Rupture conventionnelle individuelle ou collective ?

Régulièrement, depuis septembre 2017, nous apprenons, par la presse, la mise en place de ruptures conventionnelles collectives dans de grandes entreprises françaises comme dernièrement chez Dunlop, PSA, Les Inrockuptibles ou la Société générale. Mais qu’est ce qui distingue la rupture conventionnelle individuelle de la rupture conventionnelle collective ?

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Si elles répondent à des objectifs différents, la rupture conventionnelle individuelle ou collective ne peuvent concerner que des salariés ayant un CDI et ne doivent pas être assimilées ni à un licenciement, ni à une démission. Il s’agit, en effet, dans les deux cas d’une rupture amiable. Mais chacune répond à des enjeux particuliers et à des procédures spécifiques destinées à encadrer leur mise en place de garanties propres.

Dans quelles circonstances pouvez-vous envisager une rupture conventionnelle individuelle ?

La rupture conventionnelle individuelle est liée à votre volonté de mettre un terme à un contrat de travail au regard d’un intérêt partagé. La validité implique donc l’absence de tout vice du consentement quant aux modalités de rupture négociées. Elle nécessite donc une convention signée par vous et le salarié, suivie d’une homologation donnée par la Direccte ou autorisée par l’inspecteur du travail s’il s’agit d’un salarié protégé, garantissant le respect des droits des intéressés.

Si elle peut être conclue dans un contexte conflictuel ou pendant un arrêt maladie, maternité ou lié à un accident du travail, elle ne peut être envisagée ni en cas de difficultés économiques en raison des dispositifs permettant aux salariés de bénéficier de droits spécifiques, ni dans un contexte de harcèlement  si, du fait de cette situation, le consentement du salarié peut être vicié.

Quelle est la vocation de la rupture conventionnelle collective ?

Elle est susceptible d’être envisagée en dehors de tout contexte économique et sans être un préalable à un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE). Elle se distingue donc d’un plan de départ volontaire et vise à favoriser la gestion prévisionnelle de l’emploi et d’adaptation des compétences aux évolutions de l’entreprise. Elle peut donc être un outil, par exemple, si vous souhaitez renouveler les compétences de vos salariés en raison de l’évolution des technologies ou si vous lancez une nouvelle activité ou si vous souhaitez rajeunir votre pyramide des âges.

L’initiative d’un tel dispositif vous appartient donc en tant qu’employeur mais la mise en place suppose, au préalable, la négociation d’un accord collectif, validé par la Direccte en vue de sécuriser les départs volontaires. Le salarié aura ensuite la possibilité d’adhérer au dispositif et non l’obligation.

Combien d’entretiens doivent précéder une rupture conventionnelle individuelle ?

La rupture conventionnelle est subordonnée à un ou plusieurs entretiens au cours desquels vous et le salarié pouvez-vous faire assister. Néanmoins, afin de garantir l’absence de vice du consentement, il convient de veiller au respect d’une parité. Si, contrairement au licenciement, la loi n’exige aucune formalité spécifique pour l’organisation des entretiens, nous vous conseillons d’adresser une convocation au salarié lui rappelant qu’il peut se faire assister, selon les règles applicables en matière de licenciement, et en lui laissant matériellement le temps de se rapprocher d’un conseiller, s’il le souhaite.

Même si l’administration considère qu’un entretien est suffisant compte tenu de la faculté de résiliation, nous vous recommandons de prévoir au moins 2 entretiens, voire 3, pour garantir au mieux la réussite de votre négociation, sachant qu’il n’existe pas de délais impératifs entre chacun d’eux. Ils peuvent s’organiser de la manière suivante :

  • un premier entretien de cadrage, permettant d’engager les pourparlers ;
  • un deuxième entretien de négociation pendant lequel on définit les conditions financières et matérielles de la rupture, sachant que le salarié doit au moins percevoir l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement avec une information sur les régimes tant fiscal que social ;
  • un troisième entretien dédié à la signature de la convention afin de garantir l’absence de vice de consentement.

Quels sont les points à aborder lors de la négociation ?

