat considère qu’en l’absence de définition des emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières pouvant être occupés par des infirmiers anesthésistes cadres de santé et donnant droit au bénéfice de la NBI, ces emplois doivent être regardés comme étant ceux qui comportent non seulement des fonctions correspondant à celles qui peuvent être confiées aux cadres de santé mais aussi des fonctions correspondant à leur qualification d’infirmier anesthésiste (Conseil d’Etat, n°344283, 16 mai 2012).

Ce raisonnement peut s’étendre à l’ensemble des cadres de santé.

Dans la jurisprudence susmentionnée, le Conseil d’Etat avait refusé le versement de la NBI à une cadre de santé, ancienne infirmière anesthésistes, au motif, d’une part, que cet emploi pouvait être occupé par un cadre de santé titulaire du diplôme d’Etat d’infirmier sans être en outre titulaire d’un diplôme ou d’un titre en matière d’anesthésie et, d’autre part, qu’aucune des fonctions de ce poste de cadre de santé ne correspondait à la qualification d’infirmier anesthésiste.

La fusion des corps des cadres de santé ne change pas le raisonnement tenu par le Conseil d’Etat dans l’arrêt du 16 mai 2012 susmentionné, dans la mesure où il considère notamment que le bénéfice de la NBI est conditionné par l’exercice de fonctions correspondant à la qualification d’infirmier spécialisé.

D’ailleurs, le deuxième alinéa de l’article premier du décret n°2001-1375 du 31 décembre 2001 portant statut particulier du corps des cadres de santé de la fonction publique hospitalière tout comme l’article premier du décret n° 2012-1466 du 26 décembre 2012 portant statut particulier du corps des cadre de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière prévoient que le corps de cadre de santé et cadre de santé paramédicaux comprennent, notamment, selon leur formation, dans la filière infirmière :

  • Des infirmiers cadres de santé ;
  • Des infirmiers de bloc opératoire cadres de santé ;
  • Des infirmiers anesthésistes cadres de santé ;
  • Des puéricultrices cadres de santé.

De plus, les articles 4 des décrets susmentionnés prévoient que les agents du grade de cadre de santé et cadre de santé paramédicaux exercent notamment des fonctions correspondant à leur qualification et consistant à encadrer des équipes dans les pôles d’activité clinique ou médico-technique des établissements et leurs structures internes.

Il ressort de ces dispositions que si le corps des cadres de santé n’est pas spécialisé, les agents qui le composent peuvent l’être et peuvent être amenés à exercer des fonctions correspondant à leurs qualifications spécifiques.

Enfin, l’application du principe de la responsabilité ou de la technicité particulières peut entrainer….

… Une certaine contradiction, c’est le cas de l’encadrement d’au moins 5 agents

Conformément au 1° de l’article 1 du décret n°2001-979 du 25 octobre 2001 une NBI de 25 points est attribuée mensuellement, à raison de leurs fonctions, aux adjoints des cadres hospitaliers encadrant au moins cinq personnes.

Il ressort de ces dispositions que la NBI de 25 points n’est versée, au titre de ces dispositions qu’aux agents, quel que soit leur grade, exerçant des fonctions d’adjoints de cadres et encadrant au moins 5 agents.

Est-ce à dire que l’articulation de ces éléments signifie qu’une NBI de 25 points serait versée à un attaché d’administration ou à tout agent des établissements publics relevant de l’article L5 du code du code général de la Fonction publique (CGFP) du seul fait de l’encadrement de 5 agents ?

La CAA de Marseille a pu considérer que « l’AP-HM n’ayant pas contesté la similarité des fonctions occupées par la requérante avec les missions statutaires des adjoints des cadres hospitaliers, pour juger que le tribunal administratif avait pu considérer à bon droit que l’intéressée pouvait bénéficier d’une NBI de 25 points en application des dispositions du décret du 25 octobre 2001» (CAA, Marseille, n°18MA02358, 5 mars 2019).

De la même manière, la CAA de Paris a considéré que « la circonstance que la requérante qui percevait la NBI alors qu’elle était adjointe des cadres hospitaliers, a été promue en qualité d’attachée des services hospitaliers, ne pouvait faire obstacle à ce qu’elle continue à la percevoir dès lors qu’elle occupait les mêmes fonctions» et que « si les missions de la requérante ont été élargies du fait de sa promotion au grade d’attaché des services hospitaliers, elle continue d’exercer les fonctions qu’elle exerçait avant sa promotion en qualité d’attachée des services hospitaliers » (5ème chambre, 10 juin 2022, n°21PA02506).

En effet, en ne prenant en compte que le critère de l’encadrement de 5 agents comme
« caractéristiques des emplois occupés, au regard des responsabilités qu’ils impliquent ou de la technicité qu’ils requièrent », tous les agents des établissements publics relevant de l’article L5 du CGFP, quel que soit leur grade, remplissant cette condition d’encadrement d’au moins 5 agents, auraient le droit au versement d’une NBI de 25 points.

Cependant le décret du 25 octobre 2001 susmentionné prévoit, au 3 de son article 1 que les techniciens et techniciens supérieurs hospitaliers encadrant au moins cinq personnes bénéficient d’une NBI mais de seulement 15 points majorés.

Cette rédaction serait contradictoire avec une appréciation large ne retenant que le critère de l’encadrement de 5 agents pour ouvrir droit à une NBI de 25 points.

En effet, un technicien encadrant 5 agents aurait-il le droit au versement d’une NBI de 15 points sur le fondement du 3 de l’article 1 du décret du 25 octobre 2001 susmentionné ou de 25 points au titre du 1 de ce même article… ?

Langue au chat…ou plutôt, au Conseil d’Etat…

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