Du droit de la preuve au droit à la preuve : le prévisible revirement de la Cour de cassation en matière de preuve

La question de la preuve occupe une place cruciale dans le monde juridique, façonnant la manière dont les litiges sont traités et résolus. Dans le domaine du droit du travail, la Cour de cassation, gardienne de la cohérence juridique en France, a joué un rôle déterminant en établissant des principes fondamentaux concernant la loyauté dans l'administration des preuves.

Du droit de la preuve au droit à la preuve : le prévisible revirement de la Cour de cassation en matière de preuve
La Cour de cassation redéfinit son approche des preuves illicites, passant d'un rejet à une acceptation sous conditions, marquant une évolution significative dans le paysage juridique et impactant les pratiques RH.

Consécration du principe de loyauté

Le principe de loyauté dans l’administration de la preuve a ainsi été consacré par l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation, dès 2011, en jugeant irrecevable « l’enregistrement d’une communication téléphonique réalisé par une partie à l’insu de l’auteur des propos » (Cass. AP., 7 janv. 2011, n° 09-14316 et 09-14667).

Changement de position de la Cour de cassation

Le 22 décembre 2023, cette même Assemblée Plénière (la composition la plus solennelle) estime au contraire que les preuves obtenues de façon déloyale ou masquée sont désormais valables lorsqu’elles constituent la seule façon de faire éclater la vérité et de permettre à une des parties de faire valoir ses droits (Cass. AP, 22 décembre 2023, n°20-20648 et 21-11330).

Révolution ou évolution ?

Présentée comme une révolution, il s’agit en réalité d’une prévisible évolution. En effet, dès le 26 mars 2021, la Cour d’appel de Bourges indiquait dans un arrêt (CA Bourges, 26 mars 2021, RG n°19/01169) « que le droit à la preuve peut justifier la production en justice d’éléments extraits d’une conversation, même privée, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi ». Par ailleurs, la chambre criminelle de la Cour de cassation Chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle régulièrement que rien ne justifie d’écarter les preuves obtenues de façon illicite ou déloyale (Cass. crim., 28 avr. 1987, n° 86-96621 ; Cass. crim., 27 janv. 2010, n° 09-83395) allant jusqu’à valider les enregistrements clandestins (Cass. Crim, 31 janvier 2012, n°11-85464).

Les conséquences dans les pratiques RH

Cette évolution présente néanmoins des conséquences concrètes dans les pratiques RH :

  • A l’embauche tout d’abord où des enregistrements clandestins pourraient permettre de mettre en lumière des pratiques discriminatoires ou interdites (les fameuses questions sur la vie de famille, les désirs d’enfants ou les origines) ;
  • Lors des entretiens d’évaluation où là aussi, des propos inappropriés des managers ou l’humour déplacé pourraient devenir le terreau fertile de nombreux contentieux ;
  • Et bien entendu en matière de rupture du contrat avec les propos tenus lors des entretiens préalables.

Lorsqu’on songe aux obligations de l’employeur il est plus que temps de former ses équipes sur les droits et les devoirs de chacun dans la relation de travail afin d’éviter de couteux contentieux en devenir.

Qu'avez-vous pensé de cet article ?

Note moyenne de 5/5 basé sur 2 avis

Soyez le premier à donner votre avis

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *