Démission dans la fonction publique : un acte partagé, entre responsabilité et continuité du service public

À la suite du cambriolage du musée du Louvre, plusieurs œuvres majeures ont été dérobées dans la nuit du 20 au 21 octobre 2025. Face à ce fiasco sécuritaire inédit, la présidente-directrice du musée, Laurence des Cars, a présenté sa démission à la ministre de la Culture, qui l’a refusée, comme l’a rapporté Le Figaro le 21 octobre 2025.

Dans le processus décisionnel d’une administration, chaque décideur est responsable de l’exécution d’un acte, et le sommet de la chaîne hiérarchique en assume la responsabilité.
Lorsqu’une erreur est commise, il n’est pas rare de voir cette responsabilité se traduire par une démission.

C’est dans ce cadre que la présidente-directrice du Louvre a proposé sa démission à la ministre de la Culture, qui l’a refusée.

Démission dans la fonction publique : un acte partagé, entre responsabilité et continuité du service public
Quand responsabilité individuelle et impératif de continuité se confrontent : la démission dans la fonction publique révèle toute la complexité d’un acte qui ne se décide pas seul.

1. La démission dans la fonction publique : un acte soumis à acceptation

Ce geste de responsabilité symbolique illustre le statut particulier de la démission dans la fonction publique : un acte soumis à acceptation de l’autorité de nomination. En effet, conformément à l’article L551-1 CGFP, la démission du fonctionnaire n’a d’effet qu’après acceptation par l’autorité investie du pouvoir de nomination.
Cette condition découle à la fois du caractère statutaire de la situation du fonctionnaire et du principe de continuité du service public.

2. Continuité du service public et pouvoir de l’administration

D’un côté, retenir un agent contre son gré n’a que peu de sens : il peut quitter ses fonctions par abandon de poste ou autre cessation (rupture conventionnelle, disciplinaire…).
De l’autre, la continuité de l’action administrative exige que la démission d’un dirigeant soit soumise à l’accord de son autorité, pour garantir la stabilité du service ou la transition.
L’administration conserve ainsi un pouvoir discrétionnaire sur le départ de l’un de ses agents.

3. Des régimes différenciés selon le statut de l’agent

Passons l’aspect symbolique du geste — celui d’un dirigeant assumant les fautes de sa chaîne hiérarchique — pour nous concentrer sur le sens juridique : dans le secteur public, la démission n’est pas une prise d’acte.
Les fonctionnaires, garants statutaires de la continuité du service public, disposent d’un régime de démission particulier, rigide mais justifié.

Même si, dans la fonction publique, d’autres régimes plus souples existent, tous traduisent un attachement au principe de continuité, notamment par le préavis non négociable de l’agent contractuel.
La démission de ces agents s’apparente davantage à une information faite à l’administration, une prise d’acte qu’elle peut éventuellement assouplir.

L’agent contractuel doit respecter le préavis sous peine de rendre sa démission illégale (Rep. Min., JO AN 3 janv. 2000, n° 29736 – CE 12 déc. 2008, n° 296099).
Le fonctionnaire stagiaire, lui, adresse une demande écrite un mois avant la cessation de fonctions (R327-65 CGFP).
Le praticien hospitalier, enfin, peut présenter sa démission avec un préavis de trois mois, prolongeable jusqu’à six (R6152-97 CSP).
Les autres statuts (praticiens contractuels, assistants, attachés) prévoient que le silence vaut acceptation.

4. La procédure d’acceptation : formalisme et délais

Pour les fonctionnaires titulaires, les conditions sont plus strictes :

  • La démission doit être acceptée expressément ;
  • Elle doit traduire une volonté claire et non contrainte (CAA Douai, 15 oct. 2025, n° 24DA00328) ;
  • Et le non-respect de la procédure expose à sanction disciplinaire ou retenue sur pension (L551-2 CGFP).

L’employeur dispose d’un délai variable selon les versants : un mois dans la fonction publique territoriale (art. L551-2 CGFP), aucun délai dans la fonction publique hospitalière, et quatre mois dans la fonction publique de l’État — ce qui est précisément le cas de la directrice du Louvre.
L’absence de décision dans les quatre mois vaut refus implicite d’accepter la démission (CE, 27 avr. 2011, n° 335370), l’administration se trouvant dessaisie au-delà de cette limite.
Cette solution confirme que la démission du fonctionnaire ne peut jamais résulter d’une simple abstention de l’administration.

5. Une volonté libre, claire et non contrainte

Autrement dit, l’agent ne peut pas considérer son départ comme acquis du seul fait du dépôt de sa lettre de démission : tant que l’administration n’a pas accepté expressément, il reste en fonctions.
Ce mécanisme renforce le principe de continuité du service public et rappelle que la démission, en droit public, n’est pas un acte unilatéral, mais un acte soumis au contrôle de l’employeur public.

Ainsi, la rigidité statutaire empêche toute confusion entre démission et prise d’acte unilatérale.
La volonté doit être libre, éclairée et formalisée, sans contrainte ni équivoque (CAA Marseille, 18 oct. 2024, n° 22MA01398 ; CAA Marseille, 25 mars 2025, n° 24MA00486).

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6. La rupture conventionnelle : une voie nouvelle et concertée

Le législateur a toutefois introduit une souplesse avec la rupture conventionnelle, héritière des dispositifs d’indemnité de départ volontaire (IDV).
Ce mode de cessation, longtemps jugé inopportun dans la fonction publique, permet désormais une fin de carrière concertée et sereine, sous réserve de l’accord des deux parties.

La souplesse du régime réside également dans la possibilité pour l’agent de contester le refus de démission ou de négocier la date d’effet.
Le refus constitue une décision administrative, justifiée par les nécessités du service, pouvant être contestée devant la CAP (L551-2 CGFP) ou le juge administratif (CAA Marseille, 21 oct. 2022, n° 22MA02076).

7. Un équilibre entre liberté individuelle et devoir de continuité

En définitive, la démission du fonctionnaire n’est pas une prise d’acte : elle traduit un équilibre entre volonté individuelle et continuité du service public.
Si quelques assouplissements pourraient la simplifier, elle demeure un acte partagé, à la croisée du statut, de la loyauté et de la responsabilité.
Dans la fonction publique, on ne claque pas la porte : on attend qu’elle soit ouverte.

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