Accord national interprofessionnel sur la retraite complémentaire AGIRC ARRCO du 5 octobre 2023

L’accord national interprofessionnel (ANI) du 17 novembre 2017 instituant le régime AGIRC-ARRCO de retraite complémentaire a fixé les modalités de pilotage du régime. Il prévoit que les orientations stratégiques sont définies tous les quatre ans par accord entre les organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel. Ils s’appuient pour ce faire notamment sur la situation financière du régime, un bilan de l’application du précédent accord quadriennal, ainsi que des prévisions macro-économiques actualisées.

Accord national interprofessionnel sur la retraite complémentaire AGIRC ARRCO du 5 octobre 2023
Accord interprofessionnel sur la retraite complémentaire : Réflexion sur les ajustements des paramètres du régime pour assurer sa pérennité.

Le premier ANI de pilotage du régime unifié a été signé le 10 mai 2019, et portait sur la période 2019-2022. Les organisations se sont donc réunies pour négocier un nouvel accord portant sur les quatre prochains exercices (2023-2026).

A l’issue de 5 semaines de négociation, une majorité d’organisations se sont entendues le 5 octobre dernier sur un projet de texte qui vise à préserver « le pouvoir d’achat des retraités actuels et futurs, et la pérennité financière du régime », en tirant les conséquences de la réforme des retraites.

1. Réaffirmation de l’autonomie de gestion des partenaires sociaux sur la retraite complémentaire des salariés du secteur privé

Cette négociation s’est déroulée dans un contexte particulier. La récente adoption de la réforme des retraites en avril a quelque peu « tendu » les relations entre les partenaires sociaux et le Gouvernement. Le relèvement de l’âge légal de départ en retraite va en effet générer un gain positif pour l’Agirc-Arrco de l’ordre de 1 milliard d’euros en base annuelle d’ici 2026 selon le Gouvernement, qui n’a pas fait de mystère de son intention d’en récupérer tout ou partie au profit du régime général d’assurance vieillesse, qui devrait rester durablement déficitaire malgré la « promesse » d’un retour à l’équilibre d’ici 2030.

Dans cet objectif a été intégré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (en cours d’examen au Parlement) une disposition permettant la signature d’une convention financière entre l’Agirc-Arrco et l’Etat pour opérer un transfert vers le Régime général « au titre de la solidarité financière du système de retraite ». Cette mesure, annoncée en cours de négociation paritaire sur le pilotage stratégique du régime de retraite complémentaire, a été très mal perçue par une majorité d’organisations évoquant une atteinte à leur autonomie de gestion.

Cela s’est traduit dans l’accord conclu qui ferme la porte à tout transfert financier négocié sur les quatre prochaines années. Le préambule du texte réaffirme ainsi « le caractère paritaire et autonome de la gestion du régime… les ressources du régime Agirc-Arrco ne doivent être mobilisées que pour financer les prestations dont il assure le service à ses affiliés ». Sur cette base, les partenaires sociaux ont décidé d’engager des travaux en vue d’aboutir d’ici mi-2024 à la mise en place de nouveaux dispositifs de solidarité « en direction des allocataires du régime Agirc-Arrco, articulés avec ceux déjà existants au sein du régime ».

A voir si cela suffira à satisfaire la demande du Gouvernement. Le Ministre du Budget Thomas Cazenave a en effet indiqué en séance d’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 que le texte ne comprendrait pas de mesure contraignante pour l’Agirc-Arrco, tout en indiquant qu’il attendait en retour « un engagement rapide des partenaires sociaux » pour contribuer au financement de la réforme.

2. Tirer les conséquences de la réforme des retraites

La réforme des retraites, justement, a été au cœur de la négociation paritaire sur le pilotage du régime Agirc-Arrco, avec deux mesures importantes :

  • La suppression du dispositif des coefficients temporaires (bonus/malus)
  • Pour mémoire depuis le 1er janvier 2019 un coefficient minorant temporaire (- 10 % pendant 3 ans) s’applique aux assurés qui liquident leur retraite à taux plein (à partir de l’âge légal s’ils réunissent la durée d’assurance requise). Pour annuler cette minoration il faut reporter son départ d’au moins un an après la date à laquelle les assurés ont rempli les conditions de la retraite à taux plein, ou bénéficier d’une dérogation en fonction de leur niveau de ressource ou de leur état de santé (inaptitude, handicap etc.).

    A contrario, les assurés qui décalent d’au moins deux ans leur départ voient le montant de leur retraite complémentaire majoré pendant un an : + 10 % si report de 2 ans, + 20 % si report de 3 ans, + 30 % si report de 4 ans ou plus.

