
Ces professionnels qui étaient hier les moteurs de la croissance et les champions du bien-être se retrouvent aujourd’hui gardiens de la résilience organisationnelle. Leur moral en prend un coup : 59% disent avoir « bien ou très bien vécu » 2024, mais c’est 6 points de moins que l’année d’avant. Ce n’est pas anodin !
Rétrospective 2021-2024 : la fin d’une ère d’expansion
Les années 2021-2024 resteront gravées comme une période faste pour les directions RH. Portées par l’après-Covid et une économie qui reprenait des couleurs, les entreprises se sont lancées dans une course effrénée aux talents, propulsant les RH au cœur des décisions qui comptent.
Le marché du travail était clairement du côté des candidats – les offres pleuvaient alors que le nombre de CV par poste fondait comme neige au soleil. La marque employeur est devenue l’obsession du moment, avec des budgets communication RH qui ont explosé et une attention forte portée à l’expérience candidat.
Cette période a aussi vu fleurir de nombreuses initiatives QVCT (Qualité de Vie et Conditions de Travail). Les entreprises ont innové pour répondre aux attentes post-covid : horaires souples, télétravail hybride, coups de pouce à la parentalité, programmes bien-être… Ces efforts visaient aussi à fidéliser les talents dans un contexte où les difficultés de rétention étaient importantes.
Mais la période n’était pas exempte de défis. Notre enquête annuelle montre que 55% des professionnels RH ont trouvé l’année 2024 « épuisante », en hausse par rapport à 2023 (48%). Cet épuisement vient d’une charge de travail devenue intenable pour 53% des répondants, couplée à une pression des deadlines et des priorités qui partent dans tous les sens, mentionnée par 56% d’entre eux.
La transformation numérique était aussi un véritable challenge ; avec l’urgence de digitaliser les process RH tout en embarquant les collaborateurs dans cette transformation. Dès fin 2024, les voyants d’alerte commençaient à s’allumer : le taux de stress touchait 90% des professionnels RH (4 points de plus en un an), et leur motivation professionnelle plafonnait à 6,3/10.
Le nouveau contexte économique et social (2025 et au-delà)
Le passage à 2025 marque une vraie rupture pour les entreprises et leurs départements RH. Ce qui n’était que des signaux faibles fin 2024 s’est transformé en tendances lourdes, chamboulant complètement le paysage.
Les chiffres économiques sont sans appel et l’emploi est en première ligne. Le chômage, qu’on voit monter à 7,6% pour 2025 selon l’INSEE, pourrait même grimper à 8% dans les scénarios les plus pessimistes. Cette dégringolade s’explique par une croissance atone de 0,7%, bien trop faible pour maintenir l’élan d’avant.
Près de 143 000 emplois risquent de disparaître, principalement dans l’industrie et les services à faible valeur ajoutée Le dernier trimestre 2024 avait déjà donné le ton avec 50 000 emplois privés supprimés. La bataille entre candidats s’intensifie mécaniquement : le nombre moyen de postulants par offre est passé de 3 en 2022 à 4,5 en 2024, et la tendance risque de se poursuivre en 2025/2026.
Cette fragilité économique est amplifiée par des facteurs externes : tensions géopolitiques qui s’éternisent et politiques protectionnistes américaines qui mettent en difficulté nos exportations. Cette incertitude se lit dans le moral des RH : 58% citent l’incertitude comme leur sentiment dominant pour 2025, un bond de 11 points en un an.
Les nouvelles priorités RH en période de crise
Face à cette crise économique, les départements RH doivent revoir complètement leur copie. Fini la chasse aux talents ou les politiques QVCT ambitieuses, place à la préservation de l’essentiel : maintenir l’engagement des équipes, verrouiller les compétences stratégiques et accompagner les transformations inévitables.
Premier virage : passer d’une logique d’acquisition de talents à une stratégie de préservation du capital humain existant. Face au spectre des réductions d’effectifs, les RH doivent maintenant se concentrer sur l’identification et la fidélisation des compétences vitales.
La mobilité interne devient cruciale, permettant à la fois de limiter les recrutements externes coûteux et d’offrir des perspectives aux collaborateurs en place. La formation s’impose comme un levier central, ciblant d’abord les compétences essentielles et celles qui rendent les équipes plus polyvalentes.
