Le partage de la valeur, fausse bonne idée ?

Au-delà de la mesure d’urgence appelée la Prime de Partage de la Valeur (PPV)1 (anciennement prime « Macron ») mise en place avec la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant sur les mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat2 et prolongée par l’ANI de février 20233, le partage de la valeur au sein de l’entreprise comprend en plus trois dispositifs provenant de l’épargne salariale :

  • la participation aux bénéfices ;
  • l’intéressement ;
  • l’actionnariat salarié.
Le partage de la valeur, fausse bonne idée ?
Partage de la valeur en entreprise : gestion cruciale pour maximiser les avantages pour les salariés et éviter des conséquences imprévues

Le pilotage de ce partage de valeur a toujours été « drivé » par l’État mais aujourd’hui il est important plus que jamais pour l’entreprise de s’en emparer et de l’inclure dans sa réflexion stratégique « Compensation & Benefits » pour surfer sur l’appréciation certaine de ces dispositifs par les salariés mais aussi pour éviter un manquement à répondre à des obligations légales ou règlementaires et prévenir une dérive budgétaire.

D’un point de vue politique, l’actualité sur le partage de la valeur est plutôt justifiée par une volonté de répondre aux demandes d’amélioration du pouvoir d’achat, ce qui peut être également le deuxième objectif pour l’entreprise dans une époque où il n’est pas simple d’augmenter le salaire de base.

Mais ce partage de valeur répond-il vraiment à cette demande du salarié ? La complexité des dispositifs et la nécessité de légiférer pour rendre pérenne cette récente mesure d’urgence doivent être comprises pour prendre les bonnes décisions.

Le contexte du partage de la valeur

Faisons un rapide retour dans le passé pour nous rappeler les motivations en 1967 qui ont rendu obligatoire la participation aux bénéfices pour les entreprises en France.

On peut dire qu’il y avait une volonté forte du politique de réduire les inégalités en partageant plus équitablement les fruits du travail entre salariés et employeurs mais n’y avait-il pas également la volonté d’inciter le salarié à contribuer activement à l’amélioration de la performance de l’entreprise en offrant un intérêt financier direct dans les résultats de l’entreprise.

N’oublions pas non plus l’objectif macro-économique de vouloir injecter de l’argent dans les poches des salariés pour stimuler la consommation mais aussi d’utiliser l’argent épargné pour soutenir l’économie nationale.

Il y avait aussi l’aspect idéologique de promouvoir un modèle d’économie sociale où les salariés étaient considérés comme des partenaires et non uniquement comme des ressources. Cela reflétait également l’idée de justice sociale que l’on peut retrouver dans d’autres lois de la même époque.

Faisons un bond de 60 ans pour revenir à aujourd’hui. Les dispositifs de la participation aux bénéfices et l’intéressement ont peu changé si ce n’est des modifications sur le caractère fiscal et ses chiffres ainsi qu’une extension aux plus petites entreprises pour répondre au fait que pendant longtemps ces dispositifs étaient l’apanage des grandes entreprises. L’actionnariat salarié, quant à lui, est mieux compris mais n’est pas généralisé. Enfin, la PPV devrait être pérennisée par une nouvelle loi en cours de lecture et d’adoption pour 20254.

Partage de la valeur : quelle stratégie ?

Il est alors pertinent de se poser la question aujourd’hui en entreprise sur ce que l’on souhaite valoriser dans ce partage de valeur pour améliorer la marque employeur de l’entreprise et accroître l’engagement salarié.

Pour cela, il faut bien comprendre que nous sommes face à un dispositif à plusieurs couches dont les objectifs économiques et sociaux sont très différents :

  • Une prime variable (ou fixe pour la PPV) collective,
  • sous la forme d’un partage de résultats financiers,
  • défiscalisé si placé sur un plan d’épargne avec des temporalités différentes suivant l’intention du salarié : épargne à moyen terme pour le PEE (Plan d’Épargne Entreprise) et à long terme pour sa retraite pour le PERCO (Plan d’Épargne pour la Retraite Collectif) ou PER (Plan d’Épargne Retraite).
  • On peut y ajouter la possibilité d’y placer son CET (Compte Épargne Temps) sur le PERCO ou de bénéficier d’un abondement de l’employeur qui le met en place pour inciter le salarié à épargner.

