Convention d’assurance chômage du 10 novembre 2023 : des mesures pour sécuriser les parcours professionnels

En août dernier, le gouvernement a adressé aux partenaires sociaux un document de cadrage relatif à la négociation d’une nouvelle convention d’assurance chômage dans lequel ces derniers étaient invités à « consacrer une partie des excédents dégagés par les dernières réformes à soutenir et à co-construire un effort structurant en faveur du plein emploi, tout en assurant la soutenabilité du régime et en réduisant son endettement1 ». Cette négociation s’est déroulée dans un calendrier imposé : obligation d’aboutir à un accord avant le 15 novembre.

Convention d’assurance chômage du 10 novembre 2023 : Des mesures pour sécuriser les parcours professionnels
Protocole d'accord pour ajuster les règles d'indemnisation afin de simplifier la réglementation de l'assurance chômage et améliorer la compétitivité des entreprises.

Après 8 séances de négociation menées au pas de charge (lancement 12 septembre), les partenaires sociaux sont parvenus à conclure le 10 novembre un protocole d’accord. Celui-ci entend répondre à un triple objectif :

  • L’ajustement de certaines règles d’indemnisation pour tenir compte de situations spécifiques sur le marché du travail ;
  • La simplification et l’amélioration de la lisibilité de la réglementation d’assurance chômage, pour plus d’équité ;
  • L’amélioration de la compétitivité des entreprises au profit de l’emploi durable. 

Les modalités détaillées du protocole d’accord signé par une majorité d’organisations syndicales (la CFDT, la CFTC et FO) et l’ensemble des organisations patronales (le MEDEF, la CPME et l’U2P) ont été précisées dans une convention soumise à l’agrément de la Première ministre.

Une fois agrées, les nouvelles règles seront valables 4 ans à compter de leur entrée en vigueur.

L’exécutif a pour le moment refuser d’agréer le protocole d’accord, évoquant des garanties insuffisantes sur les économies réalisées par le régime d’assurance chômage pour tenir compte des effets positifs de la réforme des retraites. L’agrément est renvoyé à la nouvelle négociation sur l’emploi des seniors qui doit être lancée prochainement.

Voici ce que contient le texte :

1. Ajuster certaines règles d’indemnisation pour tenir compte de situations spécifiques sur le marché du travail sans remettre en cause les principes fondamentaux des réformes précédentes visant à inciter au retour durable à l’emploi

Une évolution des règles d’indemnisation est prévue pour traiter de situations spécifiques (jeunes, saisonniers) sur le marché du travail :

  • S’agissant des conditions minimales d’affiliation pour prétendre à l’allocation chômage
  • Pour les « primo-demandeurs » d’emploi, il est prévu de faire passer la condition minimale d’affiliation permettant l’ouverture d’un droit à 108 jours travaillés (ou 758 heures travaillées) contre 130 jours pour les règles de droit commun (ou 910 heures).

    Ce régime dérogatoire sera également applicable aux travailleurs saisonniers justifiant de la durée d’affiliation minimale exclusivement au titre de contrats saisonniers.

  • Concernant le calcul de l’allocation
  • Il est procédé à un ajustement de la formule de calcul du salaire journalier de référence (SJR) servant au calcul de l’allocation journalière : le plafond des périodes non travaillés prises en compte dans le calcul du SJR est abaissé à 70 % (contre 75 % aujourd’hui) du nombre de jours travaillés dans la période de référence.

    Cette mesure vise à mieux tenir compte des spécificités de certaines activités saisonniers qui alternent contrats courts / périodes de chômage.

  • Sur la dégressivité des allocations pour les hauts revenus
  • Depuis le 1er décembre 2021, la dégressivité de l’allocation chômage s’applique à partir du 7e mois aux demandeurs d’emploi de moins de 57 ans dont l’allocation journalière est supérieure à 91,02 € (soit environ 4 858 € de salaire brut mensuel).

    Il est prévu que ce mécanisme s’applique désormais aux allocataires de moins de 55 ans à la date de fin du contrat de travail, ce afin de « mieux tenir compte de la réalité des situations d’emploi et de la capacité des demandeurs d’emploi séniors à retrouver rapidement et durablement un emploi ».

  • Sur l’adaptation des règles d’indemnisation spécifiques aux séniors
  • Actuellement les demandeurs d’emploi seniors bénéficient de règles spécifiques plus « favorables » : durée d’indemnisation plus longue, maintien de droits jusqu’à remplir les conditions d’une retraite sans décote (à taux plein).

    Le texte acte plusieurs mesures :

    • Le relèvement des bornes d’âges pour l’entrée dans la filière d’indemnisation spécifique,
    • Une révision du dispositif de maintien de droits,
    • L’allongement de la durée d’indemnisation en cas de formation.

    Les précisions sur les modalités d’application sont renvoyées à un avenant post-négociation sur l’emploi des séniors.

    2. Simplifier et améliorer la lisibilité et l’efficacité de la réglementation d’assurance chômage

    L’accord prévoit également, dans un souci d’efficacité, l’ajustement de certains dispositifs pour les rationaliser et les simplifier :

  • La mensualisation du versement des allocations
  • Afin de permettre plus de lisibilité et prévisibilité pour les demandeurs d’emploi, les allocations seront désormais versées mensuellement. Actuellement, le versement se fait sur une base calendaire ;

  • L’ajustement des règles d’indemnisation à la suite d’une démission
  • Pour mémoire, aujourd’hui une personne qui reprend une activité en cours d’indemnisation et qui démissionne d’un nouvel emploi moins de 3 mois après son embauche, peut bénéficier des allocations chômage.

