Cadeaux et invitations aux agents : savoir maîtriser le risque pénal et éviter la faute disciplinaire

En principe, aucun agent public ne doit accepter un cadeau ou une invitation dans l’exercice de ses missions. Accepter, revient à s’exposer à un risque de sanction pénale.

Accepter ces avantages peut, en outre, contrevenir aux obligations de dignité, d’impartialité, d’intégrité, de probité et de neutralité des agents publics définies dans le code général de la fonction publique (CGFP) (1). Ils exposent également à un risque de sanction disciplinaire.

Bien évidemment, recevoir et partager avec les membres de son service une boîte de chocolat offerte par un fournisseur constitue un acte courant empreint de courtoisie et de savoir-vivre. Il en va autrement de certains cadeaux très onéreux (montres de luxe, vins fins, …) et dont l’octroi, par ailleurs, peut engager la responsabilité pénale de son auteur.

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Cadeaux et invitations aux agents : savoir maîtriser le risque pénal et éviter la faute disciplinaire

C’est pourquoi l’encadrement des cadeaux et invitations par un code de bonne conduite ou par une charte des bonnes pratiques permet de prévenir le risque pénal et disciplinaire, auquel peuvent être exposés les agents publics. Il permet aussi, pour l’administration, de se prémunir contre un éventuel risque pénal et/ou de contentieux administratif.

A noter, en outre, les personnes morales, à l’exclusion de l’État, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
Toutefois, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public (2).

I. Les délits de corruption et de trafic d’influence

Le fait de proposer ou d’accepter un cadeau, une invitation ou un avantage expose, dans certaines circonstances un agent public à un risque pénal.

Par ailleurs, la personne qui propose le cadeau ou l’invitation est susceptible d’être poursuivie pour le délit :

  • De corruption active, si elle attend que celui qui reçoit le cadeau agisse (ou s’abstienne d’agir) en retour pour lui être favorable dans le cadre de ses fonctions ;
  • De trafic d’influence actif si une personne espère que l’agent public usera de son influence sur une autorité pour qu’elle prenne une décision. Cela désigne donc le fait pour une personne de recevoir, ou de solliciter, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, dans le but d’abuser de son influence, réelle ou supposée, sur un tiers afin qu’il prenne une décision favorable. Il implique au moins trois acteurs : le corrupteur souvent également bénéficiaire (celui qui fournit des avantages ou des dons), l’intermédiaire (celui qui utilise le crédit qu’il possède ou qu’on lui prête du fait de sa position) et la personne cible, celle qui détient le pouvoir de décision (agent public, autorité ou administration publique, magistrat, expert etc.) (3).

En outre, l’agent qui sollicite ou agrée un cadeau ou une invitation, est susceptible d’être poursuivi, respectivement, pour délit de corruption passive ou de trafic d’influence passif (4).

Par exemple, a été condamné pour corruption passive, un agent d’un ministère qui sollicite et reçoit des dons de sinistrés pour contrôler leurs dossiers et les remettre ensuite au service d’ordonnancement des fonds (5).

En outre, a été condamné pour trafic d’influence passif, un fonctionnaire territorial acceptant des présents pour tenter de régulariser la situation administrative d’un étranger en faisant une intervention auprès d’un assistant parlementaire.

La Cour de cassation a par ailleurs confirmé que de « menus cadeaux » peuvent suffire à caractériser la corruption, dès lors qu’ils ont été offerts « dans le seul but de faire bénéficier par l’intermédiaire de cet agent de plusieurs commandes ou achats sur factures » (6).

A noter que ces délits sont également susceptibles d’être constitués dans le cas où un cadeau est offert  a posteriori, en remerciement d’une action ou décision favorable.