NB – je mets de côté l’actionnariat salarié

Il est clairement dit par la loi que ce dispositif de partage ne se substitue pas à un salaire (pour conserver les avantages fiscaux et sociaux pour les salariés et les entreprises).

Considérons alors comme un complément de rémunération qui est cependant rarement court terme (uniquement quand versé directement aux salariés) et sans effet sur la rétention (voir les cas de déblocages anticipés ou le maintien de cette somme si démission) si ce n’est une participation à l’amélioration de la marque employeur pour la partie rémunération et avantages sociaux qui pourrait influer sur le turnover.

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Quel profil d’entreprise êtes-vous pour ce partage de valeur ?

Avant d’inclure ces dispositifs dans votre stratégie de rémunération, vous devez répondre à la question de votre objectif de fond, et surtout quelle est votre culture et quelles sont les attentes de vos salariés sur ce sujet.

Il est notoire de dire que la mise en place de ce partage est la volonté de fédérer ses salariés autour d’une rémunération collective variable rétribuant les salariés sur leur participation « performante ».

Le seul problème est la non lisibilité du calcul de cette rémunération dans beaucoup d’entreprises.

Le calcul de la participation est souvent inconnu des salariés (allez dites-le moi par cœur !), cette rémunération étant motivante uniquement par l’effet du montant s’il est significatif. La marge de manœuvre se porte plus sur la lisibilité de la (les) formule(s) de calcul du versement dans le cas de l’intéressement car cela est négociable et formalisé par un accord qui a la légitimité de soutenir la stratégie de l’entreprise. Les critères de répartition des sommes à verser peuvent révéler également la volonté sociale ou non de l’entreprise (en privilégiant le critère salaire avec plus pour les bas salaires).

Trop investir dans ce partage, selon un profil d’entreprise ubiquiste qui mettrait en place tous les dispositifs (participation, intéressement, actionnariat salarié et PPV) peut montrer une volonté de se positionner en leader sur le marché en donnant un maximum à ses salariés.

 Il faut alors une santé financière solide et une perspective de croissance (non certaine pour garder l’avantage fiscal) pour garantir (paradoxalement) aux salariés une rémunération globale stable.

Dans le cas contraire, si ce partage de valeur complète un salaire situé au niveau du marché, il risque en cas de diminution de ce partage (difficilement gérable en direct comme les primes variables normales) de provoquer l’effet inverse en ternissant l’image employeur en rendant la rémunération incertaine, générant ainsi un turnover plus important (critique en période de pénurie de main d’œuvre).

Quant au positionnement minimaliste légal (mettre en place le partage de valeur uniquement en réponse aux obligations légales et règlementaires), reflétant une certaine prudence ou peur de l’avenir, il ignore les possibilités de défiscalisation des rémunérations du partage de valeur ou encore la possibilité d’embarquer les salariés dans la stratégie globale de l’entreprise.

Ce positionnement interroge sur l’implication « sociale » de l’entreprise vis-à-vis de ses salariés par une participation à l’amélioration de leur retraite ou à leur épargne pour les grands moments de leur vie (cas de déblocage anticipé : mariage, enfant…) ou leurs difficultés éventuelles (cas de déblocage : décès, invalidité, surendettement, violences conjugales…).

Le message « idéologique » de justice sociale s’est donc modifié mais est toujours présent dans les volontés d’usage de cet argent pour les coups durs de la vie ou pour une période spécifique, inflationniste par exemple.


Références :

  1. Définition de la prime de partage de la valeur (PPV) ;
  2. La loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant sur les mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ;
  3. L’ANI – Accord national interprofessionnel du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise
  4. Projet de loi de transposition de l’ANI

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