Le climat social devient aussi une préoccupation majeure. Avec des employés stressés par les menaces sur leur emploi et les restrictions budgétaires, les RH doivent redoubler d’efforts pour maintenir un niveau d’engagement décent. La prévention des RPS devient vitale, et la communication interne se transforme en outil stratégique de premier plan.
Face aux contraintes budgétaires, les départements RH sont eux-mêmes forcés de faire des économies. Digitalisation des process, automatisation des tâches administratives, recours à l’IA… Ces approches permettent de recentrer les équipes RH sur les missions à haute valeur ajoutée.
L’accompagnement des restructurations et la gestion du changement
Avec la perspective de 143 000 suppressions de postes, les directions RH se retrouvent en première ligne pour gérer les restructurations. Cette mission délicate exige de jongler entre impératifs économiques et approche humaine.
L’expérience montre que les entreprises qui s’en sortent le mieux sont celles qui misent sur la transparence et l’anticipation. Les dispositifs de mobilité interne, de reconversion ou de départs volontaires mis en place assez tôt évitent souvent d’en arriver aux licenciements secs.
Au-delà de la gestion des départs, les RH doivent prendre soin des « survivants », souvent touchés par le fameux « syndrome du survivant ». Ce cocktail de culpabilité, de surcharge et de perte de confiance peut faire s’effondrer l’engagement.
La formation des managers de terrain devient alors capitale. Ce sont eux qui devront porter au quotidien les messages de la direction et remotiver leurs équipes malgré le brouillard ambiant. Notre enquête annuelle montre que 41% des RH identifient la gestion des conflits comme une compétence prioritaire à développer pour 2025.
Pour relever ces défis inédits, les professionnels RH doivent eux-mêmes faire évoluer leurs compétences. Notre enquête pointe les domaines clés pour 2025 : maîtrise des outils technologiques (46%), agilité organisationnelle (45%), gestion des conflits (41%), communication (40%) et management/leadership (34%).
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Le renforcement du rôle stratégique des RH
Si la crise force les équipes RH à se recentrer sur l’accompagnement des transformations, elle représente paradoxalement une opportunité pour renforcer leur positionnement stratégique. Les comités de direction ont plus que jamais besoin d’une fonction RH capable de naviguer dans la tempête et d’orchestrer des changements profonds.
Cette évolution exige un changement de posture. Le RH doit s’affirmer comme un véritable business partner qui comprend les enjeux business et contribue activement aux décisions. Le pilotage de la transformation devient central, nécessitant une analyse fine des compétences stratégiques et une cartographie précise des risques humains.
L’IA offre des perspectives riches pour la fonction RH en période troublée. Notre enquête révèle un optimisme mesuré des professionnels RH face à l’IA : 51% se disent confiants quant à son intégration dans leur métier, chiffre qui monte à 69% chez les moins de 30 ans. Automatisation administrative, analyse prédictive pour anticiper les départs, personnalisation des parcours de formation… Ces applications permettent non seulement de gagner en efficacité, mais aussi d’améliorer la pertinence des décisions RH.
Pour assumer pleinement ce rôle stratégique, encore faut-il que la fonction RH soit reconnue à sa juste valeur. Or, l’enquête montre une réalité contrastée : si 45% des RH disent avoir été reconnus pour leurs efforts en 2024, plus de la moitié (55%) ne voient aucune valorisation claire de leur travail. Cette reconnaissance varie fortement selon les secteurs, étant plus présente dans le privé (48%) que dans le public (33%).
Les professionnels RH sont à un carrefour critique, entre les vestiges d’une période d’abondance et les défis d’un environnement économique devenu plus hostile. Cette transition n’est pas un simple ajustement temporaire mais une vraie métamorphose du métier.
Les nouvelles missions qui s’imposent exigent un équilibre délicat entre la gestion des contraintes économiques immédiates et la préservation d’un capital humain indispensable pour rebondir lors de la reprise. Pour relever ces défis, les RH devront eux-mêmes évoluer, en musclant leurs compétences techniques et opérationnelles, sans jamais oublier la dimension stratégique de leur rôle.
La crise peut ainsi devenir un tremplin pour les directions RH qui veulent renforcer leur positionnement stratégique en prouvant leur capacité à piloter les transformations nécessaires tout en préservant l’essence du capital humain. L’avenir appartient aux professionnels RH qui transformeront cette période d’incertitude en catalyseur d’innovation sociale et organisationnelle, s’imposant comme les véritables architectes de la résilience dans l’entreprise de demain.