Peines encourues :

  • Corruption active : dix ans d’emprisonnement et une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. La peine d’amende est portée à 2 000 000 € ou, s’il excède ce montant, au double du produit de l’infraction, lorsque les infractions prévues au présent article sont commises en bande organisée ;
  • Corruption passive : dix ans d’emprisonnement et une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. La peine d’amende est portée à 2 000 000 € ou, s’il excède ce montant, au double du produit de l’infraction, lorsque les infractions prévues au présent article sont commises en bande organisée.
  • Trafic d’influence : cinq ans d’emprisonnement et une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.

II. Les délits connexes

A. Le délit de favoritisme

Souvent associé aux activités d’achat public, le délit de favoritisme prohibe le fait, par un élu ou une personne chargée d’une mission de service public, « de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession » (7).

Peine encourue : deux ans d’emprisonnement et une amende de 200 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.

Par exemple, la Cour de cassation a jugé qu’un fonctionnaire territorial commet les délits de trafic d’influence et de favoritisme en acceptant des voyages et d’autres avantages, en contrepartie de l’obtention de décisions favorables pour l’octroi de marchés publics (8).

Ce délit est constitué en cas de violation des principes fondamentaux de libre accès, d’égalité des candidats et de transparence. Il peut également être commis à l’occasion de procédures situées en-dessous des seuils prédéfinis et pour lesquelles il n’y a aucune obligation de mise en concurrence
ou de publicité.

B. Le délit de concussion

La concussion consiste en une infraction commise par un représentant de l’autorité publique ou une personne chargée d’une mission de service public qui, sciemment, reçoit, exige ou ordonne de percevoir une somme qui n’est pas due. C’est aussi le cas lorsque ce représentant ou cette personne accorde, sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit (par exemple un cadeau), une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires (9).

Peine encourue : cinq ans d’emprisonnement et une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.

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III. Le risque disciplinaire

Le juge administratif a eu l’occasion de se prononcer, à de nombreuses fois, pour valider des sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre d’agents publics qui avaient reçu ou proposé des cadeaux et invitations.

Ainsi, a été justifiée, par le juge administratif,  la révocation d’un fonctionnaire des impôts qui accepte un don de 5 000 francs de l’époque en contrepartie de l’accomplissement d’un acte lé à sa fonction, en l’occurrence : la réduction de la pénalité de retard, dans le cadre d’un pacte où l’intention coupable était caractérisée comme une grave faute disciplinaire En l’espèce il avait également bénéficié d’enveloppes de contribuables contenant des bons pour un repas ou encore des sommes modiques et des livres de la collection « La Pléiade » de la part de certains contribuables (10).

De même, a été justifiée la révocation d’un contrôleur des douanes qui avait,
notamment, bénéficié de la part d’un opérateur économique soumis à son contrôle, d’un voyage d’agrément aux États-Unis, tous frais payés, ainsi que d’un prêt sans intérêts et qui avait, en outre, accepté ou sollicité le bénéfice de repas offerts par d’autres opérateurs (11).

Enfin, en sus du risque pénal et/ou disciplinaire, il existe, pour l’administration, un risque de contentieux administratif pouvant affecter son fonctionnement et remettre en cause la régularité d’une procédure ou d’un acte ou encore d’un contrat administratif. C’est ainsi que le juge administratif peut annuler un marché public, un contrat ou une décision administrative pour détournement de pouvoir, notamment, consécutivement à l’acceptation d’un cadeau, d’un avantage ou d’une invitation par un agent public.


Références :

  1. Article L. 121-1 du CGFP : « L’agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. » ;
  2. Article 121-2 du code pénal ;
  3. Article 433-2 du code pénal ;
  4. Articles 432-11 et 433-1 du code pénal ;
  5. Cass. crim., 19 juillet 1951, Bull. crim.. n° 220 ;
  6. Cass. crim., 10 mars 2004, pourvoi n° 02-85.285 ;
  7. Article 432-14 du code pénal ;
  8. Cass. crim., 14 décembre 2000, arrêt n° 7606 ;
  9. Article 432-10 du code pénal ;
  10. CAA Paris, 22 octobre 1998, requête n° 97PA00962 ;
  11. CAA Paris, 3 février 2005, requête n° 00PA03913.

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