    Afin de lever un frein à la reprise d’un emploi et d’aligner ce délai sur la durée maximale légale de période d’essai (4 mois pour un cadre en CDI), il est prévu de prolonger cette durée à 4 mois ;

  • La révision des règles de cumul allocation / revenus issus d’une création ou reprise d’entreprise
  • Actuellement, l’allocataire créateur ou repreneur d’entreprise perçoit mensuellement un montant équivalent à 70 % de l’ARE qui lui aurait été versée en l’absence de reprise d’activité.

    Le texte adapte les règles de la manière suivante :

    • La durée de versement est plafonnée à 60 % du reliquat de droits à la date de déclaration auprès de Pôle emploi comme créateur ou repreneur. Le capital de droits n’est pas modifié : les 40 % restants peuvent toujours être versés dans le cadre d’une reprise de l’indemnisation ;
    • Dès que les versements atteignent 60 % des droits, ils cessent. La situation peut être réexaminée par les services de Pôle emploi.

    Le texte acte ainsi un alignement des règles du cumul allocation / revenus d’activité créée avec celles du dispositif d’aide à la reprise ou à la création d’entreprise (ARCE).

    L’objectif affiché est de gagner en lisibilité et d’éviter les « effets d’aubaine » constatés (notamment pour les demandeurs d’emploi créant des micro-entreprises).

    3. Améliorer la compétitivité des entreprises au profit de l’emploi durable

    A la demande des organisations patronales, des mesures sont également prévues en direction des entreprises. On retiendra notamment :

  • Une baisse de la cotisation employeur
  • Le taux de cotisation est diminué de 0,05 points soit 4 % (contre 4,05 % aujourd’hui) dès le 1er janvier 2024 ;

  • Un ajustement du dispositif dit de « bonus-malus »
  • Pour mémoire, dans un objectif initial de limitation du recours aux contrats courts, le décret du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage a instauré un système dit de « bonus-malus » appliqué aux contributions patronales d’assurance chômage pour les entreprises de 11 salariés et plus, appartenant à certains secteurs d’activité.

    Un ajustement du dispositif est prévu, mais renvoyé à un avenant ultérieur. Plusieurs axes de travail sont envisagés :

    • Revoir le périmètre des fins de contrats de travail prises en compte (un certain nombre de ruptures, comme les ruptures conventionnelles, ne relèvement pas nécessairement de la volonté des employeurs, qui s’estiment pénalisés) ;
    • Revoir et affiner les critères qui déterminent la modulation du taux de contribution en fonction des secteurs d’activité afin d’homogénéiser davantage la règle (actuellement certains secteurs sont davantage surtaxés ou « bonusés »).

    Votre formation sur ce thème

     PERTE D’EMPLOI ET INDEMNISATION CHÔMAGE 

    1 jour – En présentiel ou à distance

    • Intégrer les principes du système d’indemnisation : bénéficiaires et calculs des droits, droits rechargeables.
    • Faire le lien entre l’attestation employeur et les droits et calcul de l’allocation.
    • Examiner les droits des demandeurs d’emploi en matière de protection sociale : assurance maladie, retraite, prévoyance complémentaire.

    4. Adaptation de certaines règles spécifiques

    Les partenaires sociaux conviennent également dans l’accord des points suivants :

    • Maintien des règles d’indemnisation actuelles pour les intermittents du spectacle (le secteur souhaitaient que soient mises en place des règles plus « favorables », mais cela avait pour conséquence d’engendrer des dépenses supplémentaires) ;
    • Concernant les frontaliers, les partenaires sociaux demandent à l’État de mettre la loi française en conformité avec la règlementation européenne sur les règles d’indemnisation2. Ils formulent des propositions dont « la mise en place d’un coefficient, tenant compte du salaire moyen par tête comparé entre le pays de résidence et le pays d’emploi, et modulant le montant de l’allocation » ;
    • Pour se mettre en conformité avec la loi, les ex-détenus pourront être indemnisés au titre de l’allocation chômage.

    Autre élément notable, un chapitre du texte évoque spécifiquement les modalités de financement du régime d’assurance chômage. Les partenaires sociaux ont souhaité rappeler :

    • Leur volonté de conserver le taux de contribution Unédic à Pôle emploi à 11 % des recettes en ce qu’il correspond aux besoins identifiés pour l’atteinte des objectifs poursuivis par le réseau France Travail ;
    • Et leur opposition au souhait du Gouvernement de « ponctionner » le régime pour financer France Compétences3. La mesure de compensation partielle des exonérations de cotisations chômage devrait pourtant bien être entérinée via la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

    Ils réaffirment enfin leur attachement à la gestion paritaire du risque de perte d’emploi considérant qu’ils sont « les mieux à même de connaître le fonctionnement du marché du travail, les besoins des entreprises et les problématiques rencontrées par les actifs ».


    Références :

    1. Document de cadrage du Gouvernement relatif à la négociation de la convention d’assurance chômage, août 2023
    2. Règlement CE n°883/2004
    3. Créée en 2019, l’organisme France compétences a pour mission d’assurer le financement, la régulation et l’amélioration du système de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

    Qu'avez-vous pensé de cet article ?

    Note moyenne de 5/5 basé sur 2 avis

    Soyez le premier à donner votre avis

    Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *