L’obligation de secret professionnel des agents du secteur public

En application des dispositions de l’article L121-6 du code général de la fonction publique (CGFP) « Les agents publics sont tenus au secret professionnel dans le respect des articles 226-13 et 226-14 du code pénal ». Cette obligation s'impose également aux agents contractuels1. Toutefois, la loi ne définit pas précisément la notion de secret professionnel, mais la jurisprudence confère, à cette notion, une dimension très large. A la différence de la discrétion professionnelle, le secret professionnel protège l'administré et non l'administration.

L’obligation de secret professionnel
Secret professionnel dans la fonction publique : protection des informations confidentielles.

Qui sont les agents concernés par l’obligation de secret professionnel ?

En application des dispositions de l’article 226-13 du code pénal, constitue une violation du secret professionnel la révélation d’une information à caractère secret par toute personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire.

Sont particulièrement concernés par cette obligation :

  • les médecins et tous les personnels de santé ;
  • les assistantes sociales ;
  • les agents chargés des enquêtes ou appelés à servir d’intermédiaires pour des enquêtes statistiques ;
  • les agents exerçant dans les services de ressources humaines ;
  • et même les agents publics en général2.

Quelles informations sont protégées par le secret professionnel ?

L’obligation de secret professionnel porte sur les faits dont la connaissance est réservée à quelques personnes ou qui constituent un secret par leur nature ou en raison des conséquences nuisibles qui pourraient résulter de leur divulgation. Elle peut même porter sur des faits susceptibles d’être déjà connus du public3.

En outre, constitue une violation du secret professionnel la divulgation intentionnelle de toute information qui relève du secret de la vie privée ou de tous secrets protégés par la loi (les informations relatives aux dossiers personnels et médicaux, en particulier).

Il convient de noter que la communication à des tiers non autorisés d’informations nominatives faisant l’objet de traitements informatisés, constitue une infraction spécifique4.

Quelle est la portée de l’obligation de secret professionnel ?

En premier lieu, le secret professionnel est opposable aux tiers, en revanche, il n’est jamais opposable aux personnes intéressées. Ces dernières disposent même d’un droit d’accès aux informations les concernant, qu’elles soient gérées manuellement ou sur support informatique5.

Au sein de l’administration, les informations couvertes par le secret professionnel ne sont communicables qu’aux administrations et aux agents ayant compétence pour assurer la mission pour laquelle ces renseignements ont été recueillis6. Ainsi, les agents chargés de gérer les dossiers individuels des agents ne doivent transmettre aux services affectataires que les éléments relatifs à la carrière des agents et non pas, par exemple, des données relatives à leur vie familiale.

Par ailleurs, l’exercice du devoir d’information ne peut porter atteinte au secret professionnel. Ainsi, les demandes de renseignements portant sur le domicile ou la situation familiale dont les administrations sont souvent saisies ne doivent pas en principe être satisfaites, sauf en cas de décision de justice exécutoire.

En outre, selon la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), les documents nominatifs relatifs à la gestion des personnels ne peuvent être communiqués qu’aux agents concernés ou à leurs mandataires.

De plus, la communication des motifs d’un acte n’est pas obligatoire lorsqu’elle est de nature à porter atteinte à un secret protégé. Néanmoins, le respect des règles relatives au secret médical ne saurait avoir pour effet d’exonérer l’administration de l’obligation d’énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels elle fonde sa décision7. Toutefois une dispense de motivation est admise lorsque la décision est exclusivement fondée sur des motifs d’ordre médical8.

Il convient de noter, qu’en application des dispositions de l’article L211-6 du code des relations entre le public et l’administration, l’obligation de motivation d’un acte administratif imposée à l’administration doit se concilier avec les règles interdisant la divulgation ou la publication de faits couverts par le secret. Si le respect du secret médical ne peut avoir pour effet d’exonérer l’administration de son obligation de motiver sa décision9, cette dernière ne peut divulguer des éléments couverts par ce secret. Toutefois, la circonstance qu’une décision refusant de reconnaître l’imputabilité au service d’un accident faisait mention de tels éléments n’est pas, par elle-même, susceptible de l’entacher d’irrégularité10. Cependant, il ressort de cette décision que la question des conséquences de la violation du secret médical dans la motivation de l’acte est abordée uniquement sous l’angle du vice de forme et non pas sous celui de la régularité de la procédure préalable à l’édiction de l’acte.

Quelles sont les dérogations à l’obligation de secret professionnel ?

L’article 226-14 du code pénal prévoit des dérogations au principe du secret professionnel.

Il dispose ainsi que l’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret.

Les dérogations au secret prévues par la loi sont notamment les suivantes :

  • Tous les agents publics ont l’obligation de dénoncer les crimes et délits dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions11 ;
  • Les médecins, responsables de services et laboratoires de biologie médicale publics sont tenus de signaler à l’Agence régionale de santé (ARS) les cas de maladies nécessitant une intervention urgente locale, nationale ou internationale, à l’Agence nationale de santé publique (ANSP) les cas de maladies exigeant une surveillance particulière pour la protection de la santé de la population12 ;
  • Les administrations de l’Etat, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l’Etat, les départements et les communes, ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l’autorité administrative, doivent communiquer à l’administration, sur sa demande, les documents de service qu’ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel13 ;
  • Les personnes qui mettent en œuvre ou apportent leur concours à la politique de la protection de l’enfance sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d’évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en œuvre les actions de protection et d’aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier, après en avoir informé les personnes responsables du mineur14.

Toutefois, le secret professionnel n’est ni opposable à l’autorité judiciaire exerçant l’action pénale ; ni au Défenseur des droits.

S’agissant du juge administratif, le Conseil d’Etat estime qu’il ne peut avoir communication directe d’informations couvertes par le secret professionnel (informations à caractère médical, notamment) et que cette communication ne peut être effectuée que par l’intermédiaire de l’intéressé lui-même15.

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Quelles sont les sanctions applicables en cas de violation de l’obligation de secret professionnel ?

La révélation intentionnelle des secrets professionnels, en dehors des cas prévus par la loi, expose son auteur à une peine d’emprisonnement d’un an et à une amende de 15 000 euros16. Toutefois, des sanctions pénales particulières sont prévues en cas de violation des dispositions de la loi sur l’informatique, les fichiers et les libertés, les condamnations peuvent aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende17.

Le fonctionnaire poursuivi pénalement peut être suspendu et il peut faire l’objet d’une procédure disciplinaire. Par exemple, constitue un manquement à ses obligations en matière de secret professionnel le fait pour un agent de diffuser largement auprès de ses collègues de travail et de sa hiérarchie, en utilisant la messagerie électronique professionnelle, des notes et des rapports contenant de nombreuses informations à caractère fiscal recueillies notamment au cours d’opérations de vérification de comptabilité de sociétés, justifiant que lui soit infligée une sanction disciplinaire18.

Le juge pénal apprécie plus sévèrement les manquements au secret professionnel lorsqu’un administré a confié des informations à un agent public qui était chargé de les recueillir ; que dans la circonstance où des informations sont parvenues fortuitement à la connaissance d’un agent public.


Références :

  1. Article 1-1 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat ; article 1-1 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ; et article 1-1 du décret n° 91-155 du 6 février 1991, relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière ;
  2. Article L121-6 du CGFP ;
  3. Cass.crim., 25 janvier 1968, pourvoi n° 66-93.877 ;
  4. Article 226-22 du code pénal ;
  5. Articles L311-3 et L311-6 du code des relation entre le public et l’administration ;
  6. CE, 11 février 1972, Sieur Crochette, requête n° 76799 ;
  7. CE, 31 mai 1995, requête n° 114744 ;
  8. CE, 9 juin 2006, requête n° 275937 ;
  9. Voir note 7. ;
  10. CE, 16 février 2024, requête n° 467533 ;
  11. Article 40 du code de procédure pénale ;
  12. Article L3113-1 du code de la santé publique ;
  13. Article L83 du livre des procédures fiscales ;
  14. Article L226-2-2 du code de l’action sociale et des familles ;
  15. CE, 14 décembre 1988, Département des Hauts-de-Seine, requête n° 68209 ;
  16. Article 226-13 du code pénal ;
  17. Article 226-22 du code pénal ;
  18. CAA Bordeaux, 15 novembre 2010, Ministre du budget, des comptes publiques, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, requête n° 09BX02805.

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