Inflation et salaires : une équation difficile pour les RH

La question du pouvoir d’achat est un sujet important d’actualité en cette rentrée, que l’on parle de fournitures scolaires ou du prix de l’essence, de l’argent des ménages ou de la capacité à épargner.

Cette question est basée sur une logique de consommateurs et non une logique « salarié / employeur », et dans sa réponse actuelle médiatique, elle est plutôt de l’ordre du politique et du social que de l’économique.

Reprenons ce sujet dans le cadre de la gestion des ressources humaines. Posons-nous la question si nous devons aujourd’hui au niveau de notre politique salariale et de notre stratégie de rémunération, entrer dans une logique « Coût de la vie » (100% orientée salariés) versus « Coût de la main d’œuvre » (100% orientée employeur).

Avant de répondre, faisons quelques rappels et alignements pour ne pas se faire influencer par la pression du politique et médiatique et répondre aux préoccupations de l’entreprise, des salariés et des RH.

Pouvoir d'achat et augmentation des salaires
Faut-il revoir notre politique salariale face à l'inflation croissante ?

Reviser une politique salariale

Les données, hors de la question budgétaire, à examiner lors de la révision d’une politique salariale sont somme toute assez simples :

  1. Les données macroéconomiques tels que l’inflation / déflation, le taux de chômage, ou encore les questions de taux change en cas de politique internationale.
  2. Les données sociales en lien avec le taux de chômage, soit l’analyse du bassin d’emploi visé par le recrutement de l’entreprise pour en connaitre la richesse en termes de compétences et la facilité ou non de recrutement en liaison avec la disponibilité de main d’œuvre mais aussi le salaire de référence exigé (la compétitivité des salaires). Le travail distanciel et le temps de trajet peuvent également intervenir sur cette donnée car les salariés ont cherché ces dernières années à s’installer dans des régions moins chères et du coup perturber la notion de bassin d’emploi
  3. À ces données économiques et sociales s’ajoute une information vitale pour l’établissement des salaires : le mouvement du marché en terme salarial, soit les intentions d’augmentation des entreprises. Ce chiffre permet de vérifier la compétitivité de notre politique salariale. Il est en général indiqué par les fournisseurs d’études de salaires.
  4. Données spécifiques à la France : l’employeur doit en plus respecter deux chiffres qui vont contraindre également (et fortement) sa politique salariale : Les salaires minim conventionnels légaux et le SMIC. Arrêtons-nous un court instant sur ces deux indicateurs.

Rappelons même si cela semble une lapalissade, que le SMIC (salaire minimum de croissance) correspond au salaire horaire minimum légal en dessous duquel le salarié ne peut pas être rémunéré. En cas de non-respect, l’employeur peut être condamné à une amende d’un montant de 1 500 € ainsi que des dommages et intérêts.

Il est intéressant également de comprendre comment le SMIC est revalorisé pour savoir s’il faut prendre en compte le pouvoir d’achat dans la fixation du salaire. Le SMIC peut être revalorisé à trois moments de l’année (source https://www.service-public.fr ) :

  1. Chaque année au 1er janvier. Il est indexé sur l’inflation mesurée pour les 20 % des ménages ayant les revenus les plus faibles. La revalorisation du Smic est effectuée sur la base de la moitié du gain de pouvoir d’achat du salaire horaire moyen des ouvriers et des employés.
  2. À tout moment de l’année : Si l’indice des prix à la consommation augmente d’au moins 2 % par rapport à l’indice constaté lors de l’établissement du dernier montant du Smic, il est augmenté automatiquement dans les mêmes proportions.
  3. Augmentation coup de pouce : À tout moment, le gouvernement peut procéder à l’augmentation du Smic.

Si nous regardons les deux dernières années durant laquelle est apparue une plus forte inflation, on remarque que le SMIC brut a augmenté ainsi :

+ 0,9% au 1er janvier 2022
+ 2,65% au 1er mai 2022
+ 2,01% au 1er août 2022
Soit + 7,76% pour 2022
+ 1,81% au 1er janvier 2023
+ 2,22% au 1er mai 2023

Et on ne sait pas encore si une autre hausse peut être attendue avant la fin de l’année.

L’inflation et l’indexation des salaires peuvent être donc liées mais pas de façon automatique, en tous cas, pas au niveau d’une application automatique légale. Elle est seulement induite par la contrainte d’un niveau de salaire minimum obligatoire qui peut évoluer en fonction de la décision de l’État français et basé sur des calculs spécifiques.

L’autre niveau décisionnel minimum concernant les salaires est au niveau du conventionnel. L’employeur doit se conformer au salaire minimum conventionnel lorsqu’un accord collectif ou une convention collective le prévoit. Le montant de ce salaire minimum diffère selon la convention collective applicable à l’entreprise et ce dernier peut être supérieur au montant du SMIC. Sa détermination nécessite de prendre en compte la classification conventionnelle du salarié, déterminée selon des critères fixés par la convention collective tels que les années d’expérience dans la profession, les diplômes obtenus, la complexité des tâches, l’autonomie, les connaissances. Les salaires minima conventionnels sont négociés au moins une fois par an pour chaque convention collective, et notamment lorsque le salaire minimum conventionnel des salariés devient inférieur au SMIC afin d’adapter le montant, sachant que la loi du 16 août 2022 a modifié le temps de négociation sur ce sujet, de 3 mois à 45 jours.

Le non-respect de ce salaire minimum entraine des sanctions civiles (rappel de salaires, potentiellement une prise d’acte de la rupture du contrat de travail des salariés concernés), des sanctions pénales (jusqu’à 750 € par salarié) et des sanctions administratives.

