Réforme du code du travail : décryptage des mesures prévues

Le nouveau gouvernement d’Emmanuel Macron a présenté en Conseil des ministres, le 28 juin dernier, son projet de loi relatif à la réforme du code du travail. Cette réforme est menée par le Premier Ministre Edouard Philippe et la Ministre du Travail Muriel Pénicaud. Son principal objectif est d’accorder davantage de flexibilité aux entreprises dans le but de stimuler l’emploi.

réforme du code du travail

Le texte de cette réforme va être examiné au Parlement entre le 24 et le 28 juillet. Les ordonnances seront ensuite rédigées pour être envoyées au Conseil d’État à la fin août. Le Conseil des ministres devrait adopter le texte avant le 20 septembre. Mettre en place cette réforme par la voie des ordonnances permettra à Emmanuel Macron d’éviter les difficultés connues par l’ancien gouvernement lors de l’adoption de la loi El Khomri.

Possibilité de déroger à l’accord de branche par un accord d’entreprise, fusion des différentes instances représentatives du personnel, mise en place d’un plafond obligatoire des dommages et intérêts en cas de licenciement abusif, restriction du périmètre du licenciement économique, création d’un contrat de projet sur le modèle du contrat de chantier, généralisation du chèque syndical, etc… Les dispositions sont nombreuses. Nous allons détailler ci-dessous les principales mesures prévues et leurs répercussions.

Articulation entre la convention de branche et l’accord d’entreprise

L’articulation de l’accord d’entreprise et de la convention de branche est au cœur de la réforme. En effet, le projet de réforme envisage de généraliser la mesure de la loi El Khomri qui donne la primauté à l’accord d’entreprise sur la convention de branche. Le but est de donner plus d’importance aux accords d’entreprise. Aujourd’hui, les accords d’entreprises peuvent essentiellement porter sur le temps de travail. Le gouvernement souhaite que les conditions de travail, la formation professionnelle ou encore les salaires puissent également faire l’objet de négociations au sein de l’entreprise. Les dispositions prévues dans les accords d’entreprise viendraient alors remplacer celles mentionnées dans l’accord de branche et ce, même si ces nouvelles dispositions étaient moins favorables aux salariés. Certaines limites seraient toutefois conservées pour protéger les salariés : par exemple, l’interdiction de négocier les salaires en dessous du montant du Smic.

Création d’un contrat de projet

Le projet de réforme voulu par le gouvernement d’Emmanuel Macron envisage également de mettre en place un nouveau type de contrat de travail, à l’image du contrat de chantier qui existe déjà pour le secteur du BTP. Ce nouveau contrat, appelé contrat de projet ou CDI de projet, serait donc lié à la réussite ou à la fin du projet ou de l’opération pour lequel le salarié a été embauché. Notons toutefois que ce contrat de projet ne serait pas généralisé à toutes les entreprises mais limité à certains secteurs particuliers.

Enfin, comme pour le contrat de chantier, il faut savoir que ce nouveau type de contrat ne permettrait pas au salarié de toucher les indemnités de précarité liées aux CDD (ou encore à l’intérim). En revanche, ce nouveau contrat permettrait au salarié de toucher des indemnités conventionnelles de licenciement.

Fusion des instances représentatives du personnel (IRP)

Le projet de réforme vise à mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social dans l’entreprise. Cette nouvelle organisation passe par la possibilité, pour toutes les entreprises, de fusionner en une seule entité les trois instances représentatives existantes c’est-à-dire les délégués du personnel (DP), le comité d’entreprise (CE) mais aussi le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Notons qu’actuellement la délégation unique du personnel n’est possible que pour les entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 299 salariés.

Cette mesure permettrait de supprimer les « effets de seuil » qui constituent parfois un obstacle à l’embauche de nouveaux salariés. En effet, certaines entreprises préfèrent ne pas embaucher plutôt que de dépasser un seuil qui imposeraient la mise en place d’une instance représentative du personnel.

Notons toutefois qu’un accord d’entreprise pourrait toujours conserver les institutions représentatives existantes ou bien, en instaurer des nouvelles.

Multiplication des cas de recours aux CDD et à l’intérim

Actuellement, le recours aux CDD et à l’intérim n’est possible que « pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés par la loi ». Le projet de réforme envisage de laisser la possibilité aux accords de branches de décider des motifs de recours aux contrats à durée déterminée (CDD) ou à l’intérim.