Vous devez déterminer avec le salarié les points suivants :

  • la date de la rupture qui peut être fixée au plus tôt le lendemain de l’homologation ou le lendemain de l’autorisation de l’inspecteur du travail pour les salariés protégés. Néanmoins, rien ne vous empêche de subordonner votre accord à une date plus lointaine afin de permettre le traitement d’un dossier spécifique, le recrutement voire la formation de nouveau titulaire du poste ;
  • le sort de la clause de non-concurrence éventuelle. Cela suppose donc de se demander s’il existe une faculté de renonciation prévue soit dans le contrat de travail, soit dans la convention collective et si un tel renoncement est opportun. Si vous ne pouvez pas lever la clause ou si vous ne le souhaitez pas, la contrepartie prévue par le contrat de travail doit être versée au salarié après la rupture effective de la relation contractuelle sans que le montant ne puisse être minoré selon le mode de rupture ;
  • le sort des éventuels autres avantages liés à la relation contractuelle et aux fonctions (véhicule de fonction, téléphone portable, stock-options, etc.) ;
  • le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut, sauf dispositions conventionnelles, être inférieure, pour les salariés ayant au moins 8 mois d’ancienneté, à l’indemnité légale de licenciement. Cette dernière correspond à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans d’ancienneté puis à 1/3 de mois de salaire pour les années à partir de 10 ans d’ancienneté. L’administration recommande pour les salariés n’ayant pas l’ancienneté requise pour bénéficier de cette indemnité d’attribuer un prorata en fonction du nombre de mois de présence.

Quelles sont vos obligations vis-à-vis de l’administration ? Et quelles sont les obligations de l’administration ?

La rupture conventionnelle doit être formalisée par une convention établie sur le document cerfa n° 14598*01 avant d’être transmise à la Direccte pour homologation. Il ne s’agit pas ici pour l’administration d’être juge de l’opportunité de la rupture mais de s’assurer du respect de vos obligations légales et de l’absence de vice du consentement. Les services compétents vont donc se focaliser sur le processus ayant abouti à l’accord, la date de l’accord et de la rupture, la convention collective applicable et l’indemnité versée.

A compter du lendemain de la date de signature de la convention, votre salarié et vous disposez d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer votre droit de rétractation, impliquant l’envoi, dans ce délai, d’un courrier, de préférence en recommandé. Ce courrier ne nécessite pas obligatoirement d’être motivé.

A compter du lendemain de l’échéance, il appartient au salarié ou à vous-même de déposer ou d’envoyer le dossier auprès des services compétents de la Direccte qui dispose de 15 jours ouvrables pour contrôler le respect des dispositions légales et de la liberté de consentement. L’homologation est considérée acquise si aucune décision ne vous est parvenue avant l’expiration de ce délai.

Comment négocie-t-on un accord relatif à la mise en place d’une rupture conventionnelle collective ?

Lorsque vous envisagez de négocier un accord collectif sur la mise en place d’un dispositif de rupture conventionnelle collective, vous devez informer, au préalable, l’administration de l’ouverture d’une telle négociation afin de permettre à la Direccte de faire un suivi des négociations et de désigner un directeur régional compétent pour se prononcer sur la demande de validation de l’accord.

L’accord est négocié en priorité au niveau de l’entreprise, mais il peut également être conclu au niveau d’un établissement ou d’un groupe selon les règles de droit commun de la négociation, revues par les ordonnances Macron. Si l’entreprise est pourvue de délégués syndicaux, l’accord doit être signé par des organisations représentant 50% des suffrages exprimés au premier tour des élections. En l’absence de délégués syndicaux, l’accord peut être conclu avec le CE ou CSE et dans les entreprises de moins de 11 salariés par approbation aux 2/3 des salariés.   

L’accord doit déterminer :

  • les modalités et conditions d’information du comité social et économique (CSE), s’il existe ;
  • le nombre maximal de départs envisagés et la durée pendant laquelle les ruptures conventionnelles peuvent être engagées ;
  • les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ;
  • les modalités de présentation et d’examen des candidatures et les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ;
  • les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement ;
  • les mesures visant à faciliter l’accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents (congé de mobilité, actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion, actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés) ;
  • les modalités de suivi de la mise en oeuvre effective de l’accord.

Une fois la négociation aboutie, l’accord est adressé par voie dématérialisée à la Direccte qui doit le valider sous 15 jours sachant qu’à défaut de réponse, la validation est implicitement accordée.

Les salariés intéressés peuvent alors déposer une demande qui, si vous l’acceptez, au regard des critères préalablement définis, entraine la rupture d’un commun accord du contrat de travail.

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