    Le recul de l’âge légal de 62 à 64 ans a remis directement en cause l’objectif de ce dispositif qui avait été créé à l’époque pour inciter les salariés à reporter leur départ après l’âge légal en l’absence de réforme paramétrique…

    L’ANI du 5 octobre 2023 supprime le dispositif de la manière suivante :

    • A la fois pour le « stock » et le « flux » de nouveaux retraités s’agissant du coefficient minorant ;
    • Uniquement pour le « flux » de nouveaux retraités s’agissant du coefficient majorant (afin de ne pas baisser les pensions des ressortissants Agirc-Arrco qui en bénéficient actuellement).

  • L’adaptation des règles du cumul emploi retraite
  • La réforme des retraites a revu le dispositif du cumul emploi retraite au Régime général. Désormais les assurés qui reprennent une activité à la retraite s’ouvriront des droits supplémentaires au titre des cotisations versées (dans la limite d’un certain plafond). Jusqu’à présent, ces cotisations étaient versées « à fonds perdus ».

    En cohérence, les partenaires sociaux ont décidé de créer un dispositif similaire à l’Agirc-Arrco : en cas de reprise d’une activité professionnelle, les cotisations patronales et salariales dues sur les rémunérations (dans la limite de la tranche 11) seront désormais génératrices de points de retraite complémentaire. L’objectif affiché là encore est de valoriser le travail et d’inciter au maintien dans l’emploi.

    Ces deux mesures, qui génèrent un coût2 pour le régime, ont été répercutées sur le niveau d’indexation des pensions de retraite (voir ci-dessous).

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    • Utiliser les modalités de calcul, de validation et de liquidation des pensions servies par les régimes de retraites complémentaires AGIRC et ARRCO.
    • Évaluer les incidences de l’ANI du 17 novembre 2017 instituant le régime AGIRC-ARRCO de retraite complémentaire.
    • Appliquer les règles de calcul de points et les modalités de liquidation en intégrant les coefficients de solidarité et les coefficients majorants.
    • Estimer le montant d’une pension de retraite globale d’un salarié.

    3. Fixer les paramètres de pilotage du régime en préservant les réserves techniques du régime

    Depuis leur création, les régimes complémentaires3 du privé doivent respecter une obligation d’équilibre. Celle-ci a été formalisée par les partenaires sociaux à travers la fixation d’un objectif de niveau de réserves destiné à faire face à d’éventuels chocs conjoncturels : disposer à tout moment d’une réserve technique équivalente à 6 mois de prestations à horizon 15 ans. Il détermine les orientations stratégiques de la négociation et par là-même l’évolution des paramètres techniques du régime.

    Pour respecter le cadre prudentiel imposé, les organisations signataires ont fait le choix de mobiliser le levier de la valeur de service du point qui détermine le niveau d’indexation des pensions. Sur la période quadriennale 2023-2026 traitée par l’ANI, les retraites seront « légèrement » sous-indexées par rapport à l’inflation de la façon suivante :

    • Pour l’exercice 2023, la revalorisation des pensions (+ 4,9 %) devrait être proche de l’évolution des prix constatée, décision prise pour tenir compte du contexte inflationniste particulier. Une revalorisation moins importante que celle envisagée4 pour le Régime général (+ 5,2 %) ;
    • Pour les 3 exercices suivants (2024, 2025 et 2026), les pensions seront soumises à une sous-indexation de 0,4 % par rapport au prix. A noter que le Conseil d’administration de l’Agirc-Arrco, qui fixe chaque année la valeur de service du point, dispose d’une marge de manœuvre de +/- 0,4 point par rapport au niveau d’indexation prévu par l’accord.

    Les actifs, déjà impactés par la réforme des retraites et le report de l’âge légal, ont été préservés : le rendement des cotisations est maintenu puisque la valeur d’achat du point retraite reste indexée sur l’évolution des salaires.

    Avec cet accord, les partenaires sociaux veulent démontrer leur capacité à négocier entre eux, de manière responsable. Face à la pression du Gouvernement qui souhaite un « geste » au niveau de l’Agirc-Arrco, ceux-ci pourraient être contraints d’ouvrir rapidement (dès la fin du mois de novembre ?) le groupe de travail évoqué supra afin de débloquer par exemple une « enveloppe » dédiée à la revalorisation des petites pensions de retraite complémentaire. La marge de manœuvre est néanmoins réduite au regard de la situation financière du régime. Affaire à suivre donc…


    Références :

    1. Equivalente au plafond annuel de la sécurité sociale, soit 43 992 €

    2. De l’ordre de 600 M € en moyenne annuelle

    3. Le régime de retraite des cadres (AGIRC) et celui des non cadres (ARRCO) ont été fusionnés dans un régime unique Agirc-Arrco au 1er janvier 2019.

    4. Interview Bruno Le Maire, Le Parisien, 26 septembre 2023

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