Généralisation du chèque syndical

Le projet de réforme entend généraliser le dispositif du chèque syndical qui existe déjà dans certaines grandes entreprises (exemple, chez Axa). Le chèque syndical prend la forme d’un titre de paiement versé chaque année par l’employeur au salarié. Ce dernier peut dès lors l’utiliser librement pour financer un syndicat de son entreprise, avec ou sans adhésion.

Restriction du périmètre du licenciement pour motif économique

Le projet de réforme se donne la possibilité de définir le périmètre géographique et le secteur d’activité pour apprécier les difficultés d’une entreprise. Restreindre le périmètre du licenciement économique permettrait de faciliter la possibilité pour l’employeur de licencier un salarié. Ainsi, par exemple, en cas de licenciement économique au sein d’un grand groupe mondial, les difficultés économiques ne seraient plus étudiées au niveau du monde mais seulement au niveau national.

Fixation d’un barème des indemnités prud’homales

Le projet de réforme prévoit de fixer un barème des indemnités obtenues devant les prud’hommes en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce barème mentionnerait un montant minimum mais aussi un plafond maximum variant selon l’ancienneté du salarié licencié. Ce barème permettrait ainsi à l’employeur de connaître la fourchette de coût d’un licenciement et de le budgétiser de manière certaine.

Notons toutefois que certains licenciements abusifs, notamment ceux liés à une mesure discriminatoire ou encore, à une situation de harcèlement ne seront pas concernés par ce barème. Les juges seraient alors encore libres de fixer le montant des dommages et intérêts selon la situation.

Encouragement au travail dominical

Le projet de réforme entend favoriser davantage l’ouverture des commerces le dimanche. Deux mesures sont mises en place pour y parvenir. La première mesure tend à faciliter l’abrogation des arrêtés préfectoraux de fermeture d’établissement pour repos dominical. Puis, la seconde mesure consiste à prolonger le délai de deux ans accordé par la loi Macron du 6 août 2015 aux commerces situés dans les zones touristiques et commerciales pour conclure un nouvel accord sur le travail dominical.

Consultation des salariés

Le gouvernement entend faciliter les conditions de recours à la consultation des salariés pour valider un accord. Notons que la possibilité de demander leurs avis aux salariés est déjà ouvert aux organisations syndicales. Le projet de réforme prévoit d’étendre les possibilités de déclenchement du référendum en l’ouvrant à l’employeur.

Simplification du compte pénibilité

Le projet de réforme souhaite simplifier le fonctionnement du compte pénibilité, rebaptisé le compte de prévention. Certaines obligations incombant aux employeurs en matière de pénibilité seront donc modifiées.

Le fonctionnement du compte prévention sera calqué sur celui du compte pénibilité pour les six critères suivants : le travail de nuit, le travail répétitif, le travail en horaires alternants ou en milieu hyperbare mais aussi le bruit et les températures extrêmes.

En revanche, les règles seront modifiées pour les quatre autres critères existants et qui sont considérés, par les employeurs, comme difficilement mesurables. Il s’agit de la manutention de charges lourdes, des postures pénibles, des vibrations mécaniques et enfin, des risques chimiques. Ainsi, ces quatre risques ne feront plus partie du compte à points. Les salariés exposés à ces risques ne pourront bénéficier d’un départ anticipé à la retraite que si une maladie professionnelle a été reconnue et que le taux d’incapacité permanente dépasse 10%.

Enfin, le gouvernement a annoncé que le financement du dispositif allait également être modifié. Ainsi, le financement des droits en matière de pénibilité ne dépendrait plus des deux cotisations actuelles qui seraient dès lors supprimées (cotisation de base et cotisation additionnelle) mais il serait organisé dans le cadre de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Gouvernance d’entreprise

Le projet de loi prévoit la présence de salariés dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance des entreprises dont l’effectif dépasse un certain seuil (ce seuil devant dès lors être déterminé).

Notons qu’à l’heure actuelle ils peuvent déjà siéger dans les conseils d’administration des entreprises dont l’effectif est de plus de 1000 salariés.

Retenue à la source

Même si le prélèvement à la source des impôts sur les revenus n’est pas lié au droit du travail, le gouvernement souhaite profiter de la loi d’habilitation pour différer par ordonnance cette mesure d’un an, soit au 1er janvier 2019.

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