Il est difficile d’avoir une vue générale de toutes les valorisations de ce salaire minimum conventionnel du fait du nombre de conventions mais lors de la révision de notre politique salariale, il est facile d’avoir ces informations au sein de sa propre convention collective applicable pour intégrer cet élément à la décision.

Oui mais…

La question du pouvoir d’achat n’est donc pas l’unique donnée à prendre en compte pour la question des salaires si on se positionne dans une logique employeur. Oui mais …

Il est à noter qu’entre 2011 et 2022, l’inflation s’est située en France entre 0% et 2,1% (chiffres INSEE) et n’a pas donc posé cette question du pouvoir d’achat versus les salaires de façon si accentuée qu’aujourd’hui. En effet, une inflation légère et modérée a souvent été considérée comme bénéfique encourageant la consommation et les investissements et c’est cette logique qui s’est appliquée ces dix dernières années.

Mais aujourd’hui avec des chiffres d’inflation (données provisoires publiées par l’Insee) oscillant entre 4,8% (août 2023) et 6,3% (février 2023), il convient une vigilance nécessaire mais aussi certainement une logique d’augmentation salariale à revoir qui n’est pas sans rappeler des réflexions d’employeur et de syndicat d’une autre époque.

Ces réflexions débouchaient sur la question : « qu’est-ce que le minimum à fournir aux salariés pour qu’ils soient « productifs » ? » et la réponse était le plus souvent : « un salaire minimum (d’où le SMIC), une couverture sociale décente, des avantages sociaux différenciant, une possibilité d’épargner et une bonne retraite ». Il est donc important lors de notre révision de notre stratégie de rémunération de répondre au problème actuel du pouvoir d’achat mais pas uniquement au travers d’un rajustement salarial mais également par une panoplie de mesures.

A la dégradation du pouvoir d’achat en liaison avec la hausse de l’inflation depuis 2022, s’est ajoutée également la difficulté de recrutement, donnée présente dans ce qu’il faut prendre en compte pour une politique salariale.

Selon l’enquête « Besoins en main-d’œuvre 2023 » de Pôle Emploi, 61 % des recrutements sont jugés « difficiles » cette année contre 57,9 % en 2022. Ce chiffre serait d’ailleurs en augmentation encore. Cela interpelle pour deux raisons. Premièrement la question de connaitre pourquoi un salarié quitte son entreprise mérite d’être reposée et il y a de fortes chances qu’elle soit salariale. La compétitivité des salaires est alors à nouveau un vrai sujet pour la rétention mais aussi l’attraction de candidats et ne peut être ignorée dans notre politique salariale. Deuxièmement, cette difficulté de recrutement pose la question de comment rémunérer une compétence, dans un univers où la technologie challenge dangereusement la question du savoir avec l’IA.

Enfin s’ajoute la notion de rémunération globale, au moment même que la QVT a fait une entrée théâtrale (post covid) imposant le télétravail comme un élément du package rémunération sans qui on ne peut compter et l’idée que tout ne peut pas se monnayer.

Il faut donc s’assurer de répondre aux besoins du salarié par un salaire qui couvre la détérioration du pouvoir d’achat mais ne pas ignorer les autres facteurs influençant la politique salariale (les besoins de recrutement notamment).

Cerise sur le gâteau, cette affirmation ne tient pas compte de la question budgétaire à savoir si l’entreprise peut se permettre ces revalorisation et ajustements.

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L’inflation touche également les entreprises

Nous ne pouvions conclure ce sujet sans parler de la capacité financière des entreprises à couvrir l’inflation de ses coûts autres que le coût salarial et l’augmentation salariale en lien avec la détérioration du pouvoir d’achat.

La politique salariale est une question gérée par la finance et les Ressources Humaines dans l’entreprise, par le responsable C&B quand il y en a un. Elle est stratégique et supporte la stratégie globale des RH et donc de l’entreprise. Sa présentation et validation au comité de direction avant toute négociation (NAO) est d’autant plus critique qu’elle représente un coût des plus importants de l’entreprise et doit anticiper une masse salariale adéquate pour l’avenir (ne pas mettre en danger les possibilités de croissance et rentabilité futures). Il va nous falloir bien réviser les différents effets sur la masse salariale – effet report, effet de noria… pour proposer des alternatives d’augmentation salariale à un budget global d’augmentation générale systématique.

Il nous faut donc réfléchir :

  • Agir par type de population pour une meilleure rétention et attraction, sans détériorer l’équité interne des salaires,
  • Ne pas rogner le budget d’augmentation au mérite (en fonction de la performance) au risque de la rendre ridicule et donc inefficace,
  • Analyser la structure de rémunération en positionnant chaque salaire individuel en fonction de la donnée « marché » pour permettre des ajustements salariaux d’urgence et éviter ainsi de démotiver certaines catégories de salariés.

Enfin la vision de la rémunération globale avec une perspective fiscale et sociale s’avèrera pertinente pour aller chercher d’autres solutions de rémunération autre que le salaire pour répondre à la question du pouvoir d’achat.

Tous ces points exerceront une influence sur la communication du package rémunération globale aux salariés avec la mise en valeur des autres éléments que le salaire. Il sera aussi extrêmement important que l’entreprise montre comment elle répond aux préoccupations présentes de ses salariés qui se heurtent à l’augmentation du coût de la vie au quotidien. L’économique rejoint le politique et l’entreprise ne pourra pas y échapper.

Définition :

Le pouvoir d’achat fait référence à la quantité de biens et de services qu’une unité monétaire peut acheter. En d’autres termes, il mesure la valeur réelle ou le pouvoir d’achat de la monnaie en termes de ce qu’elle peut réellement acheter dans l’économie. Le pouvoir d’achat est un concept essentiel car il affecte directement la capacité d’un individu ou d’un ménage à s’offrir des biens et des services.

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